Chapitre 6-6
Élue de Trismos.
Quoi ?
Frappée de sa malédiction.
Comment…
Trismos, le dieu de la foudre.
Comment a-t-il… ?
Elaena Syana, élue de Trismos, était blême.
— Je vous demande pardon ?
Elle avait parlé sans réfléchir. Sa voix faible et tremblante avait cherché à nier jusqu’à l’existence de ce dieu de la foudre. L’exercice lui était si peu familier que sa tentative n’avait manifestement pas été plus efficiente que le battement d’ailes d’un oisillon tombé de son nid.
Désormais, face à l’immensité de l’homme, ou plutôt du roi, qui se tenait face à elle, fier et imperturbable, elle sentit ses jambes trembler, son front se couvrir de perles de sueur.
Que faire ?
— Inutile de nier, tonna l’homme-roi.
Fuir ?… Impossible.
— Je dispose de suffisamment de preuves.
Exploser ?… Je le tuerais.
— Je sais que tu possèdes le don de foudre.
Me rendre ?… Qu’adviendrait-il de Nahel ?
— Et, comme je le disais, j’ai une proposition à te faire.
…Quoi ?
— Quoi ?
Je l’ai dit à haute voix.
— Comment… ?
Grimsen nous aurait-il trahis ?
— Non, il n’aurait pas pu…
Vais-je cesser de parler à haute voix ?
— Tu peux comprendre, reprit Laciel comme pour ramener la jeune fille à son attention, qu’en tant que roi, je sais de nombreuses choses. Parmi elles, je sais que tu possèdes un certain talent pour manier l’épée, ainsi que tes propres mains. Je sais que tu n’hésites pas à tenir tête à plus fort que toi, et que la ruse est ton alliée. Je sais que, malgré ta condition, il ne t’arrive pas de renoncer.
Grimsen.
— Et, par-dessus tout, je sais que tu es puissante. Ce que j’ignore, cependant, c’est à quel point. Et toi, le sais-tu ?
Elaena demeura silencieuse, le regard plongé dans les yeux du vieil homme qui la tenait en respect de sa seule voix.
— Tu l’ignores donc ?
Il ne servirait plus à rien de nier.
— J’ai détruit un bâtiment, une fois, dit-elle au prix d’un courage infini. Une partie. Et j’ai abattu plusieurs soldats d’un seul coup.
— Était-ce volontaire ?
Cette fois, elle ne répondit pas.
— Tu ne le maitrises pas.
Ce n’était pas une question.
— Sais-tu au moins d’où il te provient ?
— Chacun connait la légende, répondit finalement Elaena. Les hommes avides de pouvoir ont dérobé leur magie aux dieux.
Le roi fit la moue.
— Foutaises, dit-il sans élever la voix. Il ne s’agit que de mensonges que les ignorants propagent pour alimenter une crainte, une haine des plus irrationnelles. Et toi, pauvre enfant, tu es si crédule que tu en viens à haïr ta propre condition.
— Je ne comprends pas. D’où vient-il, si ce n’est des dieux ?
— Oh, il te vient bien des dieux. Mais les premiers élus ne leur ont rien volé, pas plus que tu ne l’as fait. En réalité, ce sont les dieux qui offrent leurs pouvoirs.
— Pourquoi diable le feraient-ils ?
Pourquoi diable jurer en présence du roi ?
Pourtant, cette fois, le roi sourit. Discrètement et plutôt brièvement, mais Elaena avait vu un sourire.
— Afin que leurs élus puissent faire usage de ce pouvoir pour protéger les terres de Tercania du mal qui tentera toujours de les envahir.
Ne peuvent-ils pas les protéger eux-mêmes, si cela leur importe tant ?
— Depuis les origines de notre monde, certaines personnes se voient offrir le don de maitriser l’un des sept éléments, selon le dieu élémentaire qui l’a élu pour détenir ce privilège : Nero octroie la maitrise de l’eau, Fota celle du feu, Anera de l’air, Petra de la terre, Tasio des plantes, Sidero du métal, et enfin…
— Trismos, de la foudre.
Le roi sourit à nouveau.
