Chapitre 7-3

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Elle a rencontré le roi.

Nahel ne parvenait pas à se faire à cette idée.

Elle l’a rencontré. Et à présent, il veut la garder auprès de lui. Il veut en faire sa carte maitresse. Le plus puissant soldat de son armée.

Nahel ne pouvait s’y résoudre. Pourtant, c’était la décision la plus censée que le roi aurait pu prendre.

Impossible de ne pas saisir une telle occasion : Elaena pourrait renverser le cours de certaines batailles.

Alors qu’elle lui rapportait son entrevue avec le roi Laciel, la voix d’Elaena ne semblait pas capable de tenir en place. Elle parlait à toute vitesse, bafouillant parfois, sans se donner le temps de reprendre son souffle. Elle débordait manifestement d’émotions mais tentait, comme à sa si tenace et bancale habitude, de n’en laisser voir aucune. Fierté et satisfaction, mais aussi angoisse et peur. Tout cela se mêlait dans son discours : elle avait négocié leur protection, elle avait gagné un apprentissage, elle avait tenu ferme face au roi de Saphir. En un débat qui l’avait épuisée, tant il avait été une tornade de sentiments contraires, de surprises et de découvertes, d’espoirs et de craintes.

— Je vais rester ici, acheva-t-elle après un fervent monologue, pour un certain temps. Quant à toi, tu peux retourner à l’Académie. Le roi m’a garanti que ton honneur était sauf et que tu pourrais retrouver ta place de novice.

Nahel pâlit.

— Elaena, bégaya-t-il. C’est… c’est super, c’est merveilleux. Mais, je reste. Je refuse de partir si tu ne viens pas.

Elle pâlit à son tour.

— Mais, et l’Académie ?

— Peu importe l’Académie. Je veux m’entrainer avec toi. Nous serons mieux formés ici que n’importe où ailleurs.

— Mais…

— Si mon honneur est garanti, qu’est-ce qui m’empêche de rester ?

— Mais…

— Je ne veux pas te laisser. Je ne veux pas que nos chemins se séparent.

Il sourit.

— C’est ma décision, conclut-il. Je te demande de la respecter, ce n’est pas grand-chose.

Elaena ne lui répondit qu’en l’enlaçant avec vigueur.

Sur son visage, une discrète perle de rosée.

Dans ses yeux, une joie plus grande encore que celle qui l’avait animée quelques minutes auparavant.

Face à elle, un ami convaincu d’avoir fait le bon choix.

Nous sommes en sûreté, se disait-il. Nous restons ensemble. Rien ne peut compter davantage.

Nahel sourit pour lui-même.

Après tout, où irais-je, sinon à ses côtés ? Qui serais-je, sinon son compagnon de route ? Rentrer à l’Académie et redevenir le petit novice, le fils du général, que tout le monde évite et repousse de manière faussement amicale ? Mon père a sans doute fait le bon choix, en m’inscrivant dans cette école. Il a sans doute fait le meilleur choix possible pour sa famille, et pour moi. Mais malgré tout, je n’y suis qu’un novice. Un novice marginal, plus accaparé par la pression de la réussite et par l’ombre du nom qu’il doit porter que par l’amitié, que par la responsabilité.

Un novice solitaire.

Mon père a sans doute fait le meilleur choix possible.

Mais à présent j’en fais un meilleur encore : je demeure auprès d’elle.

Parce qu’auprès d’elle, je ne suis plus seul.

Parce qu’auprès d’elle, je suis à ma place.

Parce qu’auprès d’elle, je suis utile.

Elle est le rayon de soleil dans la nuit de ma vie.

Elle est la flamme qui m’éclaire, là où je ne savais pas avoir besoin de lumière.

Elle est l’éclat, elle est la tempête.

Elle est ce pour quoi je persiste, désormais.

Nahel, le novice parfait, le petit garçon apeuré, l’enfant perdu loin de sa famille. Ce Nahel a disparu. Il n’est plus, depuis le jour où Elaena l’a rencontré. Depuis le jour où elle a accepté son aide.

Nahel est mort, Nahel est né.

Il est né d’Elaena, de ses mains, de ses larmes, de son cœur.

Elle est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.

Alors je ferai en sorte que nos chemins demeurent conjoints.

Ainsi je pourrai toujours la protéger.

La défendre.

L’aimer.

Nahel rendit son étreinte à la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée.

Je reste avec toi, avait-il envie de lui répéter, je ne veux pas que nos chemins se séparent, inlassablement.

Car je t’aime, Elaena.

Il brûlait d’envie de lui dire tout cela. Mais il ne put que lui montrer.

Alors il l’enlaça plus fort de ses bras. Il la serra contre lui comme s’il désirait qu’elle demeure là pour l’éternité. Il sentait le poids léger de sa chaleur, la tempête douce de son souffle, la brise terrifiante de ses cheveux. Il sentait ses yeux dans son regard, ses soupirs contre sa joue, ses lèvres contre les siennes.

Sa peau, douce, tendre, ardente.

Son parfum, ses cheveux, son corps.

Il sentait son amour.

Alors il s’y abandonna tout entier, en une explosion de chaleur, en un déferlement de sensations.

En une avalanche de caresses, de tendresse, de plaisir.

Tant qu’ils se fondirent l’un dans l’autre.

Et leur étreinte dura toute l’éternité.



Chaleur, douceur, bonheur.

Que sont ces sentiments ?

Je les connais pourtant.

Si évidents, si parfaits, si forts.

Bien plus qu’autrefois.

Ai-je réellement le droit d’y succomber ?

Ai-je réellement le droit de me lier à lui ?

J’ai pourtant tant de chemin à parcourir.

Ai-je réellement le droit d’aimer ?

Une immense chaleur l’enveloppa.

Oui, j’en ai le droit.

Car, désormais, je ne suis plus seule.

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