Chris et Tyler

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J'ai toujours connu ma préférence pour les hommes. Déjà au collège, dans les années 1970, je découvrais mes hormones adolescentes au travers de mes camarades masculins, dans les vestiaires ou sur le terrain de football. Tous ces contacts, violents, virils, je n'étais pas dupe. Mais j'ai grandi au Texas, un état ultra-conservateur et très religieux. J'ai mis du temps à fréquenter des filles, comme je pratiquais beaucoup de sports différents, j'utilisais le manque de temps comme excuse. Mais pour faire comme tout le monde, je n'ai pas eu le choix que d'accepter leurs avances, pour ne pas éveiller les soupsons. J'ai pris sur moi et enfouis ma véritable identité au plus profond de mon être.

C’est d’ailleurs au collège que j’ai rencontré Mandy. Elle n'avait rien de spécial à mes yeux, mais tout le monde disait que c'était la plus belle fille de la ville. Une blonde plantureuse aux yeux bleus avec un haricot à la place du cerveau. Mais pour les autres, c'était une sorte de prouesse, un défi que de parvenir à la séduire et à l'épouser. Tout le monde était fier de moi, mais pas ma conscience.

Le soir du bal de promo, alors que nous venions d'être sacrés roi et reine de notre promotion, Mandy s'est jetée sur moi pour m'embrasser. J'étais tellement dégoutté que j'ai vomi sur la piste de danse devant tout le collège. Une image du capitaine de l'équipe de football qui n'était pas pour plaire à tout le monde, j'ai donc menti en disant que j'avais consommé de l'alcool et c'est passé comme une lettre à la poste.

À La fin de mes études de droit, nous nous sommes mariés et avons rapidement eut deux magnifiques enfants, Tyler et Kim, des faux jumeaux. De vrais américains, comme leurs parents, blond aux yeux bleus. Des traits physiques d'un banal mortel, mais qui leur permettraient de s'en sortir mieux que la majorité des autres enfants. Les préjugés avaient la vie facile, c'est pour ça que j'ai décidé de trouver un poste sur New-York, la grande ville offrait une forme de discrétion bien venue.

Ma carrière allant de succès en succès, nous nous sommes offert une maison en plein cœur de Manhattan. Mandy ne travaillait pas, elle n'avait pas été éduquée dans se but, alors je passais un temps considérable au bureau pour maintenir notre train de vie, mais ne pas voir mes enfants grandir me pesait. Kim s'était toujours montré plus proche de sa mère, elles partageaient des loisirs de "filles" que je ne pouvais pas avoir avec elle, ce qui était compréhensible. Elle était populaire et très appréciée par ses camarades de classe. Tyler en avait plus après moi, il était aussi plus discret, plus introverti que sa sœur. Certains jours, il m'appelait des dizaines de fois bureau pour me parler de tout et de rien. Ça me brisait le cœur de ne pas pouvoir être auprès de lui, mais quand je rentrais le soir, peu importait l'heure, je ne manquais jamais de m'allonger quelques minutes à ses côtés, juste pour qu'il sente ma présence, qu'il ne m'oublie pas.

Avec Mandy, notre relation n'avait jamais été très agréable. Nous nous contentions de rapport sexuels occasionnels, parfois plusieurs mois sans rien faire. À défaut de ce genre d'activités, je passais énormément de temps à la salle de gym. D'une part pour rester en forme, mais aussi pour tous ces hommes aux corps taillés, ces muscles saillant dans de petites tenues ne laissant que peu de place à l'imagination. C'était dur, mais je n'ai jamais trompé ma femme, malgré les occasions qui n’ont pas manqué.

Évidemment, comme beaucoup d'homme en manque de relations sexuelles, il m'arrivait de me masturber, souvent au bureau, entre deux rendez-vous, parfois aux toilettes d'un restaurant à ma pause déjeuner. Comme je n'étais jamais à la maison et que celle-ci était rarement vide, je me contentais de ces moments solitaires, mais au moins, je pouvais laisser libre cours à mes fantasmes.

Un jour, pendant une discussion informelle et graveleuse avec un collègue, ce dernier m'a parlé d'une pratique pour décupler les sensations au moment de l'orgasme. Il fallait se passer une corde ou un vêtement autour du cou et se pendre pour que le manque d’oxygène au cerveau accentue l'orgasme.

