Chapitre 11
Les archives poussiéreuses s’étendaient devant Ludovic Leclerc comme une mer infinie de textes oubliés. Son bureau, éclairé par la lueur faiblissante de sa lampe, ressemblait à une tanière où s’entassait des siècles de récits et de légendes. Depuis des jours, il fouillait dans d’anciens manuscrits et textes ésotériques, cherchant des réponses qui échappaient aux méthodes traditionnelles. Après avoir découvert les meurtres à travers les âges, il se plongea dans une quête qui dépassait le cadre de l’histoire moderne : celle des mythes.
Son obsession pour Charlie l’avait conduit à des sources improbables, loin des enquêtes criminelles habituelles. Ce qu’il recherchait maintenant, c'était l’origine d’un mal plus ancien, un être qui semblait défier le temps et l’espace. Les journaux et rapports ne suffisaient plus. Il devait aller plus loin, dans les récits mythiques, là où le réel et l’imaginaire se confondaient.
C’est dans ces textes oubliés, souvent relégués aux contes et superstitions, qu’il découvrit des mentions d’un être inquiétant. Plusieurs récits provenant de différentes cultures parlaient d’une entité surnaturelle connue sous divers noms, mais un terme revenait souvent : le Voyageur Invisible.
Ludovic resta figé en lisant les premières lignes d’un manuscrit médiéval qui le décrivait. Il s’agissait d’une entité mystérieuse capable de traverser les âges sans jamais être vue, un être se fondant dans les foules pour semer le chaos et la mort sans jamais laisser de trace. Les légendes racontaient que le Voyageur Invisible apparaissait toujours au milieu des foules, là où l’anonymat régnait, observant, attendant le moment propice pour frapper.
Le détective feuilleta frénétiquement les pages, son esprit cherchant à assembler les pièces du puzzle. Chaque passage évoquait un être insaisissable, capable de manipuler la perception des gens, rendant impossible tout souvenir clair de sa présence. Les témoins des époques anciennes décrivaient des « impressions floues », des « silhouettes fugitives », et ce même sentiment de confusion que Ludovic avait rencontré dans ses propres enquêtes. Ce mythe millénaire correspondait en tout point à ce qu'il avait observé de Charlie.
Une légende plus ancienne encore, provenant d’une région reculée de l’Europe de l’Est, parlait d’un homme vêtu de vêtements colorés, capable de se fondre dans la foule pour voler la vitalité des gens. Cette créature, décrite comme un démon, était souvent vue juste avant des événements tragiques, des accidents ou des meurtres mystérieux. Là encore, il était décrit comme un être qui disparaissait au moment même où l’on tentait de le fixer.
Ludovic lut ces lignes avec une fascination mêlée de terreur. Les détails étaient trop précis pour être ignorés. Ce qui le troubla encore plus, c'était que ces récits, bien que vieux de plusieurs siècles, semblaient parfaitement correspondre à ce qu'il avait découvert sur Charlie. Les descriptions vagues d’un homme en rouge et blanc, observé juste avant des morts inexpliquées, n’étaient pas un hasard. Ce mythe du Voyageur Invisible s’inscrivait dans l’histoire humaine depuis bien plus longtemps qu’il ne l’avait imaginé.
Le détective passa la nuit entière à explorer ces textes, découvrant que chaque culture avait une version de cette légende. En Afrique de l’Ouest, on parlait d’un esprit errant qui prenait la forme d’un homme pour semer le désordre. En Asie, certaines régions rurales racontaient l’histoire d’un être qui apparaissait lors des festivals, au milieu des foules, pour dérober des âmes. Chaque culture avait sa propre version de cette entité, mais toutes partageaient un point commun : le Voyageur Invisible frappait là où la foule était dense, profitant de l'anonymat pour disparaître sans laisser de traces.
Ludovic, qui avait toujours été un homme de logique, se retrouvait maintenant face à quelque chose d’inexplicable. Les pièces s’emboîtaient, mais la conclusion le terrifiait. Charlie, ou qui qu’il soit, n’était pas un tueur en série ordinaire. Il n’était pas simplement un homme doué pour échapper à la police. Il était bien plus que cela. Il était peut-être une incarnation moderne de cette entité mythique qui traversait les siècles en semant la mort et la confusion.
L’idée que Charlie puisse être le Voyageur Invisible dépassait les frontières de la raison. Le détective se retrouva face à un dilemme : devait-il continuer à suivre cette piste qui l’éloignait des faits tangibles pour se plonger dans l’occulte, ou abandonner cette voie au risque de passer à côté de la vérité ? Mais plus il y pensait, plus il réalisait qu’il n’avait pas le choix. Tout le ramenait à ce même point. Charlie n’était pas seulement un homme. C’était une force, un être ancien qui manipulait la perception humaine pour rester caché.
Les récits anciens mentionnaient aussi une autre chose qui glaça Ludovic. Le Voyageur Invisible ne tuait pas au hasard. Il se nourrissait du chaos, de la peur générée par les foules, des émotions intenses qui se dégageaient lors des rassemblements humains. Ses victimes n’étaient pas choisies par caprice, mais parce qu’elles alimentaient une énergie obscure que le Voyageur semblait absorber.
Ludovic se leva de son fauteuil, sa tête tournant sous le poids de cette révélation. La photo de Charlie, toujours posée sur son bureau, le fixait comme un rappel constant de cette quête insensée. Il savait maintenant que Charlie n’était pas simplement une anomalie dans l’histoire humaine. Il en était une partie intégrante, un prédateur invisible qui se nourrissait de l’anonymat des foules.
Malgré la terreur grandissante qui l’envahissait, Ludovic ne pouvait plus reculer. Il était allé trop loin, avait découvert trop de choses. Sa traque l’avait mené ici, à ce point de non-retour où il devait accepter que Charlie n’était pas un tueur à arrêter, mais une légende vivante, un mythe capable de transcender le temps.
Avec cette nouvelle compréhension, Ludovic réalisa une chose cruciale : pour attraper Charlie, il devait désormais penser comme lui.
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