Chapitre 10 : Résurgence

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Rayna avançait avec prudence dans les couloirs déserts de la Commanderie. Son cœur se serra à la vue des sentinelles gisant sans vie devant les appartements de l’Archontesse. La mort n’était pas une fin, c’était un recommencement. L’âme et le corps retournaient au Cristal pour donner naissance à une nouvelle vie. Seul l’esprit était dissous dans l’Oubli, l’identité individuelle à jamais perdue. L’éclaireuse était incapable de voir la beauté de la mort, elle n’y voyait que la cruauté de la perte. Son cœur saignait pour ceux qui étaient condamnés à vivre avec la disparition d’un être cher dans des circonstances aussi injustes. Elle adressa une prière silencieuse à l’Odalie, source de vie suprême et tombeau éternel des Lumens. Puisse leur essence prospérer et l’Oubli effacer la douleur de la perte de ceux qui restent.

La capitaine enjamba les cadavres des rebelles qui jonchaient le sol. Leur sang s’étalait en flaques poisseuses qu’elle prit soin d’éviter. Sur ses gardes, la main sur la poignée de son sabre, elle cherchait d’éventuels survivants. Elle ouvrit l'œil, tendit l’oreille. Pas un mouvement, pas un râle d’agonie. Le silence de la mort était oppressant. Ses yeux se posèrent d’abord sur le corps décapité du capitaine Voskar’ion. Puis elle leva lentement la tête vers la créature qui se tenait au milieu du carnage. Elle se figea. Sa première pensée fut qu’il fallait qu’elle l’arrête. Le général Wöfflin était mort. Si cette chose tuait aussi la sergente Aktalone, ils perdraient un témoin précieux. Elle voulut dégainer son sabre, mais son corps refusa d’obéir. L’émotion monta en elle avec la puissance d’un geyser. Elle porta la main à son cœur. Elle suffoquait, la poitrine gonflée par les larmes qui coulaient à flots, sans cause apparente.

— Baelor... murmura-t-elle, la voix étranglée par les sanglots.

L’archidiable se tourna vers elle. Il écarquilla les yeux, une lueur de reconnaissance douloureuse faisant vaciller ses iris rouges. Il lâcha Mirage qui s’écroula par terre comme une poupée de chiffon, le regard vide. Elle suivit celui du colosse démonique, animé par une flamme incandescente. Il fixait une personne qu’elle ne connaissait que trop bien : Rayna Kaeldryn. Pourtant, ce n’est pas son nom qu’il prononça.

— Cyrielle... souffla-t-il à son tour.

Par-delà les contours de sa prison charnelle, il percevait son halo doux et lumineux comme la rosée de l’aube. Il sentait le poids des chaînes, plus lourdes encore que les siennes, qui pesaient sur sa grâce angélique. Elle luttait à la seule force de sa volonté, son esprit cherchant à briser les liens qui bridaient ses flux. Rayna aussi le sentait. Quelque chose résonnait dans les limbes de son inconscient. Une présence qu’elle remarquait pour la première fois. Une voix fit écho dans son esprit. « Laisse-moi lui parler, s’il te plaît. Juste quelques minutes. » Son ton doux et suppliant suffit à endormir la méfiance de l’éclaireuse. Elle acquiesça mentalement. Elle n’eut pas le temps de retenir son souffle. Un battement de cil et sa conscience bascula dans un bruissement d’ailes.

L’instant d’après, elle était de retour dans son désert de glace intérieur. Cette fois, son corps spirituel n’était pas rivé à un cercle magique, mais entravé par des chaînes aux reflets ambrés, couvertes d’une fine couche de givre irisée. Elle réprima un frisson. Le vent soufflait, ses chaînes tintaient et le froid lui mordait la peau. Elle ignorait ce qu’il se passait à l’extérieur, elle ne pouvait que se fier aux émotions étrangères qui la traversaient par vagues.

