20. Emma

16 minutes de lecture

Elle avait mal. Sans cesse mal. Sa main s'enroula autour de la bouteille et elle porta le goulot à ses lèvres. Le liquide brûla sa gorge. Des larmes jaillirent de ses yeux. Elle les essuya dès qu'elle eut avalé sa dernière gorgée.


Elle rangea la bouteille dans son sac sous les yeux des quelques élèves de Memphis qui se trouvaient à l'entrée. Emma Rovel était tombée. De bien haut. Et on contemplait sa chute avec intérêt, comme si elle n'était qu'un divertissement bien payé. Peut-être même qu'ils avaient parié. Combien de temps tiendrait-elle avant de craquer ?


Elle dépassa le portail et passa devant le Mur. Mais aussitôt, un détail attira son attention. Des fleurs. Des photos de Sasha. Des mots. Ses poumons se retractèrent. "Tu nous manques." "Reviens-nous." "Pour notre compagnon". Où avaient-ils trouvé ces photos ? Pourquoi, pourquoi ? Ils le connaissaient à peine, ils ne savaient pas qui il était, ils n'avaient aucun droit de faire ça. Aucun droit de lui rappeler qu'il n'était plus. Parti. Mort.


— Emma !


Elle commença à marcher. Vite. Elle ne voulait pas voir Simon, ni personne d'ailleurs. Juste s'écrouler dans un coin pour y mourir.


— Emma, s'il te plaît !


Il la retourna de force. Elle recula de quelques pas, un peu étourdie. Simon avait cette expression colérique qui lui faisait peur. La même avec laquelle il était entré ce soir-là, le soir où elle avait senti son existence lui glisser des mains alors qu'il la menaçait et la tenait par la gorge.


— Où étais-tu hier ?


Elle voulut s'en aller, mais il l'agrippa à nouveau, avec plus de force. Ses mains le repoussèrent, un sanglot faillit exploser. Par pitié.


— Pourquoi n'es-tu pas rentrée ?


— Laisse-moi.


— Réponds-moi nom de dieu ! s'écria-t-il en la secouant.


Un cercle commençait à se former autour d'eux. Elle voulait fuir. Se dérober sous leur regard. Disparaître. Mais on attendait d'elle qu'elle brille, peu importe s'il s'agissait d'un soleil ardent ou d'une étoile mourante. La prise de Simon sur son bras lui faisait mal. Elle demanda à ce qu'il la lâche, mais il ignora sa demande.


— Où. Etais. Tu.


— J'ai bu, cracha-t-elle.


Il voulait la vérité ? Il l'avait. Bu jusqu'à ne plus avoir conscience du monde ni des malheurs qui la frappaient. Bu jusqu'à en vomir. Elle n'avait pas dormi. Elle était restée assise sur le sol de la ruelle telle une dépravée, les yeux rouges de larmes et noirs de maquillage coulé. Elle avait atteint le fond et ne parvenait pas à remonter. Tout ce qu'elle avait fait après ça, c'était rentrer chez elle, prendre une douche brûlante pour tenter d'apparaître à Memphis sans créer de scène. Mais visiblement, c'était raté.


— Maintenant lâche-moi.


Son téléphone se mit à sonner. William émergea du petit groupe d'élèves formés. Trop. Trop. Sa vision devint flou, sa tête se mit à tourner. Elle enfonça ses ongles donc le poignet de Simon. Il lâcha un cri et défit sa prise. Alors elle fit ce qu'elle savait faire de mieux dans cette vie.


Fuir.


Elle poussa des personnes, ignorant l'appel de Simon. Elle ne sut si William l'avait appelée aussi. Elle n'en eut rien à faire. Le monde s'était transformé en un cauchemar vivant où chaque nouvel élément rendait son atmosphère plus noir. Son cœur était si opressé qu'il allait exploser. Elle avait eu envie de se redresser, de vivre, on lui avait donné le choix entre s'écrouler et aller de l'avant. Elle s'était cru capable de prendre la deuxième option.


