JANVIER #1La musique
La musique a toujours fait partie de ma vie.
Enfant, j’écoutais les albums de mes parents, je chantais même parfois les paroles, alors que je n’avais aucune notion d’anglais.
Il y avait aussi, bien sûr, les longs voyages en voiture, où, lorsqu’on écoutait la radio, on attendait avec impatience le moment où viendrait « notre » chanson. Car à l’époque, c’était rare d’avoir accès à « notre » musique.
J’ai eu tout de même, quelques singles et albums, qui ont bien enveloppé l’atmosphère de ma chambre.
Puis vint l’ère du téléchargement, des milliers et milliers de titres, de milliers d’horizons.
C’était comme une quête, une chasse au trésor, on ne savait même pas sur quoi on allait tomber, et soudain, on trouvait le joyau qui nous accompagnerait quelque temps jusqu’au prochain.
Puis ce fut de plus en plus facile de trouver ce que l’on cherchait. Les titres devenaient de plus en plus nombreux, mon univers musical s’élargissait.
Je pouvais passer des heures, allongée, le regard vers le plafond, à regarder les ombres, que les restes de soleil, formaient sur l’ampoule.
Enfin, la solitude, l’indépendance, plus personne. Alors, la musique vibrait partout dans la pièce, et je dansais « like nobody’s watching ».
C’était nouveau, c’était spontané, ça faisait du bien. Je me rappelle particulièrement, l’album des hits de Michael Jackson, en commençant par les Jackson Five. On pouvait passer d’une ambiance à une autre, comme un voyage dans le temps, différents mouvements et énergies sonores.
Puis face à la réalité de ma vie, vint la léthargie.
La musique prit une nouvelle dimension : la musique comme un cocon, la musique comme une fuite, la musique comme une confidente, à qui je ne parlais pas, mais qui, elle, me parlait, me comprenait, exprimait mes émotions. Alors que je n’étais pas capable moi-même de les ressentir.
La musique m’offrait des parts de moi-même, et m’enveloppait dans ces fréquences, qui résonnaient avec mon âme.
Jusque là, j’avais toujours fonctionné au ressenti : ça me touche, ça me donne envie de bouger, ça me fait rêver.
J’ai eu comme meilleur ami, pendant plusieurs années, un beatmaker amateur.
Ce que je trouvais le plus fascinant, c’était le processus de création, toutes ces pistes qui s’ajoutent les unes aux autres, et lorsque j’imaginais un sens, il en créait un autre.
C’était une belle expérience, dans le partage et la joie, le tout aromatisé à la weed.
Après un moment, j’ai fait des pistes sur son synthé, encore une nouvelle expérience : créer ! J’étais assez satisfaite, c’était mélodieux, ça résonnait avec moi.
Il transformait tout ça en quelque chose de plus technique, de plus complet. Le partage, à ce moment-là, était total. Je ne faisais pas qu’écouter et donner mon avis, non, je participais, ajoutais ma touche.
Le fait d’écouter autant, et de voir comment se développait une prod, ouvrait mon écoute. Je pouvais maintenant discerner de la bonne musique de la mauvaise, je pouvais l’étudier, l’analyser.
Cela ne voulait pas dire que ça me plaisait, mais j’étais en capacité de reconnaître un travail bien effectué et de le valoriser, même en dehors de mes goûts. Cela me donna une nouvelle approche.
Il mit le logiciel sur mon ordi, m’expliqua comment cela fonctionnait, et alors je créais.
C’était très basique, mais c’était tout de même l’expression d’une part de moi, je me reconnaissais dans ces sons, ces rythmes, ces mélodies. Je n’en ai pas fait plus de 10.
Mais c’était une expérience très agréable, une façon de s’exprimer qui, lorsque l’on arrivait à vraiment ressortir ce qu’on voulait, était très satisfaisante !
Elle me faisait voyager dans « mon » univers, bouger sur « mon » rythme. C’était intéressant, de se découvrir sous cet angle.
Puis, j’ai changé d’ordi, et je ne m’y suis pas remise.
