Moi

3 minutes de lecture

peut-être que c’est moi

que ça a toujours été moi

que j’ai inventé

déformé

créé

exagéré

les troubles

les maux

les vagues

je crois que je suis brisé

qu’il y a une multitude de bouts de verre

au fond de ma cage thoracique

je crois que je ne suis pas réparable

que mes larmes ne cesseront jamais de couler

et que la solitude sera toujours là

dévorante

plus grande encore que ma faim

je crois que je ne guérirai jamais

que c’est un déséquilibre

dans chaque part de ma vie

je ne me sens pas

je ne me sens pas

vivant

réel

ancré

attentif

émotionnel

je ne me vois pas

c’est peut-être le trouble qui veut ça

mais j’ai l’impression d’être un néant

une personne au creux immense

faite de vacuité et de rien

je crois que c’est de ma faute

la solitude

la colère

le ventre vide

le ventre plein

la balance

le corps en position fœtale sur le lit

le vagin s’appuyant sur sa bouteille

je crois que ça a toujours été moi

le monstre

reconnaissant de rien

et si des gens sont partis

et si des gens s’éloignent

c’est sûrement parce que

je suis incapable d’être

quelqu’un

de bien

de complet

et de sain

je suis comme une épave

échouée au fond d’un océan glacial

je suis comme dévoré

incomplet et imparfait

j’aurais dû être quelqu’un d’autre

j’aurais dû être mieux

pourquoi moi

et ces souffrances atroces

qui montent au cerveau

j’ai peur d’être seul

j’ai peur d’être abandonné

j’ai peur de me suicider

j’ai peur de me rater

j’ai peur de continuer

j’ai peur de vivre

j’ai peur de grandir

j’ai peur de travailler

j’ai peur d’être

haï

pour ce que je suis

pour qui j’aime

pour mes combats et mes valeurs

j’ai peur quand ma copine s’en va

j’ai peur parfois tard dans le noir

j’ai peur après la mutilation dans le vagin

j’ai peur dans les lieux, entre les gens

j’ai peur de grossir et de la nourriture que j’avale

j’ai peur de l’avenir et de la planète qui meurt avec moi

j’ai peur des médicaments qui ne me sauvent de rien

j’ai peur de mes troubles constants et immortels

j’ai peur de l’extrême droite qui grossit sans barrière

j’ai peur de vivre dans un monde où la haine domine

j’ai peur des guerres qui tuent des innocents sans lumière

j’ai peur des méchants, des haineux qui déshumanisent l’humanité

j’ai peur des réseaux sociaux et de toute l’horreur écrite dans les commentaires

j’ai peur des racistes, des misogynes, des transphobes, des homophobes, des xénophobes, des impérialistes, des colonialistes, des capitalistes

j’ai peur des hommes qui font semblant de ne pas comprendre, de ne pas voir

j’ai peur des non-humains qui souhaitent la mort d’humains

j’ai peur qu’on oublie qu’on vient toustes du même endroit

j’ai peur de l’humanité qui n’existe pas

j’ai peur des frontières, des foutues lignes qui en tuent, des âmes

j’ai peur de l’argent, de son pouvoir qui en rend fous, des individus

j’ai peur des catastrophes naturelles, j’avais 8 ans et j’en étais déjà terrifié

j’ai peur d’avancer dans un monde où iels reculent

j’ai peur qu’on souhaite ma mort en honneur à mes valeurs

j’ai peur d’être passif sans pouvoir en faire assez

j’ai peur des viols

j’ai peur des meurtres

j’ai peur des enlèvements

j’ai peur des tortures

j’ai peur de la violence physique

j’ai peur quand ça crie, quand ça s’agite, quand ça pousse, ça saigne et ça blesse

j’ai peur de tous les coups qu’on se porte sans être capables de se lire dans nos yeux

je ferme les yeux et je m’allonge

la peur est sombre

la haine est grande

et la colère gronde

je voudrais tout briser

les hommes et leur monde étriqué

on me dirait hystérique

mais les seuls qui crient et chialent

ce sont leur égo de ratés

je leur en veux

on me dit misandre

je flamberai

avec ma torche et mon feu

avec tout l’incendie

de mes artères

en vérité je ne fais rien

je n’ai pas de force

pas de fierté

pas de courage

je suis qu’un gamin

les genoux écorchés

sur le trajet de la vie

on me dit d’avancer

mais les graviers s’enfoncent dans mes plaies

j’aimerais crier

courir

me lever

j’aimerais frapper

cogner

faire mal

j’aimerais que leur cri remplace le mien

j’aimerais qu’ils sachent, qu’ils voient

ils font semblant

des comédiens

ils crachent leurs textes

et moi, je les déteste

peut-être que c’est moi

que ça a toujours été moi

qui ment, affirme, abuse

j’aurais aimé être différent

m’échapper en cendres dans le vent

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