Chapitre 4

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Les jours suivants, Ludovic Leclerc se plongea dans une recherche méthodique, presque frénétique. Il épluchait les rapports de police, collectait les témoignages et examinait les moindres détails des scènes de crime. Mais ce qui l’obsédait par-dessus tout, c’étaient les images. Les photographies prises par les enquêteurs, les caméras de surveillance, même les croquis d’artistes chargés de représenter l’atmosphère des lieux après les meurtres. Chaque morceau de visuel devenait une pièce potentielle du puzzle qu’il tentait désespérément d’assembler.

À première vue, ces images n’offraient rien de particulier. Elles montraient des foules banales, des scènes de vie quotidienne, des gens en mouvement, plongés dans leurs routines. Mais Ludovic avait appris à regarder au-delà de l’évidence. Il passait des heures à analyser ces photographies, à chercher un détail, une anomalie qui trahirait la présence de cet homme qu’il traquait. Ce pull rayé rouge et blanc, il devait être là, quelque part.

Puis, enfin, au bout de ce qu’il crut être des centaines d’images, il l’aperçut. Presque imperceptible, en arrière-plan, flouté par la foule en mouvement, l’homme se tenait là. Le même bonnet, les mêmes rayures, presque invisible, comme un mirage dans la densité de la foule. Ludovic agrandit la photo jusqu’à en déformer les pixels, tentant de saisir plus de détails. Mais l’image restait floue, délibérément insaisissable. Pourtant, il était là. Cet homme se trouvait bel et bien à proximité de la scène de crime.

Il répéta l’exercice avec d’autres photographies, prises dans des lieux différents, à des moments variés. Et chaque fois, la silhouette surgissait, présente mais évasive. Jamais au centre de l’image, jamais dans une position où il aurait pu être clairement identifié. C’était comme si cet homme était programmé pour être oublié, pour se fondre dans la masse au moment même où quelqu’un aurait pu le remarquer.

Ludovic se pencha sur son bureau, entouré d’images éparpillées, ses yeux perçant à travers les reflets pâles de l’encre et du papier. Comment était-il possible qu’aucun enquêteur, aucun témoin n’ait réussi à relier ces apparitions entre elles ? Pourquoi personne n’avait remarqué cet homme, toujours là, toujours à la périphérie des scènes de crime ? Et plus troublant encore, pourquoi semblait-il s’effacer si facilement des mémoires ?

Un autre détail étrange commença à émerger. Malgré l’omniprésence des caméras de surveillance dans les lieux publics, cet homme n’apparaissait presque jamais dans les enregistrements vidéos. Parfois, il se trouvait dans le champ d’une caméra, mais comme par magie, soit l’image était trop floue, soit l’homme disparaissait d’une image à l’autre, comme s’il pouvait se glisser hors de la réalité elle-même.

Ludovic ne croyait pas aux coïncidences, surtout pas dans une affaire comme celle-ci. Plus il analysait ces images, plus il se convainquait que cet homme était la clé de tout. Il n’était pas un simple témoin, ni un simple passant. Il jouait un rôle actif dans cette série de meurtres, même si le mode opératoire restait une énigme. Comment tuait-il ces gens sans laisser de trace ? Comment se déplaçait-il sans jamais être vu ?

Le détective relut les témoignages avec une nouvelle perspective, à la recherche de mentions similaires. Dans certains récits, on parlait d’une silhouette, d’un homme qui se trouvait toujours là, mais jamais vraiment présent. Un témoin, interrogé après le troisième meurtre, avait mentionné quelque chose de déroutant : "Il était là, je crois… mais c’est comme si je l’avais oublié dès que je l’ai vu." Cette phrase résonna dans l’esprit de Ludovic. Il ne s’agissait pas seulement de la mémoire des gens, c’était comme si cet homme jouissait d’une capacité étrange à effacer sa propre présence, à devenir littéralement invisible aux yeux du monde.

La ville, avec ses milliers de passants et ses foules mouvantes, était l’endroit parfait pour un tel prédateur. Il pouvait se cacher en pleine lumière, entouré de témoins qui ne se rappelleraient jamais de lui. La capacité de se fondre dans le chaos urbain faisait de lui le tueur idéal, un fantôme insaisissable qui se nourrissait de l’anonymat oppressant des villes modernes.

Ludovic sortit de ses pensées, frustré mais déterminé. Il avait maintenant une certitude : cet homme était bien plus qu’un simple observateur. Chaque photographie, chaque témoignage flou le liait de manière plus étroite aux scènes de crime. Il devenait de plus en plus évident que cet homme avait une méthode particulière pour disparaître, pour échapper à la surveillance de tous, et que sa présence à chaque meurtre n’était pas une coïncidence.

Le détective savait qu’il devait pousser ses recherches plus loin. Les rapports de police et les images ne suffiraient pas. Il devait aller sur le terrain, parler aux témoins, examiner chaque lieu de crime de ses propres yeux. Si cet homme pouvait se dissimuler dans les foules, alors Ludovic devait apprendre à le repérer là où personne d’autre ne le voyait.

La traque s’intensifiait. L’Invisible n’était plus seulement une légende urbaine. Pour Ludovic, il était devenu une obsession tangible, une énigme à résoudre coûte que coûte. Mais plus il s’approchait de la vérité, plus il sentait que cet homme n’était pas seulement un tueur ordinaire. Il y avait quelque chose de profondément dérangeant, presque surnaturel, dans sa façon de se mouvoir, de se cacher aux yeux de tous.

Ludovic se leva, son carnet à la main. Il y inscrivit deux mots, en guise de rappel pour lui-même : « Toujours là ».

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