— Ce ne sont là que les éléments principaux ; certains racontent qu’il existe des élus mineurs, dont les pouvoirs seraient limités à une unique part de l’un de ces éléments. Toujours est-il que les rares personnes qui sont désignées par l’un des dieux élémentaires pour recevoir son pouvoir porteront son nom.
Je suis une Trismos.
— Admettons que je vous croie, l’interrompit Elaena d’une voix de plus en plus assurée. Admettons que cette histoire de dieux et de privilège soit vraie. Pourquoi personne n’en parle jamais, sinon en mal ? Pourquoi aucun de ces élus n’a-t-il jamais sauvé le monde, comme ce devrait être leur rôle ? Et pourquoi sont-ils toujours considérés comme des créatures du mal qu’il faut jeter dans un cachot ou sur un bucher ?
— Pourquoi ? s’exclama Laciel. Pourquoi, dis-tu ? Parce que l’ignorance et la haine sont plus rassurantes que la connaissance et l’acceptation. Parce que les hommes préfèrent oublier, parce qu’ils aiment effacer. Parce qu’ils préfèrent détester, parce qu’ils aiment créer des monstres. Un ennemi commun, une raison de s’unir ; voici ce que tu es, à leurs yeux. Un monstre, pourtant les monstres ont arrêté le mal un nombre incalculable de fois, quand bien même le peuple s’obstine à l’oublier, à ne pas le voir. On se rappelle des monstres comme incarnant le mal, mais c’est parce que l’on refuse de voir qu’ils ont détruit un mal plus grand — un mal qui nous aurait tous anéantis. Sans les monstres, sans les élus des dieux, Tercania ne serait plus depuis longtemps, et ni toi ni moi ne serions ici pour en parler. Voici, Elaena, élue de Trismos, pourquoi personne n’en parle. Voici pourquoi tout le monde l’oublie.
L’homme se tut, comme le roi l’avait fait. Il semblait sur le point de manquer de souffle tant il avait laissé ses paroles s’écouler en un flot ininterrompu, déchainé, spontané. Il laissa s’abattre un silence seulement brisé par le rythme de ses soupirs.
Brisé ensuite par la voix ténue d’Elaena.
— D’accord, dit-elle sur un ton bien moins craintif qu’auparavant. Mais en quoi cela me concerne-t-il ? En quoi cela me concerne-t-il, moi que ce monde a rejetée sans pitié ?
Sa voix se faisait de moins en moins discrète.
— En quoi cela me concerne-t-il, moi qui fus détruite, lapidée, abandonnée ? Moi qui fus jetée dans une cellule par mes propres parents ?
À présent, elle était sur le point de crier.
— Pourquoi devrais-je sauver ce monde qui ne veut pas de moi ? Pourquoi devrais-je leur offrir ma vie, à eux qui me l’ont déjà prise ? À eux qui me la prennent encore ? Pourquoi…
— Tu le sais déjà, l’interrompit durement le roi. Pourquoi t’es-tu donné tant de mal pour entrer à l’Académie d’Azur ?
Cette fois, elle ne criait plus. Elle ne parlait plus. Elle n’était plus que silence, tenue en un respect palpable par le charisme sans pareil de l’homme qui la surplombait de toute son ombre. Pourtant, elle ne sentait pas effrayée. Simplement vaincue.
— Pourquoi avoir tant cherché à contourner les interdictions ? reprit-il sans apaiser sa voix. Pourquoi y être restée si longtemps ? Pourquoi ne pas avoir fui une fois ton objectif atteint ? Pourquoi t’être donné tant de mal pour protéger ce garçon qui t’accompagne, le fils Karon ?
Elaena avait l’impression de fondre.
— Tu aurais pu le laisser à son sort. Tu aurais pu quitter l’Académie et poursuivre ton objectif, assouvir ta soif de vengeance. Tu aurais pu le faire il y a longtemps, si c’était ce que tu avais réellement désiré. Mais la vérité est autre. Tu t’es attachée à Nahel, tu…
— Fermez-la ! hurla Elaena, qui avait cette fois décidé de l’interrompre, de le tenir en respect, d’imposer sur lui toute la force de son ombre – une ombre bien moindre, mais qui devait suffire, visiblement. Vous ne savez rien. Vous ne savez pas ce que j’ai traversé. Vous ne me connaissez pas.