Ce n’était pas « mon » moyen d’expression, celui-là je le trouverais plus tard.
J’ai déménagé ici, j’ai commencé à me faire tatouer. L’un de mes premiers tatouages est « Euterpe » en lettres grecques, en hommage à la muse de la musique.
J’ai rencontré de nouvelles personnes, qui m’ont fait découvrir les soirées techno, avec un peu d’ecstasy. Ces personnes n’étaient pas très saines, ce qui ne m’a malheureusement pas permis, de vivre pleinement cette belle montée, que j’ai réussie à trouver plus tard.
Je découvris un nouveau monde, une nouvelle expérience, une nouvelle façon de vivre la musique.
De nature solitaire, ce fut très dur au début pour moi de me retrouver avec autant de gens. Mais grâce à la drogue, et en fermant les yeux, j’arrivais à me recentrer, à me connecter à la musique. Mon corps restait très lent pendant cette période d’acclimatation, mais c’était déjà quelque chose, que je savais que j’appréciais, car finalement, déjà vécu seule dans mon appartement.
En même temps que cette période, j’ai fait un petit travail sur moi, j’ai guéri de pas mal de choses.
Ce qui m’a fait atteindre un certain lâcher-prise en soirée, mes mouvements devenaient plus fluides, plus rythmiques, je ne perdais pas le contrôle, j’étais bien là, mais je m’appropriais ce moment, ça m’appartenait. Plus je prenais confiance, plus mon aura, mon corps s’harmonisaient sans crainte, ce qui permettait à mon esprit de se relâcher lui aussi.
J’arrêtais l’ecstasy, remplacée par la MD, en beaucoup plus petites quantités.
J’avais la confiance en moi, mais surtout en mon corps, il suffisait de m’oublier un peu, d’oublier le contrôle, la retenue, d’être libre, de faire disparaître le monde autour de moi, et c’est là, que la magie opérait.
Tout se désintégrait en multiples particules, et je ne faisais plus qu’une avec la musique, et l’énergie ambiante.
Les kaléidoscopes - cymatiques - sous mes paupières, s’harmonisaient, par leurs couleurs et leurs rythmes, aux sons qui envahissaient mon corps. Celui-ci, se laissait envouter, par les vibrations mélodiques, ondulant, marquant chaque note par un mouvement.
Expérience sensorielle, physique quantique, alchimie, magie.
***
Amenée par la dépression, le temps de la sobriété arriva.
Alors, la léthargie se réinstalla.
Plus de son.
Juste le silence.
Le silence, car aucun son n’aurait pu s’harmoniser à ma disharmonie. Car moi-même, je ne savais pas ce qui m’habitait, comment aurais-je pu me sentir comprise par quoi que ce soit ?
J’écoutais des hertz de guérison.
Ça s’entend sans s’écouter.
Je commençais doucement à comprendre, alors je créais une playlist dédiée à ce mood particulier, j’étais enrobée de mon énergie, sombre mais douce, mélancolique mais rythmée.
Je finis par entamer un processus de guérison.
Je laissais la musique reprendre sa place.
Je ne me limitais plus à cette playlist, mais aux mélanges, de toutes mes découvertes depuis plus de 20 ans.
Parfois, touchée par l’alchimie du moment, de la mélodie, de sa vibration et de mon état d’esprit,
Mon corps prenait le dessus et s’animait avec grâce, saisissant chaque note, chaque sensation, les transformant en une danse légère et vibrante.
Je sentais l’énergie se déployer dans mon corps, je sentais l’intensité dans mes mains, je sentais les frissons se repartir dans chaque cellule.
Ce sentiment de paix, de dissolution retrouvée, sobre et seule dans mon appartement, c’est une autre expérience, une autre intensité.
Je suis faite d’extrêmes opposés.
Alors, que ce soit sous drogue, dans un lieu bondé, aux sons rythmés à en détruire les tympans, ou à la simplicité, d’une mélodie douce en ma seule compagnie…
La musique me fait vibrer.
La musique, c’est la vie.
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