21. Simon

16 minutes de lecture

Il soupira devant ses feuilles de cours, jetant un coup d'œil autour de lui pour remarquer qu'il était le seul à ne pas écouter le professeur. Un silence concentré régnait dans la classe depuis que ce dernier avait précisé qu'il s'agissait d'un sujet important pour leur examen. Mais peu importait l'avertissement : il ne pouvait tout simplement pas penser aux statistiques aujourd'hui. Ni le lendemain. Ni jamais. Il croisa le regard de Lucas qui lui demanda silencieusement ce qui n'allait pas.


Il secoua la tête d'un air nonchalant et prit son téléphone. Ses doigts le guidèrent automatiquement sur sa galerie et il se maudit pour ça. Pourtant, il se trouva englouti par les photos qui s'affichaient sous son nez. Emma avait cette habitude de prendre son téléphone quand il avait le dos tourné et de le remplir de selfies. Elle tirait la langue, photographiait sa tenue, ce qu'elle faisait ou juste une grimace. Il y en avait qu'il n'avait même pas remarqué. Il les contempla toutes avec une douleur lancinante dans la poitrine.


Trois jours après leur rupture, il ne comprenait toujours pas pourquoi elle était partie.


William avait quitté Alexandre depuis des semaines. Et elle le savait. Si elle avait vraiment eu en tête de le quitter pour lui, elle l'aurait fait depuis longtemps. Elle n'avait pas cédé à leur fausse relation pour le Mur. Au contraire, elle s'était ouverte à lui et lui avait avoué les moindres détails de leurs échanges. Il ne savait pas ce que William lui avait dit dans cette cafétéria. Ni ce qui s'était passé cette nuit-là, la nuit où il ne l'avait pas entendue rentrer, mais un élément manquait.


Et il ne pouvait pas lui poser la question, parce qu'elle avait tout simplement disparu de la surface de la terre. Elle s'en était allée avec l'amour de sa vie, son prince charmant, pour ne jamais reparaître. Et quelque part dans son cœur, elle s'était transformée en un souvenir.


Il éteignit le téléphone et tenta de se reconcentrer sur le cours. Il n'y arriva pas. Il voyait William la toucher, l'embrasser, et ces seules pensées lui donnaient la nausée.


La fin du cours mit l'éternité pour arriver, mais elle arriva. Il enfouit ses affaires dans son sac et sortit de l'amphithéâtre. Alors qu'il s'apprêtait à rejoindre son meilleur ami pour son cours d'anglais économique, Lucas le rattrapa. Raven arriva à leur hauteur également, lui adressant un adorable sourire. Il le lui rendit, n'ayant pas envie de paraître impoli.


— Hey, t'as l'air un peu perdu dans les cours, fit remarquer Lucas d'un air sincèrement inquiet. Si tu as besoin d'aide, tu peux me demander.


— Non, ça va t'inquiète. C'est juste...


Étaient-ils au courant ? Après tout, ils étaient des amis proches d'Emma et même de William, ils devaient le savoir non ? Mais les deux attendaient la suite comme s'il s'agissait d'un grand mystère.


— C'est Emma, fit-il. Elle est partie.


Ils n'étaient définitivement pas au courant. Lucas fronça des sourcils et les yeux de Raven s'agrandirent brusquement.


— Comment ça partie ? demanda-t-elle presque paniquée.


— Avec William. Elle m'a dit qu'elle me quittait, elle est partie avec lui et depuis elle n'a pas refait surface.


— Elle m'a dit qu'elle était malade, dit Lucas d'un air sombre.


Ouais, elle aimait bien cette excuse.


— Donc voilà, reprit-il, à présent gêné par le regard plein de compassion de Raven. Mais ça va aller hein, je... je vais bien.


Il se sentit encore plus pathétique. En fait non, il avait l'impression d'être de la merde. Parce qu'il n'avait aucune idée de pourquoi Emma l'avait jeté tel un déchet, ni ce qu'il avait de moins par rapport à Restrie. Il ne comprenait pas et le doute le rongeait.


