Le Premier Conseiller Terryos, fidèle partenaire et ami du roi Laciel, entra dans l’immense salle du trône des Terres de Saphir aussitôt après que la foudre l’ait quittée. Cela faisait longtemps déjà qu’il ne se laissait plus impressionner par le luxe, la richesse, la beauté, la grandeur. Cette salle, ce trône, il les avait vus des centaines ou des milliers de fois. Les tapisseries brodées de feuilles d’or et de bas-reliefs, les sublimes peintures illustrant une infinité de scènes historiques et sans doute fictives, le mobilier qui s’apparentait davantage à des œuvres d’art qu’à de simples meubles tant il était raffiné et détaillé, le sol si brillant qu’il semblait fait de miroirs, le tapis de velours bleu ; tout cela, il le connaissait par cœur. Sans doute autant que le roi lui-même.

Il ne s’en laissait plus impressionner.

Le Premier Conseiller Terryos s’avança au milieu du luxe et de la richesse. Son pas franc le guida auprès du roi Laciel en un seul instant. Après tout, il s’était trouvé là depuis un long moment.

— Voici qui fut fort intéressant, dit-il afin d’annoncer sa présence.

— Cela s’est bien passé, en effet. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle accepte aussitôt. J’étais prêt à lui laisser une nuit de réflexion. Peut-être deux.

— Vous vous êtes montré convaincant.

Laciel laissa échapper un soupir. Il n’était pas aussi satisfait que son ami.

— Elle est instable, expliqua-t-il. Son esprit est troublé : son parcours n’a pas été de tout repos, si j’en crois ses paroles. Nous devrons nous montrer prudents, Terryos. Nous ne pouvons pas nous permettre de la perdre.

— Cela va sans dire. (Le conseiller demeurait de marbre.) Nous y garderons un œil attentif.

— Bien.

Le roi marqua une pause. Son regard se perdit dans un champ de pensées.

— Quelque chose vous tracasse, affirma Terryos.

Un autre soupir. Laciel ne pouvait témoigner du moindre signe de faiblesse.

— Oui, en effet. Je me demande qui étaient ces hommes, qui sont entrés dans l’Académie. D’après Grimsen, ils en avaient après Elaena. Après elle, précisément. Personne d’autre. Ils connaissent son pouvoir, c’est certain, bien qu’ils se soient montrés imprudents à son égard. Qui sont-ils ? Comment ont-ils découvert qu’une Trismos se trouvait à l’Académie ? Tout cela m’échappe, Terryos. Cela m’échappe complètement. Je n’aime pas quand les choses m’échappent.

— Elaena est jeune et maladroite, rappela le conseiller. Elle a sans doute eu maintes occasions de révéler son pouvoir à la mauvaise personne, même involontairement. Même sans s’en rendre compte. Quant à l’identité de ces assaillants, qui sait ? Ils peuvent avoir été envoyés par Rubis, comme par un bandit notoire. Nous ne pouvons pas le savoir, pour le moment.

— Lumière doit être faite sur cette affaire, déclara le roi, aussitôt que possible. Si Rubis découvre que nous la détenons, ce sont tous nos plans qui pourraient être compromis.

— Vous vous alarmez pour bien peu de choses, dit Terryos en un sourire. Galdus finira par apprendre son existence. S’il ne sait pas encore que nous détenons la novice, il l’apprendra bien assez tôt, lorsqu’elle lui portera des coups desquels il ne pourra se relever. Et même s’il la recherche, vous savez qu’elle ne craint rien, tant qu’elle demeure dans cette forteresse. Du reste, nos meilleurs espions mènent l’enquête depuis plusieurs jours. Nous serons bientôt tirés de l’ignorance.

Un troisième soupir. Laciel était exténué.

— Tu dois avoir raison. Comme toujours, Terryos.

— Vous seul en jugerez. Dans l’immédiat, l’important est de garder la Trismos dans ces murs. La convaincre de nous donner une chance était déjà une tâche bien laborieuse. Mais je pressens que l’empêcher de s’en aller nous posera davantage de problèmes encore. Nous devrons nous montrer exemplaires. Car si nous échouons, cette fois, nous sommes perdus.

Par cela non plus, Terryos se ne laissait plus impressionner.