Mais ça n'avait été que reculer pour mieux sauter.


Elle était faible, meurtrie. Leila lui avait pris une partie de son âme en partant et attendait qu'elle la rejoigne. Sasha lui avait ôté le peu qui lui restait. Aujourd'hui, elle était aussi morte qu'eux. Sa main toucha le mur du hall. Elle prit son téléphone, décrocha. La voix de son père emplit son oreille. Il était en colère. Il criait, lui aussi. S'il avait pu, il l'aurait secouée comme Simon l'avait fait, cherchant à savoir où elle était passée, pourquoi Anderson ne l'avait pas trouvée. Elle raccrocha alors qu'il était au milieu de sa phrase. Son téléphone se remit à sonner mais elle ignora son existence. Elle avança vers les grilles, là où des petites mottes d'herbe ressortaient de la terre dure. Ses doigts s'accrochèrent au grillage. Son corps se courba vers l'avant.


Et elle vomit. Sans prendre la peine d'enfoncer un doigt dans sa gorge. Aujourd'hui, ça sortait tout seul. Elle n'était même pas sûre que ce soit à cause de l'alcool. Juste... le dégoût. Elle en avait marre. Son corps aussi. Elle se mit à trembler violemment. Un oiseau était posé sur la branche d'à côté, elle l'aperçut par hasard. Il secoua ses ailes, puis ses grands yeux noirs la fixèrent. Quelle ironie la vie lui offrait. Elle aurait pu en rire si elle en avait encore la force.


Il faisait froid, elle avait froid, elle était gelée. Elle reprit une grande inspiration. Mais ça ne servit à rien. Elle avait l'impression d'étouffer, elle suffoquait, elle pleurait. Sa main s'accrocha à son ventre. Il était vide. Et pourtant, elle avait envie de se vider. Peut-être que régurgiter ses intestins l'aiderait. Peut-être qu'elle avait besoin d'être littéralement creuse pour aller mieux. Ses genoux plièrent. Ses forces s'envolèrent, tel un oiseau prenant son envol vers l'ultime espoir de liberté. Et alors qu'elle s'attendait à rencontrer le sol, des bras la rattrapèrent.


— Je suis là, entendit-elle près de son oreille.


Sans même demander, elle sut de qui il s'agissait.


À seize ans, quelques jours après être sortie de l'hôpital, elle était retournée au lycée. L'heure de manger avait sonné mais elle n'y était pas allée. À la place, elle s'était enfermée dans les toilettes dans l'espoir que personne ne remarque son absence. Elle s'était assise sur le carrelage froid, avait ramené ses genoux contre sa poitrine et enfoui sa tête dans ses bras. Elle avait attendu l'heure entière. Puis elle s'était relevée et soudain, elle s'était sentie faible. Ses mains avaient peiné à ouvrir la porte. Elle avait marché dans la cour, la respiration courte. Quelques têtes s'étaient retournées avant que ses genoux ne fléchissent. Quelqu'un l'avait rattrapé. Cette même personne qui n'avait fait que ça pendant pratiquement toute son adolescence. Il avait dit "je suis là". Ses mots avaient eu la sonorité d'une promesse.


Il l'avait honoré. Peut-être qu'il lui avait fait du mal, peut-être qu'ils s'étaient blessés mutuellement, n'ayant jamais rencontré le juste milieu entre la destruction et le bonheur. Mais il avait toujours été là pour elle. Quand elle était triste. Quand elle était heureuse. Quand son existence entière s'effondrait. Quand elle le repoussait. William ne l'avait jamais délaissée. "Je suis là", il n'y avait que lui pour transformer ces trois mots en un serment.


Il la tenait fermement par l'arrière. Elle s'accrocha à ses avant-bras. Fixa la route qui s'étendait au-delà de la grille.


— Respire, dit-il.