— On fête mon anniversaire et celui d'Erwin demain, annonça Lucas certainement dans l'espoir de lui remonter le moral. Tu es invité.


— Ne vous sentez pas obligés de m'inclure.


— Tu fais partie du groupe maintenant, avec ou sans Emma. Tu étais invité depuis le début.


Mais peu importait la gentillesse de ses mots, Simon savait qu'il n'aurait jamais la même place que les autres. Ils avaient connu le drame de Leila ensemble, et ils l'avaient surpassé ensemble. Ils avaient grandi ensemble, fêtés tous les Noël ensemble et avaient en commun un complexe qui leur revenait à des millions d'euros chaque année. Il ne faisait pas partie de leur cercle.


— Ok, j'irai promis.


— On fête ça dans une villa de ma tante, près de la Plage de la Rague. Je t'enverrai les coordonnées par message.


— C'est cool, merci. On se voit demain alors.


Il leur fit au revoir de la main et poursuivit son chemin. Il avait encore une heure de cours. Il hésita entre sécher et tenter le coup. La première option fut la plus tentante. De toute manière, il n'allait rien comprendre et si c'était pour passer l'heure à se lamenter sur lui-même, mieux valait rentrer et s'occuper l'esprit en faisant son crossfit. Peut-être qu'il appellerait son frère, ils parleraient d'athlétisme, une passion qu'ils partageaient tous les deux. Ça lui changerait les idées.


Soudain, un bras tomba sur ses épaules et Léandre s'imposa à ses côtés.


—Alors, comme ça on sèche les cours ?


— Je ne peux pas me concentrer, grommela-t-il en guise de justification.


— Si tu sèches, autant sécher avec moi mec.


Simon retira de force le bras de Léandre pour lui faire face.


— Ton père te retire la villa si tu échoues à tes partiels.


— Tu oublies mon intelligence extraordinaire qui va me permettre de réussir tous mes examens, répondit-il en souriant. Et entre me farcir les "du yu understud ?" pendant une heure et réconforter mon meilleur ami en pleine dépression post-rupture, je choisis la deuxième option.


— Je ne suis pas en dépre...


— Qu'est-ce que tu dis d'une pizza ? le coupa-t-il en ramenant son bras autour de ses épaules. Ça fait longtemps qu'on en a pas mangé.


Il soupira d'exaspération. Dire non à Léandre revenait à s'assommer contre un mur. Un acte inutile et fatiguant. Alors il se laissa guider jusqu'à leur pizzéria favorite en voiture, située en bord de mer. Un vent froid s'infiltra sous sa veste à l'instant où il mit un pied dehors. Il leva les yeux vers l'édifice vitré à quelques mètres. La première fois que Léandre l'avait mené à cette pizzéria, Simon s'était attendu à voir un camion nomade avec, écrits à la craie, les différentes pizzas à commander. Mais c'était mal connaître les goûts de luxe de son ami. Même les pizzas avaient droit à de la dignité dans ce monde.


Des cheminées artificielles brûlaient sous chaque colonne du restaurant. Un garçon avec l'uniforme de l'édifice les accueillit et leur donna une table avec vue sur la mer. Quelques couples prenaient l'apéro et un peu plus loin, une famille avec trois enfants. Léandre se recoiffa avec le reflet de son téléphone puis s'adossa contre sa chaise et le regarda fixement.


— Comment vis-tu cette séparation, mon cher ami ?


— Arrête de faire le con.


Un serveur vint à eux et leur demanda leur choix de vin. Il prit le même que Léandre, ne s'y connaissant pas beaucoup en la matière. On leur donna la carte, mais il savait déjà quoi choisir. Il la posa sur son assiette et dirigea son attention sur la baie. Des vagues s'écrasaient avec violence contre le sable, mais il n'entendait pas leur chant. La musique jazz du restaurant l'en empêchait. Le ciel gris se suspendait bien bas, touchant dans le fond l'horizon bleu foncé.


