Chapitre 14
Ludovic Leclerc avait toujours cru que tout mystère avait une solution rationnelle, que chaque énigme pouvait être résolue avec suffisamment de preuves, de logique, et de persévérance. Mais les dernières semaines avaient brisé cette conviction. Assis dans la pénombre de son appartement, ses mains tremblantes feuilletant les derniers fragments de légendes et de récits anciens qu'il avait amassés, il réalisa une vérité terrifiante : Charlie n’était pas humain.
Le détective avait traqué Charlie à travers des scènes de crime contemporaines et des récits vieux de plusieurs siècles, voire millénaires. Il avait découvert des indices cryptés, des messages cachés dans les journaux, des objets dissimulés à chaque scène. Tout pointait vers une seule conclusion : Charlie était bien plus qu’un simple meurtrier insaisissable. Il était une entité immortelle, une force ancienne qui traversait les âges, apparaissant dans les foules pour se nourrir du chaos et de la peur.
Cette révélation lui pesait, comme une ombre qui le suivait partout où il allait. L’image de Charlie, avec son pull rayé rouge et blanc, semblait gravée dans son esprit. Chaque fois qu’il fermait les yeux, il le voyait, glissant silencieusement à travers une foule, invisible pour tous sauf pour ceux qui le cherchaient vraiment. Ludovic comprit que cette capacité à disparaître, à ne laisser qu’une trace floue dans la mémoire des gens, n’était pas seulement une habileté, mais la manifestation d’un pouvoir surnaturel.
Il repassa dans son esprit tout ce qu’il avait découvert. À chaque scène de crime, Charlie était là, toujours au milieu de la masse, mais personne ne pouvait se rappeler son visage. Sa présence ne laissait qu’une vague impression, comme un rêve qu’on oublie au réveil. Ludovic se souvenait des témoignages contradictoires, des témoins confus, tous incapables de décrire précisément cet homme qu’ils avaient pourtant vu. Charlie n'était pas un simple homme jouant avec la mémoire des autres. Il était une force de la nature, une ombre dans la foule.
Cette entité se nourrissait de l’énergie des foules, des moments de chaos où la peur et l’anonymat se mélangeaient. À chaque fois que la masse humaine atteignait un point de tension extrême, il apparaissait. Ses victimes tombaient, non pas choisies au hasard, mais comme une partie d’un schéma complexe que seul Charlie pouvait comprendre. Ludovic réalisa que les meurtres n’étaient pas le but ultime de Charlie. Ils n’étaient qu’un sous-produit de sa vraie nature : une entité qui prospérait dans le désordre et la confusion.
Cela expliquait tout : son immortalité, sa capacité à traverser les siècles sans vieillir, et son talent pour échapper à chaque tentative de capture. Charlie ne se contentait pas de tuer, il se nourrissait. Il puisait dans les émotions des foules, se repaissant de leur terreur et de leur incompréhension. Il semblait se délecter de la sensation d'être vu, mais jamais réellement remarqué.
Ludovic se leva brusquement, envahi par un frisson. Il comprenait maintenant pourquoi Charlie était si insaisissable. Il n’était jamais véritablement là. Ou plutôt, il n’était là que lorsque les conditions étaient réunies, quand l’anonymat de la foule et le chaos ambiant lui permettaient de se fondre parfaitement dans l’environnement. Il était, littéralement, un prédateur des foules. Et chaque rassemblement humain, chaque masse compacte de gens, était une opportunité pour lui de s’épanouir.
Mais comment arrêter une telle entité ? Comment attraper quelque chose qui semblait transcender le temps et l’espace, qui pouvait manipuler la perception des autres à un tel point que personne, à part Ludovic, n’avait jamais vraiment compris ce qu’il traquait ? Cette question le hantait. Il se sentait piégé dans une course contre un ennemi intangible, qui le devançait toujours, jouant avec lui comme un chat avec une souris.
Ludovic savait que pour comprendre comment arrêter Charlie, il devait d'abord comprendre sa nature profonde. Cette entité, aussi puissante soit-elle, devait avoir une faille, une faiblesse. Personne n'était invincible, pas même Charlie. Et même si les récits anciens n'avaient jamais mentionné de méthode pour stopper le voyageur immortel, Ludovic était convaincu qu'il y avait une solution. Peut-être que la clé n'était pas de le combattre frontalement, mais de le forcer à se révéler, à se montrer pour ce qu'il était vraiment.
Le détective se rappela les indices que Charlie avait laissés derrière lui, ces messages cryptés qu’il avait presque ignorés au départ. Il repensa à la manière dont Charlie semblait jouer avec lui, comme s’il attendait que Ludovic déchiffre les clés de son mystère. Peut-être que Charlie le testait. Peut-être que ce jeu était une façon pour l’entité de mesurer la capacité de Ludovic à comprendre sa vraie nature. S'il parvenait à résoudre cette énigme, il pourrait peut-être trouver un moyen de l’arrêter.
Ludovic revint à son bureau, ses mains tremblant d’excitation et de peur. Il rassembla tous les indices, les photos, les notes qu’il avait accumulées. Il savait qu’il devait chercher plus loin, dans les symboles, dans les détails que personne d’autre n’avait remarqués. Charlie n'était pas invincible. Il devait y avoir un point faible, un moment où son pouvoir vacillait.
Mais le plus effrayant, c'était cette idée qui s’immisçait lentement dans son esprit : et si Charlie n’était pas simplement un prédateur des foules, mais quelque chose d’encore plus ancien ? Une force qui incarnait le chaos lui-même, une entité dont la seule existence était de plonger les humains dans l’anonymat, de brouiller les lignes entre l’individu et la masse. Peut-être que Charlie n’était pas seulement là pour se nourrir. Peut-être qu’il était là pour rappeler aux humains qu’ils ne sont que des grains de poussière dans une mer infinie de visages oubliés.
Cette pensée glaça Ludovic. Il réalisa que dans ce jeu infernal, il risquait bien plus que sa propre santé mentale. Charlie n’était pas un simple adversaire à vaincre. Il était une leçon, une démonstration de la fragilité de la conscience humaine face à l’immensité du collectif.
Mais Ludovic était maintenant trop profondément impliqué pour s'arrêter. Peu importait ce qu’il risquait, il devait aller au bout. La traque n’était plus simplement une affaire de justice. Elle était devenue une quête existentielle.
Il comprit qu'il devait préparer son esprit à affronter quelque chose de bien plus grand que lui. Car pour arrêter Charlie, il ne s'agissait pas seulement de le voir ou de le comprendre. Il fallait qu’il trouve une façon de l’exposer, de le faire sortir de l’ombre où il se cachait depuis des siècles. Et cela, il en était désormais certain, demanderait un sacrifice que Ludovic n'était pas encore sûr d’être prêt à faire.
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