Je suis une piètre joueuse de cartes, mais je ne suis pas une parfaite imbécile. Je n'ai pas caché mon jeu très longtemps, néanmoins je venais seulement de lui laisser mon atout le plus faible. Faible peut-être, mais assez déstabilisant et irritant pour recevoir une gifle.

Tout cela m'avait coupé l'appétit, et c'est sans entrain que j'avalais un maigre sandwich debout dans ma cuisine. Minuit passé. Merci, cette journée venait enfin de se terminer.
Même si la nuit était obscure et froide, je décidai de la passer sur le toit-terrasse de l'autre appartement.

Il m'était en réalité désagréable de passer de l'autre côté du palier car je ne pouvais ignorer le piano droit qui trônait dans mon second salon. Je pourrais expliquer pourquoi j'accorde tant d'importance à sa parure noire et son clavier ivoire, seulement ça serait évoquer une autre histoire, une autre personne, et je n'en ai pas la force.

Je tentais donc de ne pas sourciller à la vue du dit objet. Dans mes bras, l'attirail nécessaire pour parer la fraîcheur glaçante : couvertures polaire, gants et bonnet. Si tout cela n'est pas suffisant, j'aurai le luxe du parasol chauffant.

Allongée sur un transat confortable, je regrettais de ne pouvoir contempler le firmament étoilé. Je priais pour la venue de Morphée, toutefois, aucunes visions féeriques ne me parvenaient. Mon cerveau refusait le sommeil et les banalités cajoleuses qui rassurent au creux de la nuit.
J'essayais maladroitement de vider mes pensées, de me laisser absorber par les brouillards de cette soirée. L'air et les sons venant de cette steppe urbaine était tout de même réconfortant.

Il fallut une deuxième salve de sonneries stridentes pour sortir de ma torpeur.
Le repos et la quiétude sont un luxe que peu de gens peuvent réellement s'offrir.
Je descendis, ouvris la porte, vis de dos la divinité, non pas Morphée, mais bien ma Némésis.