— C'est un truc de malade ! L'autre jour, avec ma femme, j'ai joui trois fois d'affilée pendant qu'elle contrôlait le nœud coulant !

— Mais… tu es obligé de le faire avec quelqu'un, alors ?

— Pas forcément, y a des gars qui le font seul. Il te suffit d'avoir quelque chose d'acide dans la bouche, genre un quart de citron, pour te ramener à la réalité avant d'étouffer totalement.

J'avais éclaté de rire en le traitant de taré, mais peu de temps après, alors que je me "détendais" dans mon bureau avant de rentrer chez moi, j'ai eu envie de tenter l'expèrience. J'ai resserré ma cravate autour de mon cou et immédiatement, la sensation du manque d'air couplé aux images que je projetais dans ma tête m'ont excité à un point que je n'avais jamais éxpérimenté. Mais le nœud ne faisait que de se desserrer et je ne pouvais pas rester le bras levé assez longtemps pour en profiter. J'ai coincé ma cravate dans la porte de mon bureau et me suis laissé descendre à genoux. J'étais si excité par ces sensations incroyables que j'ai joui en quelques secondes.

À partir de ce moment, j'avais mis en place divers techniques qui me permettaient de profiter de cette pratique sans prendre trop de risques. Jusqu'au jour où je me suis enfin retrouvé seul à la maison, la première fois en plus de dix ans. Mandy était sortie faire du shopping avec Kim, et Tyler était chez l'un de ses amis.

Dans le coffre-fort, je cachais une vidéo cassette porno gay que je n'avais pas regardée depuis longtemps, elle était la seule preuve de ce que je considérais encore comme ma "profonde déviance". Je me suis mis à l'aise dans notre chambre, la vidéo sur l'écran géant. J'ai passé une de mes cravates autour de mon cou et l'ai suspendu au ventilateur de plafond que je savais trop peu solide pour supporter mon poids si je venais à perdre connaissance, avant de prendre un demi citron vert dans la bouche. J'étais tellement excité que je me suis fait violence pour faire durer ce moment de plaisir que j'avais tant espéré. J'avais la gorge en feu à force du frottement et de chercher de l'air, mais c'était bien trop excitant pour arrêter. Je me souviens avoir joui, je revois même cet impressionnant jet gicler jusque sur le téléviseur, je ressens encore les spasmes que j'ai endurés. Puis tout est devenu noir, le néant.

Je me suis réveillé dans une chambre d'hôpital, Tyler était à côté de moi et me regardait avec les yeux rouges de larmes. La honte m'a envahi en réalisant ce qui m'avait amené ici, mais du haut de ses seize ans, Tyler m'a pris dans ses bras.

— Ne t'en fais pas, papa. Je sais ce que tu vis. Je t'aime.

Mandy et Kim sont entrées et se sont jetées à leur tour sur moi en pleurant, mais je ne pouvais détacher mon regard de celui de Tyler. J'ai compris que lui aussi vivait avec ce secret et en repassant le film de ma vie, mon cœur se serra à l'idée qu'il puisse finir comme moi. J'avais eu si peur pendant tant d'années que mon secret soit un jour dévoilé, que la réaction de mon fils m'a libérée d'un poids sur le cœur.

S'Il ne m'avait pas découvert, je ne serais plus de ce monde. Il m'a détaché et après m'avoir réanimé, il a prévenu les secours en prétextant une mauvaise chute, avant de me rhabiller et de faire disparaître les "traces" de mon acte pervers.

Depuis, notre relation n'a plus jamais été la même. Il m'est devenu difficile de passer plus de quelques heures sans être auprès de lui, mon âme sœur, mon unique confident et ami, la seule personne à même de me comprendre. Grâce à lui, j'ai pu enfin m'affirmer au grand jour et quitter sa mère pour vivre la vie que j'avais toujours rêvée de vivre. Il m'a fait découvrir la communauté gay, il m'a poussé à vaincre ma timide pour rencontrer d'autres hommes et avoir mes premières expériences. À quarante-neuf ans, ma vie commençait enfin.

Aujourd'hui, j'en ai soixante-deux. J'habite un grand appartement de l'Upper East Side avec mon époux, mon fils et son compagnon. Mais n'allez pas vous imaginer une quelconque perversité malsaine dans nos relations, nous ne nous partageons pas les uns les autres.

J'aime mon fils plus que tout au monde et je suis heureux de partager ma véritable existence avec lui.

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