Elle prit une inspiration. Il posa une main sur son ventre comme pour vérifier qu'elle le faisait bien. Ils restèrent ainsi pendant plusieurs minutes. L'oiseau était toujours posé sur le poteau gris. Si sa présence l'avait agacée, elle l'apaisait à présent. C'était comme si toute son angoisse se déversait dans la main de William.


— C'est bon, souffla-t-elle.


Il la lâcha. Elle aurait aimé qu'il la tienne un peu plus longtemps. Elle se retourna. Il l'observait d'un air inquiet. Son regard se posa sur la bouteille dans son sac. Erwin se serait énervé. Simon aurait eu cet air déçu qui l'aurait fait se culpabiliser. Mais William n'eut aucune réaction. Et ne pas se sentir jugée lui fit du bien.


— Viens, on doit parler.


Il lui prit la main et l'entraîna dans le hall. Tandis qu'ils marchaient, elle fixa leurs doigts entremêlés. Il avait l'habitude de faire ça. La toucher. Caresser sa peau avec son pouce, déposer un baiser dans son cou, l'enlacer, coincer une mèche de cheveux derrière son oreille, l'embrasser parfois. Pendant des années, elle avait tenté de lire à travers ces gestes. Mais il n'y avait rien à déchiffrer. Elle avait juste passé trop de temps à s'imaginer quelque chose qui n'existerait jamais.


Ils entrèrent dans la cafétéria. Les cours avaient commencé, alors il n'y avait pas grand monde. William la mena jusqu'à la table du fond, contre les grandes baies vitrées. Il lui fit signe de s'asseoir sur le banc en cuir et s'installa sur la chaise qu'il positionna en face. Il la scruta silencieusement. Son apparence devait être terrible pour qu'il mette autant de temps à la regarder, et elle avait peur de voir son reflet.


— Je crois que je me suis voilé la face pendant trop longtemps.


Elle cligna plusieurs fois des yeux.


— Quoi ?


— Je t'aime, Emma. Mais pas comme... pas comme je te l'avais dit la dernière fois. Je t'aime vraiment.


Alors elle se mit à rire. Pas de joie, non. Quelque chose de bien plus désespéré. Un cri intérieur qui ne pouvait s'exprimer. Elle rêvait. Ou bien c'était un cauchemar. Ça dépendait de comment on le voyait.


— Je suis sérieux, reprit-il.


Oh oui, elle en était consciente. C'était ça le pire. Écouter ce qu'elle avait espéré entendre toute sa vie et savoir que c'était réel. L'absurdité de la situation. L'alcool qui glissait encore dans ses veines. Tout et rien. La vie en général, et elle eut une telle envie de lui rire au nez et de l'envoyer chier. Elle sécha les larmes qui venaient de couler, calma le rire qui la secouait. Il la dévisageait avec inquiétude.


— Tu dis ça parce que sans Alex, tu te sens seul, lâcha-t-elle avec assez de haine pour qu'il regrette ses mots.


Mais ça ne fonctionna pas.


— J'ai quitté Alex parce que je te voulais toi.


— Tu te fous de ma gueule. Pendant des années, William. Des années j'étais amoureuse de toi, Leila le savait, tout le monde le savait merde !


Elle écrasa sa main contre sa bouche. Effrayée par ses propres mots. Elle avait peur, elle était terrifiée.


— Je le savais.


Ce fut comme recevoir un coup de poing dans le ventre.


— Et je suis désolé de ne pas l'avoir pris en compte, continua-t-il. Mais j'en ai marre de me trouver des excuses. Je te veux.


Ce fut sur ces mots que Simon débarqua. La colère traversa son visage quand il aperçut William. Elle ne répondit rien à celui-ci, digérant lentement sa déclaration.


— Tu fous quoi avec elle, Restrie ? attaqua-t-il en se positionnant à leur niveau.


— C'est moi qui suis allé la chercher, pas toi, alors la ferme.


— Personne ne t'a demandé de jouer les chevaliers galants.


William se leva d'un bond, ses veines pulsant dans son cou.


