Chapitre 12

4 minutes de lecture

Les jours, puis les semaines passèrent, et Ludovic Leclerc s’enfonça de plus en plus dans l’abîme de son obsession pour Charlie. Chaque minute, chaque pensée était consumée par cet être insaisissable, ce Voyageur Invisible qui hantait ses recherches, ses nuits, et maintenant ses journées. Le détective, autrefois connu pour son calme et sa rigueur, était devenu une ombre de lui-même. Sa vie avait perdu tout sens en dehors de la traque.

Les rares moments où il sortait de son appartement, c’était pour se plonger dans les rues bondées, scrutant chaque visage dans l’espoir de l’apercevoir. Charlie se cachait, il en était certain, mais plus il tentait de le retrouver, plus il avait l’impression que ce dernier jouait avec lui. Les foules, autrefois anodines, étaient devenues des labyrinthes où chaque passant pouvait être un danger. Chaque mouvement semblait suspect. Ludovic voyait des reflets de Charlie partout : dans le regard d’un inconnu, dans le dos d’un passant, dans l’ombre fuyante d’un coin de rue.

Il ne pouvait plus marcher dans la rue sans sentir ce poids constant sur ses épaules. Charlie l’observait, il le sentait. Le regard vide des foules, cette indifférence collective, semblait dissimuler une menace invisible. Chaque personne pouvait être un complice, un témoin oublié, ou pire, une victime potentielle. Les rues devinrent des pièges. Ses promenades autrefois méthodiques se transformèrent en courses désespérées, toujours à la recherche de ce pull rayé rouge et blanc qui hantait ses cauchemars.

Mais Charlie n’apparaissait jamais clairement. Chaque silhouette floue, chaque forme indistincte au coin de son champ de vision pouvait être lui. Ludovic se retournait sans cesse, guettant un signe, mais à chaque fois, c’était le vide qui répondait. Ses mains tremblaient parfois sans qu’il ne s’en rende compte, sa respiration devenait plus haletante, et son cœur battait à tout rompre chaque fois qu’il croyait l’avoir aperçu. La paranoïa s'installait profondément en lui, creusant des sillons dans sa raison.

Ses proches avaient commencé à s’inquiéter depuis longtemps. Claire, sa sœur, avait tenté à plusieurs reprises de le ramener à la réalité. « Ludovic, tu te détruis. Arrête de chercher. Cette affaire t’obsède, et tu te perds. Tu dois faire une pause, revenir à la vraie vie, avant qu’il ne soit trop tard. » Mais ces mots sonnaient creux à ses oreilles. Comment pouvait-elle comprendre ce qu’il voyait, ce qu’il vivait ? Claire, comme tous les autres, était aveugle à la menace que représentait Charlie.

Ses collègues, eux aussi, l’observaient désormais avec un mélange de méfiance et de pitié. Il évitait leurs regards, sachant qu’ils le jugeaient. Ses absences prolongées, son comportement erratique, ses discours de plus en plus délirants les avaient éloignés de lui. Ludovic se sentait de plus en plus seul, abandonné dans une quête que personne d’autre ne voulait comprendre. « Max, tu as besoin de te reposer », lui avait dit un ancien collègue. Mais comment se reposer alors que Charlie était là, quelque part, tapi dans l’ombre ?

Les journées passaient sans qu’il ne s’en rende vraiment compte. Le temps n’avait plus de prise sur lui. Son appartement, autrefois organisé et méticuleux, était désormais un chaos de photos, de journaux, de notes griffonnées à la hâte. Chaque mur était tapissé de preuves, de connexions, de théories. Les visages de Charlie, ses apparitions à travers les âges, recouvraient tout. Ludovic ne dormait presque plus. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars où des foules infinies s’étendaient à l’horizon, avec Charlie glissant entre elles, toujours hors de portée, toujours souriant d’un air énigmatique.

Et quand il dormait, c’était pire. Il rêvait de ce pull rayé rouge et blanc qui flottait dans la pénombre. Charlie apparaissait dans ses rêves comme un spectre. Parfois, il ne faisait que l’observer, immobile. D’autres fois, il avançait vers lui, lentement, jusqu’à ce que Ludovic se réveille en sursaut, trempé de sueur, le cœur battant la chamade.

Mais le pire était l’incertitude. Ludovic ne savait plus ce qui était réel. Lorsqu’il sortait dans la rue, il voyait Charlie partout. Dans les vitrines des magasins, dans les reflets des voitures, dans le mouvement de la foule. Il avait commencé à entendre des murmures autour de lui, des chuchotements qu’il croyait reconnaître. Des phrases à peine audibles, comme si Charlie l’appelait depuis l’autre côté d’une barrière invisible. La réalité se tordait autour de lui, se mêlant à ses fantasmes et à ses peurs.

Les murs de son appartement semblaient parfois se rapprocher. Lorsqu'il observait les photos, les visages sur les clichés prenaient vie, leurs regards suivaient chacun de ses mouvements. Il n’avait personne à qui parler de ces choses. Qui pourrait comprendre ? Tout le monde pensait qu’il devenait fou, mais Ludovic savait qu’il touchait la vérité. Il sentait que Charlie était proche, que la confrontation finale approchait, mais il ignorait à quel prix.

Ses pensées devinrent de plus en plus décousues. Il doutait de tout, même de lui-même. Parfois, il se surprenait à penser : Et si Charlie avait déjà gagné ? Et si tout cela n’était qu’un jeu, un cauchemar dont il ne pourrait jamais se réveiller ?

Un soir, après une journée de traque infructueuse, Ludovic s’effondra sur son lit, épuisé. Ses mains tremblaient sans qu'il puisse les arrêter. Il regarda le plafond, ses pensées brouillées par la fatigue et l’angoisse. Ses yeux se fermèrent quelques secondes, mais dans l’obscurité de ses paupières, il vit à nouveau ce pull rouge et blanc.

Le détective se redressa brutalement, le cœur battant. Il ne pouvait plus fuir cette vérité : Charlie l’avait déjà trouvé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Elizabeth Fendel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0