Son ombre fut rapidement écartée.
— Tes choix parlent pour toi, reprit le roi. Pourquoi être venue jusqu’ici ? Tu aurais pu aller n’importe où, lorsque tu t’es enfuie de la capitale. Tu aurais pu faire ce que tu voulais, choisir la route qui te seyait le mieux. Et tu as choisi celle qui conduisait jusqu’ici.
— C’était la seule décision possible. Nous étions poursuivis, nous n’avions plus rien.
— C’est la seule décision que tu as accepté de voir, dit-il d’une voix qui se faisait plus douce, presque bienveillante. Car, au fond de toi, tu savais que c’était celle qu’il te fallait prendre. Tu as renoncé à l’abandon. Tu as renoncé à la fin. Tu as accepté de te battre, de te défendre. Tu as même accepté le sang de Trismos qui coule dans tes veines. Ce pas que tu as fait, Elaena, est sans aucun doute le plus important de toute ta vie. À présent doit commencer quelque chose de nouveau, étant donné que le reste est derrière toi. Tu le sais, toi qui es venue jusqu’ici. Tu le sais, toi qui as renoncé à renoncer. Et moi, j’ai une route à te montrer. Je peux donner un sens à cette nouvelle vie. Je peux te guider, t’aider à voir tous les bienfaits que tu peux apporter au monde. Il suffit pour cela que tu acceptes de m’écouter.
Durant un instant, d’abord court, long ensuite, Elaena ne lui répondit pas. Il a raison, admit-elle pour elle-même. À contrecœur. Il m’a cernée mieux que je ne l’ai fait. Il a ouvert les yeux là où je voulais tant les garder fermés. Comment fait-il pour être aussi éloquent ? Comment fait-il pour tout comprendre ? Pour tout savoir ? Elaena l’ignorait. Pourtant, elle devait admettre que l’homme-roi avait visé juste. Elle savait que l’écouter était désormais l’unique chose qu’elle pouvait encore faire. Il ne coûte rien de l’entendre. Après quoi je prendrai une véritable décision.
Elle leva son regard dans celui du roi. Il reprit aussitôt, sans qu’Elaena ne lui fasse part de la moindre de ses pensées, comme s’il les connaissait déjà, elles aussi.
— La guerre est à nos portes, dit-il. Tu dois le savoir.
Elle acquiesça d’un rapide mouvement de tête, silencieusement.
— Tu le sais, l’imposteur Galdus a pris le contrôle des Terres de Rubis. À présent, son armée marche sur tout ce qui croise sa route. Réalgar est tombée depuis longtemps. Les Terres de Diamant ont aussitôt subi le même sort. Malgré l’aide que nous leur avons apportée, les Terres d’Émeraude ne sont plus libres. En une dizaine d’années à peine, Galdus a conquis plus de la moitié de Tercania. Les Terres de Saphir constituent sa prochaine cible. Ses troupes se rassemblent à nos frontières, les campements et autres dépôts de matériel se multiplient, tels des nuages noirs à l’amorce d’une tempête. Ce n’est plus qu’une question de semaines avant que Galdus ne soit prêt. Avant que son armée ne déferle sur notre pays. Sur nos terres, sur nos maisons. Avant que Saphir ne tombe, car Saphir ne fait pas le poids.
» Notre armée est éreintée depuis les Campagnes d’Émeraude. Elle peine à se renouveler. Elle est sous-équipée. Rubis dispose d’armes nouvelles qui nous sont inconnues, dont nous ne parvenons à comprendre ni à reproduire le fonctionnement. Des armes qui, tels des canons, peuvent détruire ce qui se trouve loin devant elles, mais dont la puissance, la portée et la mobilité sont incomparables à ce dont nous disposons. Certains de nos espions rapportent que les soldats de Galdus sont capables de les transporter à bout de bras, voire de faire feu sans même avoir à les poser, ou à les charger.
» Face à une telle puissance, nous ne pouvons rien faire. Si nous voulons lutter, si nous voulons tenir ferme, si nous voulons garder la tête haute face à l’ennemi, nous avons besoin de plus. D’une puissance similaire à la sienne. Nous avons besoin de le surprendre, de le déstabiliser. Nous avons besoin d’une arme qu’il ne pourra ni anticiper, ni contrer.