— On est pas dans un putain de conte de fée. Elle était sur le point de s'évanouir et j'étais le seul à l'avoir rattrapée. Alors arrête de jouer les connards et grandis un peu.


— C'est moi que tu traites de connard, vraiment ?


— Arrêtez.


Ils se tournèrent tous les deux vers elle.


— William, s'il te plaît.


Il sut ce que ça signifiait. Un dernier regard concerné, des émotions pures et simples rien que pour elle. Puis il traversa la cafétéria et fit claquer la porte en sortant. Simon le regarda partir avec un air de dégoût avant de s'installer à côté d'elle. Il posa sa main sur la table, l'enfermant dans le recoin des baies vitrées. Il toucha d'un doigt sa joue, puis ramena une mèche de cheveux derrière son oreille. Son coeur pesa lourd tout à coup.


— Je veux savoir où tu as passé la nuit.


— Simon.


Il planta son regard dans le sien. Sa gorge brûlait de mots qu'elle regretterait plus tard. Il attendait. Elle aurait voulu qu'il lise dans son esprit pour qu'ils en finissent au plus vite.


— Je suis désolée, dit-elle d'une voix cassée. Mais avant de te rencontrer, j'étais amoureuse d'un garçon. Et je crois que...


Il ferma les yeux.


Elle eut mal.


— C'est une blague non ?


Elle se détesta pour devoir prononcer ces mots. Elle ne voulait pas qu'il souffre par sa faute. Il méritait tellement mieux. Il avait ses défauts, comme tout le monde, mais Simon était celui qui l'avait soutenue tout le long. Et elle l'avait aimée. Il lui avait pardonné ses pires fautes, et aujourd'hui... Aujourd'hui elle avait fait un choix, sans savoir si c'était le bon.


Elle tenta de repousser son bras pour s'en aller. Mais il résista.


— S'il te plaît.


Elle vit ses yeux s'emplir de larmes. Elle ne l'avait jamais vu pleurer. Et elle ne voulait pas voir ça, quitte à fuir, quitte à l'abandonner. C'était peut-être égoïste, mais elle refusait de voir quelqu'un exprimer sa tristesse devant elle, une tristesse qu'elle avait elle-même causé. Elle poussa son bras, et après plusieurs tentatives, il l'enleva enfin. Elle récupéra son sac, se releva et passa devant lui. Le silence l'étouffait. Il ne bougea pas d'un millimètre, pas même lorsqu'elle s'éloigna de la table. Il ne la regarda pas partir. Elle ne se retourna pas non plus. Ils avaient mal. Mais ils ne le disaient pas.


C'était plus simple ainsi.


Elle sortit de l'école avec une mine pâle. William était adossé contre la carrosserie d'une voiture, les bras croisés sur sa poitrine et le regard dirigé dans sa direction. Elle s'arrête sur les marches d'escalier. Il savait. Il l'avait attendu parce qu'il connaissait déjà sa décision. Elle se sentit si pathétique.


Et malgré ça, elle le rejoignit quand même. Chaque pas sonnait comme une erreur. Chaque seconde peignait une nouvelle couche de regret dans son cœur. Mais elle aimait se faire du mal, n'est-ce pas ? Elle n'avait plus rien à vomir, alors elle se jetait dans les bras de William.


Elle ne savait pas ce qui était le pire.


Dès qu'elle arriva à sa hauteur, il encadra son visage de ses mains et écrasa ses lèvres contre les siennes. Elle le laissa entrer, la dévorer entière. Il ne trouverait rien à manger. Elle était vide. Auparavant, elle se serait effondrée de joie face à ce baiser. Aujourd'hui, il était juste le souvenir d'une illusion perdue. Mais elle l'aimait quand même, oui. Elle n'était juste pas sûre de la vraie raison pour laquelle elle l'avait choisi lui.


— Je prendrai soin de toi, murmura-t-il en caressant ses joues avec ses pouces. On va aller chez mon cousin, personne ne te poursuivra jusque là-bas. Tu seras en sécurité.