— Une quatre fromages et une royale, comme d'habitude ? demanda Léandre.


— Oui.


Il appela le serveur qui inscrivit leur choix sur un bloc note. Les vins arrivèrent une petite minute après. Léandre fit tourner le liquide dans son verre et but une petite gorgée, acquiesçant discrètement. Simon le goûta, le trouva bon et le reposa.


— Tu veux connaître mon avis ? lança Léandre.


— Non.


— Je pense qu'elle va revenir. Elle va se rendre compte que tu vaux mille fois mieux que cet imbécile de junkie. Les filles sont comme ça, indécises. Il faut juste savoir les accueillir quand elles reviennent.


— Elle avait l'air très sûre d'elle.


Il attrapa le pied du verre à vin et le tourna sur lui-même, le regard perdu dans les reflets du cristal.


— C'est ça qui m'étonne. Vous étiez bien ensemble non ?


— Je suppose.


— Comment ça tu supposes ?


— Écoute, l'arrête-t-il, je n'ai pas envie de parler d'elle maintenant ok ? Je suis fatigué, j'ai juste envie de penser à autre chose.


Léandre se tut un moment. Il semblait comprendre, mais il semblait réfléchir aussi. Ou hésiter. Et après quelques secondes de silence, il le cracha enfin.


— Je crois qu'elle l'a choisi pour avoir un libre accès à la drogue.


Il eut l'impression de recevoir une douche froide. Léandre paraissait très sérieux. Plus sérieux que jamais.


— Tu déconnes.


— Non. Elle a perdu sa meilleure amie, a été empoisonnée, puis quand elle a repris confiance en la vie, son frère est mort. Elle n'allait pas bien. Ça crevait l'œil. Elle a voulu se relever et montrer à tout le monde qu'elle pouvait tenir le coup mais elle s'est lamentablement vautrée. L'alcool ne lui suffit plus. Il lui faut quelque chose pour se détacher de son existence.


— Elle possédait de la drogue et elle ne l'a jamais touché, riposta-t-il.


— Les choses ont changé. Elle a vu le désastre que la drogue a causé et c'est pour ça qu'elle n'y a pas touché. Mais là, c'est différent. On a assassiné son frère. La drogue n'a plus aucun rôle dans son drame, ça prend plutôt forme d'une issue de secours.


Il refusait d'y croire. Il refusait d'admettre qu'elle s'était jetée dans les bras de William rien que pour se détruire. Il aurait presque préféré qu'elle l'ait choisi parce qu'elle l'aimait, sa vie n'aurait pas été en danger.


— Emma est instable, reprit Léandre. Elle subit ses hauts et ses bas depuis trop longtemps. Je savais qu'un jour elle allait exploser. Et ça n'a pas manqué.


— T'es quoi, son psy ? s'agaça-t-il.


— Non, c'est juste de la déduction. Et Emma est facile à cerner.


— Tellement facile que tu en as profité, ne put-il s'empêcher de répliquer.


La mâchoire de Léandre se contracta. Il recula sur son siège, l'expression aussi dure que de la glace.


— Je pensais que tu m'avais pardonné.


— Mais je n'oublie pas.


Les pizzas arrivèrent. D'une manière ou d'une autre, ils réussirent à écarter ce sujet pour en choisir des moins sensibles. Comme il avait déserté le club d'athlétisme de Memphis après avoir été viré de la compétition de décembre, Léandre le tint au courant des nouvelles et lui promit de parler de sa réintégration à leur entraîneur. L'adrénaline des courses manquait à Simon. Parfois, il partait faire du jogging tôt le matin mais ce n'était pas la même chose. Il n'y avait pas cette urgence de gagner. Le sang qui chauffait dans les bras, la sensation d'être transporté au-dessus du sol dans l'espoir d'aller plus vite que les autres. Il voulait reprendre le sport. Et s'il devait y mettre toute son énergie dedans, il le ferait. Il n'avait plus à en garder pour quelqu'un d'autre de toute manière.