***

Baelor avança d’un pas incertain vers sa sœur d’âme. Il devinait sa présence à la couleur de ses iris roses vif. Ce regard mélancolique était le sien, pas celui de la Lumens qu’elle habitait. Il pouvait presque visualiser ses grandes ailes rose pâle aux plumes soyeuses qu’elle déployait pour s’élever dans les cieux. Elle ne les exposait que très rarement car elle les trouvait lourdes et encombrantes. Baelor les trouvait magnifiques, tout comme son visage angélique, encadré par un nuage de cheveux ondulés, souples et légers, aux délicats reflets d’aube céleste. Elle était née au cœur de l’hiver d’une goutte de rosée emprisonnée dans le cœur d’une azalée. Ses traits éthérés et la douceur de son être rappelaient la fragilité de ce miracle. L’archidiable frissonna. Il osait à peine l’approcher. Son feu démonique n’était pas fait pour se nourrir de sa grâce angélique. Il était fait pour s’y noyer et s’y éteindre. Elle était aussi désirable qu’elle était nocive pour lui.

Ce fut elle qui combla la distance qui les séparait. Elle posa ses mains sur son visage. Aussitôt, la fraîcheur de son âme apaisa les flux embrasés de Baelor. Il ferma les yeux. Son souffle ralentit, son cœur battant au rythme de celui de Cyrielle.

— Baelor, ne laisse pas la rage et le désespoir te consumer, dit-elle avec tristesse, sa voix douce et légère comme un flocon de neige.

— C’est tout ce qu’il me reste... Je ne supporte plus la souffrance. Je ne supporte plus la déception. Je ne supporte plus d’être impuissant face à ce cycle de sacrifices et de trahisons. Si j’avais su que c’était ça, le prix à payer pour sauver le monde, alors j’aurais laissé le monde sombrer dans le Néant.

— Je partage ta douleur, Baelor. Je la ressens et je la comprends, mais cette fois c’est différent. Nous avons une chance de briser le cycle. Alors ne perds pas espoir, et ne renonce pas à ce que tu es. Ta passion, ta soif de liberté et ton refus de céder face à la fatalité, c’est ce qui fait notre force. Si tu as une chance de rompre tes chaînes alors fais-le. Ne te préoccupe pas de moi ou d’Althaïr. Tu as déjà tant fait pour nous, tu mérites d’être libre.

Baelor posa le front contre celui de Cyrielle. Ses paroles coulaient dans ses flux et imprégnaient son âme avec la clarté d’une prière sincère. Elle le connaissait trop bien, elle savait ce qui le faisait vibrer, ce qui motivait chacun de ses choix. Ce n’était pas un héros, ni un saint. Son âme était forgée par l’attachement et la loyauté. Tout ce qu’il faisait, il le faisait par amour pour eux. Cyrielle et Althaïr. Ce n’était pas le monde qu’il voulait sauver, c’était le lien sacré qui l’unissait à ses deux adelphes célestes. Cyrielle en avait douloureusement conscience, tiraillée entre reconnaissance et culpabilité. Elle voulait mettre fin à son calvaire, lui faire comprendre qu’il n’avait plus à souffrir avec eux, qu’il avait le droit de rompre sa promesse.

— Althaïr, dit alors Baelor d’une voix grave. Tu l’as revu ?

Cyrielle secoua la tête.

— Non. Je ne sens pas sa présence. Il ne s’est pas encore éveillé, mais je saurai le reconnaître quand je le verrai. Comme toujours.

Le silence tomba entre eux comme une chape de plomb. Baelor posa la main sur l'épaule de sa consœur. Il la serra doucement, l’empreinte de ses doigts cherchant à transmettre ce que son cœur coupable n’osait exprimer. Il avait honte de sa faiblesse. Honte de n’avoir pas su protéger ce qu’ils avaient de plus précieux : l’harmonie.

— Je suis désolé pour ce qu’il s’est passé la dernière fois, souffla-t-il à regret.

Ses mots sonnaient creux. Aucune excuse ne pouvait réparer le mal qu’il avait causé. Cyrielle lisait en lui comme dans un livre ouvert. Elle sourit malgré son cœur meurtri par la tragédie dont ils étaient tous responsables. Le souvenir était frais, la douleur brûlante, mais s’y complaire ne servait à rien.

— Ce n’était pas ta faute. C’était inévitable. C’est le signe que la roue du destin résiste à l’emprise de l’Odalie. Rien ne peut rester figé pour l’éternité. Bientôt elle se remettra à tourner et plus rien ne pourra l’arrêter. Tu te souviens de Thanaïs ?

— Oui, souffla-t-il. Comment pourrais-je l’oublier ? Elle a fait voler notre monde en éclats.