Elle hocha lentement la tête. C'était ce qu'elle avait espéré.


Ils entrèrent dans la voiture. Elle la reconnut, c'était celle de Liam. Elle colla son front contre la vitre et observa le paysage défiler. William posa une main sur sa cuisse. Son contact la réchauffa. Elle posa sa propre main sur la sienne. Ses yeux se fermèrent, elle inspira longuement. C'était fait. Ils étaient ensemble. Pour de vrai. Elle tourna sa tête dans sa direction. Il la regarda aussi. Et tout à coup, elle sut que c'était un mauvais choix. Tous les deux, ils s'enfonceraient dans les ténèbres les plus épais. Ils chuteraient. Simon l'avait maintenue à la surface, Alexandre avait eu le même rôle. Mais aujourd'hui, il n'y avait qu'eux.


Ils avaient dit qu'ils s'aimaient. Mais ils n'avaient pas dit de quelle manière.


Elle rompit le contact visuel et fixa droit devant elle. Ils arrivèrent chez Liam une demi-heure plus tard. L'odeur de tabac l'enveloppa aussitôt. William l'entraîna à l'étage, dans ce qui semblait être sa chambre. Quelques affaires traînaient sur sa chaise. Des photos accrochées au mur. Elle. Quelques-unes avec Lucas ou Erwin. Une autre avec Liam. Puis elle à nouveau.


— J'irai te chercher tes affaires ce soir, déclara-t-il en rangeant rapidement les chaussettes qui jonchaient le sol.


Il se redressa puis l'embrassa à nouveau. Ils étaient libres à présent. Elle n'avait plus à avoir peur d'être prise. Ou photographiée. Les doigts de William glissèrent sous son sweat. Quand ils touchèrent sa peau, elle eut des frissons. Elle le dévisagea. Pendant des secondes qui parurent aussi longues que des heures. Puis elle leva ses bras.


Elle n'eut pas froid, pas même lorsqu'elle se retrouva en sous-vêtements sur le lit. Il se pencha au-dessus d'elle, analysant chaque détail de son corps. Elle se sentit vulnérable. Faible. Mais ses baisers dans le creux de son cou la rassurèrent. Sa langue léchant sa peau, ses mains s'enroulant autour de ses poignets. Elle ferma les yeux et se laissa porter par ses émotions. Son corps réagissait naturellement à ses caresses, puis ses baisers qui devinrent après un certain temps des morsures. Il la consumait. Son feu la brûlait, elle se sentait mourir peu à peu. "Je suis là". Et il était là. Comme promis.


Son dos se courba et ses jambes s'entrouvrirent par automatisme. Leurs corps s'articulaient à merveille. Et pourtant, il y avait quelque chose d'absent. Sa première nuit avec Simon, à l'hôtel, avait été magique. Celle-ci était juste... vide. Elle avait attendu des années, voire toute sa vie pour goûter enfin à ses caresses, et maintenant qu'elle y était elle ne ressentait rien d'autre qu'une immense amertume. Qu'est-ce que la vie lui avait pris ?


Elle continua tout de m ̂eme à l'embrasser, à gémir sous son toucher parce qu'elle aimait être son centre d'attention, parce qu'au fond d'elle-même, elle le voulait. Se perdre. S'enfoncer dans l'oubli, perdre la tête dans sexe. Mais voilà, c'était du sexe. Pas de l'amour.


Elle ne s'endormit pas après ça, mais elle fit semblant. William, après avoir passé du temps couché à ses côtés, se rhabilla et sortit de la chambre. Elle se recroquevilla et fixa la fenêtre. Le dernier regard de Simon la hantait. Ses yeux débordants de larmes. Son bras cramponné à la table, refusant de la laisser passer. Elle songea à toutes les fois où il l'avait sortie du lit de force, où il l'avait habillée en lui répétant que ça allait passer, qu'il faisait beau dehors et qu'il fallait en profiter. Il avait passé tellement de temps à essayer de lui redonner espoir. Elle sentit le sanglot gonfler dans sa poitrine. Non. Ce n'était pas à elle de pleurer.


