—Salut Eïlie ! Dis, tu fais quoi ? Tu fais quoi ?! me demanda Audric en sautillant autour de moi.

—Je cherche une formule, mais c'est pas gagné...

—Tu dois gagner quoi ?

—Une bonne note à l'école.

—Ah...? Ça a l'air d'être super dédule, ça !

Évidemment, ce que je redoutais arriva. La noisette a brillé d'une lumière si puissante qu'elle nous aveugla. Et POUF ! Une pluie d'étoiles scintillantes tomba doucement autour de nous, comme si le temps avait ralenti.

Ah oui, parce que je vous ai pas expliqué. Ma noisette magique est une « seconde main ». Ça veut dire qu'elle a déjà été utilisée avant par une autre personne. Et cette personne, c'était ma mère. Au même âge que moi, elle l'a reçue de sa mère. Quand maman me l'a donnée l'an dernier, elle m'a raconté que, lors de son premier vol, elle s'est mise à faire un looping. Résultat, le collier a glissé de son cou et est tombé par terre. Le choc a fissuré la noisette magique qui, depuis, fonctionne moins bien. Par exemple, lorsqu'Audric prononce mal un mot... PAF ! La noisette déclenche toute seule un nouveau sort. Et alors là, c'est le début des ennuis ! Parfois, je me dis qu'il y a des jours, il vaut mieux rester au fond de son lit...

Bref. Après que la noisette magique ait déclenché elle-même un sortilège, la pluie d'étoiles scintillantes s'est évaporée. Et on a vu avec Audric que nous n'étions plus dans ma chambre mais au beau milieu d'une forêt tropicale avec des lianes, des palmiers et des fleurs exotiques.

—Hey p'tit nigaud... On dit pas « dédule », mais « dédale ». Un dédale, c'est un endroit où on risque de s'égarer parce qu'il y a plein de détours compliqués.

Devant nous, il y avait trois chemins possibles : à droite, en face ou à gauche. Audric regarda la carte que je tenais dans ma main.

—On est peut-être là ?

Mon frère pointa son index sur le dessin d'un rocher gigantesque, qui avait un trou au milieu entouré de palmiers. En vérifiant, je me suis rendu compte que le dessin était très précis. À côté de nous se dressait exactement ce même rocher avec des palmiers un peu partout. Oui, nous étions bien à cet endroit.

Sur la carte, devant le rocher, trois chemins se séparaient pour faire plein de détours et s'entremêler. Un seul d'entre eux arrivait à un endroit où se trouvaient des losanges multicolores. Puis, d'autres chemins repartaient de cet endroit pour qu'un seul arrive à une clairière où se trouvaient des cercles multicolores. Enfin, d'autres chemins partaient de la clairière pour finalement arriver à une étendue bleue où étaient dessinées des vagues. Aucun autre chemin n'allait hors de la forêt. On était bloqués dans un labyrinthe ! L'enfer ! Comment est-ce qu'on allait en sortir ?!

—C'est bien un dédale. Et je crois que là, on est mal...

—Ah bon ? C'est bizarre, parce que moi, je me sens plutôt bien... S'extasiait Audric.

—Tu comprends pas ! C'est pas notre forêt... Je ne sais même pas où on est !

Pour retourner chez nous, j'ai voulu jeter un nouveau sort. Mais quand ma noisette magique utilise beaucoup d'énergie, elle se vide. Et là c'était le cas, elle n'avait plus une goutte de magie. Même pas un mini-peu. Avant de pouvoir encore m'en servir, j'allais devoir attendre qu'elle se recharge et redevienne magique. Et ça allait prendre du temps...! À ce moment-là, je commençais à paniquer. J'essayais de passer à travers des buissons. Audric me fixa sans comprendre.

—Qu'est-ce que tu fais ?!

—C'est pas possible ! je m'exclamais énervée.

Les buissons étaient très hauts et comme collés les uns contre les autres. On aurait dit un mur végétal. Je commençais à l'escalader.

—Qu'est-ce qui est pas possible ? demanda Audric surpris.

—Des chemins qui commencent au milieu d'une forêt, ça n'existe pas ! Je vais voir s'il y a une autre sortie.

Alors que j'allais passer de l'autre côté, les buissons ont commencé à frémir et m'ont éjectée. J'ai atterri près d'Audric, sur une pelouse moelleuse. C'était plutôt agréable, mais pour en sortir, j'ai dû marcher à quatre pattes. Jusqu'au moment où...

—YOUPIIIIIII ! Audric a hurlé de joie en prenant tout son élan. Il a couru et a sauté à côté de moi.

—NOOOON...

Trop tard. Je n'ai pas eu le temps de lui dire de s'arrêter qu'il s'est mis à bondir sur la pelouse comme sur un trampoline. Aussi agile qu'un gymnaste, Audric a fait une pirouette et s'est réceptionné avec grâce au milieu du chemin. De mon côté, j'ai fini dans un palmier, puis suis tombée à côté de mon frère sur les fesses...

En voyant la lumière du jour commencer à baisser, j'ai compris qu'il ne fallait pas traîner. Je regardais la carte et surtout à l'autre bout, ce qui semblait être la sortie. L'endroit qui indiquait des vagues.

—Par où est-ce qu'on peut passer pour aller au lac ?

—Ben, faut prendre à droite, à gauche et encore gauche, pis droite.

—Vu que tu confonds ta droite et ta gauche, en fait c'est gauche, droite, droite et gauche.

Je vérifiais sur la carte.

—Ah ah ! Ça fonctionne ! dis-je d'un air victorieux, en nous imaginant déjà vite tirés d'affaire.

Puis, je fixais Audric qui me regarda en haussant un sourcil.

—Pourquoi tu me regardes comme ça ?

—Je savais pas que tu étais doué pour résoudre les labyrinthes...

—J'adore ça ! J'en fais en cachette quand papa m'apprend à faire de la harpe — parce que la harpe, c'est beurki —, sur le bus lapin quand je vais à l'école, quand je fais caca...

—STOP ! C'est bon. J'en ai assez entendu, je le coupais en hâtant le pas.

Quand on s'est mis en route, Audric montra trois petits losanges multicolores sur la carte.

—On va arriver là où y a ces losanges. Tu crois que c'est quoi ?

—J'en sais rien mais on devrait vite le découvrir.