— Oh, tu ne sais pas ce qui se dit ? s'exclama Léandre en s'essuyant la bouche.


— Non, quoi ?


Il attrapa une olive noire qu'il avait laissée de côté et la posa sur sa langue.


— Erwin Layne et Madden Scott se sont fiancés.


L'olive faillit passer du mauvais côté. Il toussa brusquement pour empêcher la catastrophe avant d'avaler correctement. Erwin et Madden fiancés ? Pourquoi personne ne lui avait rien dit ?


— Surprenant hein ? Il faut croire que le Mur a bien choisi cette fois-ci.


— Mais c'est tôt non ?


Il haussa les épaules.


— Il doit y avoir quelques avantages économiques dans leur union, après tout leur deux familles sont les fondatrices du Flamboyant. Et puis rien n'a su les séparer ces deux-là, alors pourquoi pas. Tu me dirais qu'il y aurait un mariage entre William et Emma et je me poserais des questions.


Léandre dut s'apercevoir de sa mine sombre parce qu'il se pinça immédiatement la lèvre.


— Pardon. Je n'ai pas pris le bon exemple.


— De toute façon, je vois très mal Restrie se marier. C'est un trop gros connard pour ça, t'as qu'à voir comme il a planté Voseire.


— Ah ouais, c'est vrai, fit-il avec un large sourire. J'avais presque oublié. Le couple le plus invraisemblable qui, au fond, n'a pas duré bien longtemps.


— Mais tu sais pourquoi il l'a planté, non ?


Léandre secoua la tête, le regard brillant de curiosité.


— Il a recommencé à prendre de la came, déclara Simon, et ça n'a pas plus à Voseire. Je ne sais pas vraiment comment ça s'est passé, mais ça n'a pas dû être beau à voir.


— Eh mais attends, c'était le soir où je l'ai récupéré dans la piscine !


— Qui, Restrie ?


Il ne connaissait pas cette histoire.


— Ouais. Il a failli faire une overdose ce con. Il a dû mélanger alcool et came, il marchait vers la piscine en titubant. Alors Lisa m'a appelé, elle m'a dit qu'il y allait y avoir un mort si on intervenait pas. Quand on est arrivé, il était déjà en train de se noyer. On l'a sorti de la piscine, on l'a porté jusqu'à la chambre et j'ai appelé Emma.


Ça lui revenait. Emma était revenue le matin vers quatre heures et elle avait dû lui raconter tous les faits, mais avec quarante de fièvre, il n'avait pas vraiment tout retenu. Elle lui avait parlé après de la proposition de Léandre.


— Je suppose que c'est quand il a recommencé à se shooter, supposa-t-il.


— Sûrement. On dit qu'il est devenu le bras droit de son cousin. La moitié de Memphis le craint à cause de ça.


— Quoi, ils ont peur qu'il débarque avec une mitraillette ?


— Quand on connait un peu le personnage de Liam Restrie, savoir que le gars qui s'assoit à côté de toi en gestion est son cousin et son bras droit, ça fout les jetons.


— Je n'ai jamais eu peur de lui.


— Tu es un crétin.


Sur ces mots, il reprit un morceau de pizza et se mit à couper le bout avec ses couverts en argent.


— Liam Restrie est certainement le gars le plus dangereux de la région, continua-t-il. C'est le plus gros dealer de la zone et plus personne n'ose compter le nombre de cadavres qu'il a laissés derrière lui.


— Je sais, il a un grand réseau. Je ne sais pas ce qui l'a poussé à faire ça, mais il avait employé des hommes pour surveiller Emma et les menaces qui pouvaient surgir.


— William doit être dans le coup.


