Chapitre 8-7

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La nuit était déjà bien installée lorsqu’ils regagnèrent le dortoir de la Forteresse d’Argent. L’euphorique soirée qu’ils venaient de vivre leur avait ôté toute envie de discrétion : ils se sentaient si heureux, si libres, qu’il était sans doute inutile de le cacher, même aux gardes qui les dévisagèrent le long des couloirs. Car si la boisson pouvait quelquefois altérer les sens, elle laissait les plus purs sentiments s’enflammer. Parvenus aux portes de leurs chambres mitoyennes, ils s’immobilisèrent un instant, sans trop savoir quoi dire, sans trop savoir quoi faire, mais absolument certains qu’ils ne souhaitaient pas se séparer.

— Merci, dit simplement Elaena. J’ai passé une très belle soirée.

Un bref silence, Nahel manifestement hésitait, il cherchait ses mots, serrait ses doigts, avalait sa salive. Il regardait Elaena sans trop oser soutenir son regard, lui-même fuyant. Un voile de pudeur semblait se dresser entre eux, en dépit de la complicité tout juste partagée, un voile de plus en plus épais, de plus en plus coriace, un voile qu’il leur fallait chasser dès que possible, sans quoi il sera trop tard, sans quoi le voile, la pudeur, la gêne, la retenue, tous ceux-là auraient gagné, et eux auraient perdu. Nahel en avait conscience, mais le voile était robuste, et Elaena lui sembla soudain inatteignable, comme revenue au temps de l’Académie, au temps où il la craignait, où elle le repoussait, où la voir faisait naître au creux de son ventre une gêne désagréable, une masse qui l’empêchait d’avancer, de parler, un poids qui retenait toute son audace, tous ses désirs. Un poids qu’il sentit à ce moment, qui doubla lorsqu’il entendit la lointaine voix d’Elaena, alors… disait-elle, mais ce poids ne le priverait pas d’elle, il ne les priverait pas de leur amour, de leur complicité. Enfin ils étaient seuls, enfin ils étaient libérés des regards, enfin ils pouvaient quoi ? il ne le savait pas, mais peu importait, car ses réflexions soudain se turent, laissant place au bref baiser qu’Elaena déposa sur ses lèvres silencieuses. Un baiser qui le tira aussitôt de sa torpeur, qui délia sa langue.

— Tu veux entrer, discuter encore un peu ?

Elaena répondit aussitôt, sans réfléchir un seul instant, lui parut-il.

— Bien sûr.

Dès qu’Elaena eut refermé derrière eux la porte de la chambre de Nahel, elle saisit le bras de son compagnon, qui déjà s’affairait en s’excusant, déplaçant quelques vêtements, repoussant une chaise sous son bureau, réorganisant les draps de son lit. Elaena l’interrompit, car à cet instant elle n’avait que faire de l’ordre ou du désordre, à cet instant seul comptait Nahel, seuls comptaient ses yeux, seules comptaient ses lèvres. Elle le saisit par le bras, le substituant à son élan pour l’entrainer dans le sien, l’amenant jusqu’à elle, l’embrassant avec une ardeur tout aussi douce que fougueuse. Il ne fallut pas plus que cet instant pour que Nahel délaisse l’ordre et le désordre lui aussi, s’abandonnant tout entier à son baiser, lui rendant sa passion avec plus de ferveur encore, tant qu’il eut l’impression qu’elle allait se fondre en lui, ou lui en elle. Glissant une main dans ses cheveux, laissant la sienne se poser près de sa joue comme pour l’enlacer toute entière, il sentit leur baiser redoubler d’intensité, leurs lèvres se lier comme pour l’éternité, leurs bouches s’ouvrir plus grand pour laisser leurs sentiments se mêler et se nouer. Jamais Nahel n’avait senti son visage si proche du sien, jamais Elaena n’avait à ce point désiré se fondre en sa chaleur, jamais ils n’avaient été si amoureux. Alors, sans cesser de l’embrasser, ne déliant ses lèvres des siennes à aucun instant, Elaena glissa ses mains par dessous le tissu, caressant la peau de Nahel de toutes ses forces, jusqu’à ne plus pouvoir s’en contenter. Libérant son étreinte un seul instant, elle ôta d’un geste son propre vêtement, puis le sien, les abandonnant sur le sol. Assaillant ses lèvres à nouveau, profitant de la nouvelle liberté de sa peau, de sa chaleur, elle enlaça de ses bras le torse de Nahel, ses mains enserrant la peau de son dos, ses lèvres se confondant dans les siennes, ses seins épousant sa poitrine avec une force sensible. Elle sentit une chaleur immense l’envahir, une chaleur telle qu’elle n’en avait jamais ressenti, une chaleur plus intense que toutes les chaleurs qu’elle avait pu connaitre, plus forte que la douleur, plus forte que la haine, plus forte que la honte.