Le regard du roi demeura posé sur Elaena.
— Où voulez-vous en venir ? dit-elle enfin. J’ai appris tout cela, à l’Acacémie. Et je ne vois pas en quoi cela me concernerait plus que n’importe quel autre novice.
— Tu n’es pas, reprit aussitôt Laciel, n’importe quel novice, Elaena. Tu es bien plus que n’importe quel novice. Tu es une Trismos. Tu possèdes un pouvoir dont la puissance est difficilement concevable, un pouvoir dont l’ennemi ignore absolument tout. Un pouvoir qu’il ne pourra contrer, et qui le surprendra au plus haut point.
La foudre.
— Je ne suis pas une arme, dit-elle avec plus s’étonnement que de colère. Je ne suis pas capable de maitriser ce pouvoir, ni même de l’empêcher de surgir quand bon lui semble ! Jamais je ne pourrai…
Laciel l’interrompit une nouvelle fois.
— Tu le retiens pourtant au quotidien, affirma-t-il. Depuis longtemps, sans trop d’efforts.
— Non, ce n’est pas vrai. Ce sont mes gants qui l’empêchent de sortir. Je les porte toujours.
— Un simple vêtement ne peut pas retenir une telle force. S’il l’avait voulu, ton pouvoir aurait fait voler ces gants en éclats sans la moindre difficulté. Ne t’est-il donc jamais arrivé d’avoir à les ôter, ne serait-ce que quelques instants ?
En vérité, à de nombreuses reprises. Récemment, encore, dans l’atelier des sœurs habilleuses.
— Tu peux en porter, si cela te rassure. Mais cela n’empêchera rien. Toi seule, Elaena, peux contenir ce pouvoir. Toi seule le fais depuis qu’il s’est manifesté pour la première fois.
Il a raison, je ne sens pas la foudre, se dit-elle en observant ses mains, alors enveloppées dans des gants blancs, dont la lisière était sertie de petites pierres jaunes sans doute précieuses.
— Ces gants que nous t’avons donnés, continua le roi, sont en revanche réellement utiles. Essaie donc de faire appel à ton pouvoir. Relâche-le de ton étreinte. Allons, ne fais pas cette tête. Essaie donc. Rien qu’un tout petit peu. Fais-moi confiance, cette fois. Je t’en demande peu.
Cela lui prit un instant. Canaliser l’énergie, en libérer seulement une infime partie, sans risquer de détruire tout ce qui se trouvait autour d’elle, ne lui était pas un exercice familier. Elle eut à mobiliser une concentration infinie pour y parvenir.
Et pourtant elle n’y parvint pas. Aucune énergie ne semblait vouloir jaillir. La foudre n’envahissait pas ses doigts et ses mains. Elle ne ressentait pas l’étrange fourmillement qui l’ensevelissait à chaque fois que la foudre se manifestait.
Elle tenta de relâcher davantage son étreinte, de mobiliser davantage d’énergie, mais là encore rien ne se passait, elle ne ressentait rien. Rien, seulement un calme infini, une impression de normalité qu’elle n’avait plus ressentie depuis bien longtemps.
La foudre n’était plus là. La foudre l’avait laissée.
— Ces pierres autour de tes poignets, reprit le roi, la tirant de ses pensées, sont ce que l’on nomme des pierres de puissance. Elles absorbent l’énergie magique de celui qui les porte. Elles canalisent le pouvoir des élus des dieux, les empêchant d’en faire usage. Plus les pierres sont volumineuses ou nombreuses, plus elles absorbent de pouvoir, et plus l’élu se trouve affaibli. Ne nous en veux pas, il ne s’agit que d’une petite précaution. Nous connaissons ton tempérament. L’effet cesse, bien entendu, aussitôt que les pierres sont retirées. Alors l’élu retrouve l’entièreté de son pouvoir. Vas-y, essaie.
Elaena obtempéra. Dès qu’elle éloigna l’un des gants sertis de pierres de pouvoir sans doute précieuses, elle sentit renaître l’étrange fourmillement, certes léger. De minuscules éclats de puissance jaillissaient aléatoirement entre ses doigts, sautant des uns aux autres, et en dehors.