Elle se leva, ouvrit l'armoire de William pour y dénicher un sweat. Puis elle fouilla dans son sac pour prendre son téléphone. Des messages de Lucas lui demandant où elle était. De Madden aussi. Son père lui avait laissé une vingtaine d'appels manqués. Mais aucune trace de Simon.


Elle sortit de la chambre le plus discrètement possible. Des voix résonnaient en bas. Sur la pointe des pieds, elle descendit lentement les escaliers. Elle se colla contre la paroi la plus proche du salon où elle aperçut le dos de William et le visage à moitié caché de Liam. Ils tenaient quelque chose dans la main qu'elle ne parvenait pas à reconnaître.


— Tu le gardes discrètement. Si quelqu'un te voit avec ça, tu pourrais finir en prison.


— Je t'ai dit que j'avais compris.


— Je préfère le répéter.


Un clic et les sourcils de Liam se froncèrent de concentration. Il posa quelque chose sur la table, en reprit une autre.


— Ce sera en attendant qu'on trouve ce psychopathe.


— Tu fais quoi poulette ?


Elle se retourna dans un sursaut. Un homme à la barbe fournie et aux tatouages recouvrant presque tout son cou et son visage souriait d'un air satisfait. Elle se souvint qu'elle se trouvait les jambes nues et se mit à frissonner d'horreur. Son dos percuta le mur.


— Emma ? l'appela William depuis le salon.


Elle en profita pour se glisser directement à l'intérieur, jetant en même temps un coup d'oeil craintif vers cet homme noir de tatouages. Liam se mit à rire doucement.


— Il ne te fera rien Beauté. C'est lui qui t'a surveillé pendant toutes ces semaines.


— Ah oui ? fit-elle d'une petite voix.


L'homme lui adressa un clin d'œil avant de disparaître dans le couloir. Piètre consolation. Elle se retourna vers la table et son cœur s'arrêta de battre. Des armes. Des balles. C'était ce qui avait tué son frère. Ces choses étaient les pires inventions de l'humanité, elle ne voulait pas en voir, elle ne voulait pas savoir qu'ils s'en...


— Bébé, regarde-moi.


Elle sursauta face à ce surnom. Alors c'est bon, ils couchaient ensemble et ils agissaient comme un couple officiel quelques heures après ? Comme s'ils étaient ensemble depuis des années, non ?


— Ne tue personne devant moi. J'ai eu ma dose de décès.


— C'est pour toi tout ça, grimaça-t-il.


— Je n'ai jamais demandé à ce que tu portes une arme pour moi.


— Quand quelqu'un t'aura comme cible à l'autre bout de son canon, l'interrompit Liam, tu seras bien contente que ton copain ait sur lui de quoi tuer cette personne en premier.


— Faites ce que vous voulez, je ne veux pas être impliquée dans tout ça, souffla-t-elle en traversant de nouveau le salon.


Elle entendit Liam reprendre la parole, mais ce n'était pas destiné à elle. Son refuge fut la cuisine. Elle s'appuya sur le rebord de l'évier, se força à respirer profondément. Il y avait tellement de choses qui se bousculaient dans sa tête. Elle voulait les noyer. Les tuer. Massacrer toutes ses émotions, ne devenir qu'un trou vide. Inspirer. Expirer. Tout allait bien aller.


Mais son regard dévia vers un sachet de poudre blanche.


Dans la maison du plus gros dealer de drogue, elle ne fut pas étonnée d'en trouver à côté de la cafetière. Et en trouver la rassura presque. Elle ouvrit le sachet, organisa la poudre sur le marbre du meuble. Puis elle s'empara d'un papier qu'elle trouva sur le micro-onde et en fit un rouleau fin.


Elle avait vu faire dans les films. Ça paraissait simple.


Alors elle pencha sa tête, introduit le papier dans sa narine et inspira d'un coup sec.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Cassiopée . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0