Une chaleur qu’ils se sentirent partager.

Alors qu’il la serrait contre lui, Nahel sentit sa peau douce, sa langue fougueuse, sa force ardente. Il sentait tout son corps, tout son être, tout son amour. Une sensation étrange s’empara de lui, une sensation très peu familière, qu’il maitrisait si peu qu’il la contrôlait, une impétuosité qu’il ne se connaissait pas, qu’il se découvrait avec une surprise teintée d’effroi.

Les mains d’Elaena soudain plongèrent vers sa propre taille et le bruit sourd d’un tissu glissant contre le sol.

Nahel cessa tout mouvement, laissant son regard glisser le long de son amour. Puis un indécelable mouvement de recul qu’il ne put s’expliquer.

Face à lui, Elaena n’était plus vêtue que d’un souffle. Seule la petite perle de son collier tombait timidement contre sa poitrine éblouissante. Dessous glissait la ligne de son ventre plat, discrètement taillé par les muscles, tombant avec fluidité de son nombril jusqu’à ses jambes douces, et son bas-ventre qu’il n’osa regarder. Aucun vêtement n’aurait pu rivaliser de beauté avec sa peau nue, aucune pierre précieuse n’aurait pu la rendre plus désirable que la plus pure des simplicités.

— Elaena, chuchota-t-il comme de peur d’être entendu, es-tu sûre de toi ?

Jamais Elaena ne s’était ainsi dévoilée en pleine lumière, jamais elle ne s’était ainsi offerte aux yeux d’un homme, car jamais elle n’en avait eu l’envie. Pourtant, à cet instant, elle ne désirait rien d’autre que son regard sur elle, que son désir l’enveloppant toute entière, que sa chaleur l’embrasant jusqu’au plus profond de son être.

— Si tu le veux, répondit-elle tout aussi bas.

Alors, sans décrocher d’elle son regard, d’abord hésitant puis lentement innocent, Nahel défit sa ceinture et s’offrit pleinement au regard d’Elaena, à ce regard plus que jamais empli d’ardeur, d’envie, d’amour et de désir. Le regard s’attarda un instant sur son torse et sa musculature expressive, sur ses bras aux courbes fluides, sur son ventre ferme. Si Elaena connaissait toute la force de Nahel, ce ne fut que ce soir-là qu’elle eut l’impression de vraiment la percevoir.

Alors, lentement, timidement, presque craintivement, elle s’approcha à nouveau de lui, posa ses bras autour de ses épaules, déposa bien plus calmement ses lèvres contre les siennes, l’épousant tout entier petit à petit, s’offrant à sa chaleur, se livrant à ses caresses. Prenant place sur le petit lit, laissant leurs corps s’entrelacer comme d’eux-mêmes, observant l’excitation croître de plus en plus et le désir guider leurs gestes imprécis, ils se rejoignirent comme jamais auparavant. Nahel laissa parler son courage, Elaena laissa entendre son cœur, et ils furent submergés d’une vague de plaisir, d’un océan de bonheur, d’un univers de passion qui sembla les priver à jamais de leur souffle alors que l’amour les consommait, que leur fougue semblait infinie, que leur passion était plus forte que le monde, qu’ils plongeaient ensemble dans un océan d’extase infinie.

Longtemps la petite chambre fut couverte de leurs ébats, de leur plaisir, de leur affection sans borne.

Longtemps l’éternité s’empara d’eux.



Le soir venu, l’éternité achevée, Elaena et Nahel étaient allongés sur l’étroit matelas, nus comme la vérité de leurs sentiments. Enlacés comme pour ne jamais se séparer, leurs corps étaient caressés par une lueur tamisée, la chaleur de leur intimité enveloppant chaque parcelle de leur peau. Ils auraient tout donné pour que cet instant s’étire à tout jamais. Pour que toujours ils puissent demeurer ensemble.

— Je t’aime, Nahel.

Elaena avait plongé ses yeux dans ceux de son amour. Elle avait parlé comme d’instinct, comme de nécessité de le lui dire, de l’expliciter véritablement, encore et encore.

— Je t’aime, Elaena.

Nahel avait soutenu son regard. Il avait parlé comme d’instinct, comme de nécessité de le lui confirmer, de l’assurer.

Alors il posa ses mains contre ses joues, et à nouveau il l’embrassa une éternité encore.

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