— Ne la retiens pas, dit Laciel. Accueille cette énergie. Canalise-la, modèle-la. Tu es la seule à décider de la forme qu’elle doit prendre. Elle t’appartient, elle t’obéit. Alors guide-la. Guide l’énergie là où tu désires la mener. Visualise ce que tu souhaites en faire. Voilà, tu y es presque ! Un peu plus fort, cette fois. Elle ne peut être que ce que tu lui ordonnes d’être, elle fait partie de toi.
L’énergie sursauta. Elaena renfila le gant d’un geste instantané. Sa main tremblait.
Je la contrôlais, je la contrôlais. La foudre n’a pas surgi, elle n’a pas explosé. Elle a glissé, elle a ruisselé le long de mes doigts. Comment suis-je parvenue à faire une telle chose ?
— Vois, Elaena, comment nous pouvons t’apprendre à faire usage de ce pouvoir, dit le roi. Comment nous pouvons te guider afin que tu guides cette énergie à ton tour. Nous connaissons plus de choses à propos des pouvoirs divins que n’importe lequel des savants, que n’importe laquelle des écoles. Nous disposons d’ouvrages rares, de livres uniques, dont tous les autres exemplaires ont été détruits, qui contiennent plus d’informations que tu ne peux le concevoir. Nos professeurs feront de ton pouvoir le plus précieux de tes alliés. Tu obtiendras un accès illimité à notre bibliothèque, y compris à ses compartiments secrets. Tu seras protégée de ceux qui te veulent du mal et te pourchassent. Tu pourras demeurer dans cette forteresse aussi longtemps que tu le jugeras nécessaire — tu sais à quel point il est difficile de l’atteindre.
Tous mes problèmes seraient résolus.
Toutes mes questions trouveraient réponse.
— Et vous, dit-elle après un bref silence, qu’obtiendrez-vous, en échange ?
Le roi, malgré lui ou non, laissa paraitre son contentement.
— Un soldat, dit-il aussitôt. En échange, tu t’engages dans mon armée, tu protèges les Terres de Saphir. Tu uses de tes capacités pour nous permettre de prendre l’avantage sur l’ennemi, pour gagner des batailles. Tu acceptes que nous t’apprenions à te battre. N’était-ce pas déjà ce que tu désirais, en t’engageant à l’Académie d’Azur ? Nous ferons de toi la plus redoutable des guerrières de ce pays, et de Tercania tout entier.
» En échange, nous vainquons l’armée de Galdus. Voilà ce que je te propose, Elaena Syana, élue de Trismos.
L’élue de Trismos ne dit rien. Durant un instant qui dura un long moment. Mais le roi ne la pressa pas.
Je n’ai qu’à y gagner, se disait-elle. Ce qu’il me propose, c’est ce dont j’ai toujours rêvé. Je ne peux refuser. Et, après tout, ai-je réellement d’autres choix ? Non, assurément pas. Alors pourquoi hésiter de la sorte ? Pourquoi…
Elle n’était plus seule.
Je ne suis plus seule. Cela ne dépend pas uniquement de moi. Non, je ne peux pas le laisser seul. Je ne me le permettrai pas. Je ne peux pas l’abandonner à son sort.
— J’ai une condition, dit-elle avec une assurance qu’elle ne se connaissait pas, d’une voix si puissante qu’elle avait semblé être celle de quelqu’un d’autre.
Le roi ne laissa cette fois rien paraitre.
— Je t’écoute, dit-il d’un ton parfaitement neutre.
— Je veux que Nahel poursuive sa formation. Je veux que son honneur soit garanti et qu’il intègre l’armée de manière officielle. Telle est ma condition.
— Cela me parait raisonnable, dit Laciel. Très bien, qu’il en soit ainsi.
L’homme-roi Laciel s’approcha de la novice-Trismos Elaena. Il se trouvait face à elle, mais sans la dominer, sans la tenir en respect de son ombre si imposante.
Laciel tendit sa main devant lui.
Elaena tendit la sienne devant elle.
Chacun saisit fermement celle de l’autre.
Chacun plongea un regard décidé dans celui de l’autre.
— Nous commencerons dès demain, dit le roi.
Ainsi débutèrent leur collaboration.
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