— Elle nous a donné une chance. Et cette fois encore, elle nous offre une échappatoire. Si tu vois une opportunité de te libérer du Cristal, saisis-la. N’hésite pas, pas même une seconde. C’est compris ?

Il recula en la dévisageant avec stupéfaction.

— Je ne peux pas faire une telle promesse ! Je ne peux pas vous abandonner. Tu m’en demandes trop, Cyrielle...

— Baelor, regarde-moi. Si quelqu’un peut briser le cycle, c’est toi. Tu es ce que l’Odalie redoute le plus : l’impulsivité et le chaos. Alors fais ce que tu as toujours fait. Ne réfléchis pas, agis. Pas pour moi, ni pour Althaïr. Pour toi.

Baelor poussa un soupir résigné. Elle avait raison, comme à chaque fois. Sa lucidité était terrifiante. L’archidiable se sentait mourir à petit feu, chaque parole, aussi sensée fût-elle, était un coup de poignard porté à son ego. Pourtant, même en souffrant le martyr, il ne pouvait rien lui refuser. Pas même quand elle lui imposait un choix si cruel. Alors il lui promit l’impossible et scella son propre destin.

***

Un souffle tiède balaya le visage de Rayna. La voix de Cyrielle l’enveloppa comme un cocon de douceur.

« Merci. »

L’éclaireuse sentit ses paupières s’alourdir. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle était de nouveau dans son corps. Son regard croisa celui du général Valor’ion. Les cornes d’onyx avaient disparu, de même que les ailes rouges qui s’étendaient dans son dos. La rudesse du combat se rappela à lui. Il chancela, ses jambes n’ayant plus la force de le porter.

— Althéa... souffla-t-il avant de s’effondrer dans les bras de l’éclaireuse.

Il entraîna Rayna dans sa chute. Écrasée par le poids de l’elfe, elle peinait à respirer. Les émotions de Cyrielle se heurtaient à celles de son hôte qui ne savait plus ce qu’elle devait ressentir pour le général : une amitié fusionnelle teintée de mélancolie ou un respect poli envers son supérieur hiérarchique. Elle parvint à faire basculer le Lumens sur le dos. Les yeux mi-clos, le souffle rauque, il peinait à rester conscient.

— Général Valor’ion, est-ce que vous m’entendez ?

Sa voix était ferme, mais sa main, agrippée au bras du Grand Protecteur, tremblait légèrement.

— Asthérian !

L’Archontesse s’agenouilla près de son amant. Elle prit son visage entre ses mains en l’implorant d’ouvrir les yeux, mais l’elfe lunaire ne réagit pas à ses supplications.

— Par l’Odalie, il n’est pas... fit-elle, la voix étranglée par des mots qu’elle n’osait prononcer.

Rayna prit la main du général dans la sienne pour accorder son flux au sien. Elle ferma les yeux un instant pour faire taire l’inquiétude qui battait dans sa poitrine. Elle laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu’elle sentit son pouls battre faiblement.

— Il est inconscient, la rassura l’éclaireuse. Je vais prévenir le corps des guérisseurs.

— Attends ! dit la renarde en la retenant par le bras. Que s’est-il passé entre vous ? J’essaye de comprendre ce que j’ai vu, les choses que j’ai entendues, mais rien de tout cela n’a de sens...

Rayna détourna le regard. La chaleur lui monta aux joues. Une sensation de malaise lui noua l’estomac. Elle devait la vérité à l’Archontesse, mais cette vérité lui échappait, et elle avait honte de ne pas pouvoir lui répondre honnêtement.

— Je... je ne sais pas, balbutia-t-elle d’une voix à peine audible, l’air mortifié. Je n’étais pas... Ce n’était pas moi.

— Ce n’était pas lui non plus, souffla Althéa. Cette créature qui a pris possession de son corps. Cette apparence monstrueuse...

Un sentiment d’indignation s’empara de l’éclaireuse. Son corps réagit avant sa raison. Elle darda des yeux furieux sur l’Archontesse. Elle sentit les mots lui monter à la gorge. Elle se mordit la langue pour les faire taire, mais ils forcèrent la barrière de ses lèvres sans qu’elle puisse les retenir.

— Il n’est pas monstrueux ! protesta son autre voix avec véhémence.

Rayna plaqua aussitôt la main sur sa bouche. Althéa la fixa avec stupéfaction.

— Je suis désolée, s’excusa l’éclaireuse en baissant les yeux. Je ne voulais pas vous manquer de respect.

L’Archontesse passa une main incertaine sur son visage fatigué. Un tic nerveux agitait ses oreilles de renarde. Elle avait failli à son rôle. Elle se répétait sans cesse qu’elle ne devait pas montrer le moindre signe de faiblesse face à ses ennemis, encore moins face à ses alliés. Laisser ses émotions prendre le dessus était un aveu d’échec. Une preuve d’incompétence. La porte ouverte au mépris et à la trahison. Ce soir, elle avait révélé au monde entier que sa faiblesse avait un nom et un visage. Elle ferma son cœur et se détourna d’Asthérian.

— Capitaine Kaeldryn, faites-moi votre rapport.

L’éclaireuse lui jeta un regard inquiet, prise au dépourvu par le ton sec et abrupt de sa supérieure. Cependant, elle préférait se concentrer sur ce qu’elle maîtrisait. Elle lui fit un résumé succinct des derniers événements, depuis les soupçons de Daevran jusqu’à l’exécution du général Wöfflin, tombé aux mains d’un mystérieux assassin.

— Je vois. Allez prévenir les guérisseurs, dites-leur que le général Valor’ion est dans un état critique et nécessite des soins sur place. Ensuite, vous enverrez un message à la Brigade d’Airain, dites-leur de placer tous les rebelles aux arrêts, et de confiner le reste des membres de l’Ordre de Corvus au Bastion. Personne ne doit en sortir jusqu’à nouvel ordre. Cela vaut également pour le capitaine Dragoman et vous-même. Je compte sur votre coopération, alors ne me donnez pas de raison de douter de votre loyauté.

Rayna ouvrit la bouche pour objecter, puis la referma aussitôt de peur de s'attirer les foudre du ciel de la Voûte. La méfiance était une seconde nature chez l’Archontesse. Rares étaient ceux qui trouvaient grâce à ses yeux, mais Daevran et Rayna lui avaient toujours été fidèles, même quand le royaume entier doutait de sa légitimité à diriger la Voûte. Elle connaissait les travers d’Althéa, elle n’aurait pas dû s’en formaliser. Pourtant, ses soupçons lui laissaient un goût amer en bouche. Ravalant son honneur blessé, elle lui répondit par un bref hochement de tête.

— Et la sergente Aktalone ? demanda-t-elle en désignant la sulfurya du menton.

— Livrez-la à la Brigade d’Airain. Je l’interrogerai personnellement.

— Très bien.

Rayna saisit Mirage par le bras pour la forcer à se mettre debout. Celle-ci la suivit sans résistance, perdue dans les méandres de son esprit en lambeaux.

— Archidiable... murmura-t-elle comme si elle goûtait à la texture du mot sur sa langue.

— Pardon ? fit l’éclaireuse avec étonnement.

— C’était lui. L’Archidiable Baelor, Septième Prince du Nérélith et Seigneur des Vampires. Est-ce que tu te rends compte de ce que cela signifie ?

— Pas vraiment, répondit-elle prudemment. Qu’est-ce que ça signifie ?

— Qu’il avait raison... Tout ce qu’on sait de ce monde est un mensonge. Je dois les trouver...

— Trouver quoi ? lui demanda-t-elle en feignant la curiosité.

— Les portes de Pharros.

— Qu’est-ce que c’est ?

— L’entrée du Nérélith.

C’était la deuxième fois qu’elle évoquait ce nom.

— C’est quoi le Nérélith ? demanda-t-elle poliment, intriguée par les délires de sa collègue.

— C’est le domaine numéen où vivent les démons, caché au cœur de la lune d’Agû. Ce n’est pas un mythe, cet endroit existe vraiment. Je le sais, je le sens.

Rayna commençait à douter de la santé mentale de l’inquisitrice, mais après ce qu’elle avait vu et vécu elle-même, elle était disposée à prêter foi aux élucubrations de la sulfurya.

— Ce Baelor, c’est un démon lui aussi ?

Mirage secoua la tête frénétiquement, une expression de peur sur le visage. Elle porta les mains à son cou.

— Non, non ! Pas démon ! Archidiable.

— C’est quoi la différence ?

— La pureté, la puissance, la beauté.

L’éclaireuse esquissa un sourire, amusée par cette description qui résonnait en elle comme un écho lointain. C’était un portrait qui semblait à la fois juste et un tantinet dramatique. Althéa avait vu en lui un monstre, mais Rayna partageait la vision de Mirage. Quand elle invoquait son image, que le nom de Baelor effleurait ses lèvres, elle était traversée d’un sentiment de compassion et de tendresse. Elle voulait le prendre dans ses bras pour alléger sa peine. Ce sentiment, elle le connaissait bien, car elle le ressentait pour Daevran.

— Daevran... prononça-t-elle à voix haute alors que les ordres de l’Archontesse lui revinrent subitement en tête.

Comment allait-il réagir lorsqu’il apprendrait qu’ils étaient traités comme des suspects et non comme des agents loyaux qui avaient déjoué la conspiration ? Mal, probablement.

***

Rayna avait confié la sergente Aktalone à deux soldats de la Brigade d’Airain stationnés sur l’Esplanade. Elle s’était ensuite rendue à l’infirmerie où elle avait informé Dame Forsyth de l’état du général Valor’ion. Les guérisseurs étaient sur le pied de guerre. Les blessés, alliés comme ennemis, affluaient vers la salle de soins. Les cas les plus graves étaient pris en charge immédiatement, les autres attendaient dans les couloirs. À la mention du Grand Protecteur, Rachel rassembla quelques guérisseurs compétents et se dirigea d’un pas vif vers la Commanderie.

L’éclaireuse se tenait debout au milieu du chaos. Un soldat la bouscula. Il s’excusa. Elle lui répondit d’une voix distraite. Elle se sentait perdue et terriblement seule. Ses yeux erraient de lit en lit à la recherche d’un repère familier. Elle croisa le regard d’Azriel qui lui fit un signe de la main. À côté de lui, Daevran était assis sur une chaise, un pansement sur son œil mutilé. Rayna se fraya un chemin jusqu’à eux. Elle s’arrêta devant Azriel. Elle ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Ses pensées, ses émotions, tout était si confus qu’elle ne savait pas par où commencer. Un volcan grondait sous la surface. La moindre secousse menaçait de le faire exploser. Cette secousse, ce fut trois mots prononcés par son partenaire.

— Rayna, ça va ?

Elle secoua la tête. Il la dévisagea avec inquiétude, mais avant qu’il puisse dire autre chose, elle se jeta dans ses bras et éclata en sanglots. Le séisme fut violent. Son corps tressaillait, secoué par des soubresauts incontrôlables. Plus elle tentait de retenir ses larmes, plus elles débordaient, alors elle cessa de lutter et laissa la tempête éclater. Azriel ne dit rien. Il ne posa aucune question. Il se contenta de la serrer contre lui en lui frottant le dos et les bras. Daevran, en revanche, n’avait pas le sang-froid de son collègue de l’Amarante. Il fut submergé par la vague émotionnelle de Rayna qui venait de la frapper de plein fouet. Il se leva et posa une main fébrile sur son épaule.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il, une pointe de panique dans la voix. Pourquoi tu pleures ? Que s’est-il passé ?

Les sanglots reprirent de plus belle. Azriel secoua la tête.

— Laisse-lui le temps de redescendre. Je sais que tu ne vois qu’à moitié, mais tu vois bien qu’elle n’est pas en état de répondre à tes questions.

Daevran se mordit la lèvre. Il ne supportait pas la détresse de sa sœur d’âme qui résonnait dans ses propres flux à travers leur lien empathique. Il voulait la mordre pour goûter à sa peine et alléger son fardeau, mais il n’en avait plus le droit. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était lui montrer qu’il était là pour elle. Il l’enlaça à son tour, sa tête appuyée contre son épaule, son étreinte rejoignant celle d’Azriel. Rayna émit un hoquet qui ressemblait vaguement à un rire. Les plaintes déchirantes cessèrent peu à peu, laissant place à quelques reniflements sporadiques. La tempête s’était calmée, mais la pluie tombait encore. En attendant que le ciel s’éclaircisse, elle s’abritait sous la tendresse bienveillante de ses deux amis.

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