Emma ne lui avait pas parlé d'une implication de William dans ses surveillances. Mais Léandre visait juste. Pourquoi un gars qui se promettait de ne jamais replonger dans la drogue se convertissait soudain en junkie juste après l'empoisonnement de sa "meilleure amie" ? Il se sentait idiot de ne pas y avoir pensé avant. Et Emma devait le savoir. Elle devait se sentir responsable de son état. C'était peut-être une des raisons pour laquelle elle l'avait choisi.


Une parmi tant d'autres.


— Ce qui ne fait que confirmer mon hypothèse, reprit Léandre entre deux bouchés. Emma se sent en sécurité avec Liam. Et elle sait aussi que William lui rend souvent visite, voire il vit avec lui. Ce n'est pas très difficile de dénicher de la coke dans la maison d'un dealer.


L'idée qu'elle se drogue lui glaçait le sang. Une fois qu'on entrait dans le cercle infernal, on en ressortait que très difficilement. Il aurait voulu la tirer de là, l'aider à se sortir de cette situation, mais il ne savait pas où elle se trouvait. Et elle lui avait clairement fait comprendre que c'était fini entre eux.


— J'espère qu'elle viendra demain, dit-il à son tour.


— Où ça ?


— L'anniversaire des jumeaux Layne. Je suppose qu'ils l'ont invité elle et Restrie.


— J'aurais aimé être invité.


— Pourquoi faire ?


— Oh, parce que quand tu mélanges un Voseire rancunier, un junkie impulsif, une alcoolique désespérée et son ex possessif, le résultat ne doit pas être très beau à voir.


— Je dois le prendre comment ?


Il lui offrit son plus beau sourire.


— Je ne suis responsable que des mots que je formule, pas de leurs effets.


— Imbécile va, lâcha-t-il en lui assénant un coup de pied sous la table.


Mais en réalité, il commençait à appréhender cette journée. Le soir, il reçut un message de Lucas lui communiquant l'adresse. Il commanda en express les cadeaux pour Lucas et Erwin, censés arriver le lendemain matin puis regarda un film avec Léandre. Il se coucha après ça dans un lit froid. La nuit, Emma avait l'habitude de se coller à lui pour se réchauffer. Il l'entourait avec ses bras, l'emprisonnant contre son torse.


Il ferma les yeux en essayant de chasser ces images. Il ne sut quand il arriva à s'endormir, mais ce fut longtemps après.


Il était douze heures quand il sonna. Les deux cadeaux arrivés à temps le matin s'entassaient contre son épaule, emballés par la femme de ménage de Léandre. Ni l'un ni l'autre n'avait su comment plier correctement le papier, alors elle avait eu pitié d'eux. La porte d'entrée s'ouvrit sur une Madden Scott radieuse.


— Simon ! Ravie que tu sois venu !


Elle lui fit la bise et prit les cadeaux pour les poser à l'entrée, à côté de quelques autres. Dans son tailleur bleu, il avait l'impression d'y voir une véritable femme. La fille de l'année passée avec ses robes en dentelle et ses bandeaux dans les cheveux avait disparu. Elle se dressait à présent dans toute sa hauteur, fière et lumineuse. Il remarqua la bague à son doigt mais ne fit aucune remarque à ce propos.


Il entra dans la salle de réception et remarqua que tout le monde était déjà présent. Alexandre buvait un verre de vin avec Raven, Erwin attendait l'arrivée de Madden et Lucas semblait téléphoner. Il avait le téléphone collé à son oreille mais gardait le silence. Emma et William n'étaient pas là, et il se doutait qu'ils viendraient. Erwin l'accueillit par une accolade.


— Merci d'être venu.


— Joyeux anniversaire, fit-il en souriant.


Lucas parut abandonner son appel et le salua de la même manière.


— Alors, elle répond ? s'enquit Erwin alors qu'il passait un bras autour de la taille de Madden.


— Non, grommela Lucas. Ni elle ni William.


Il essayait de les faire venir. Simon souhaita presque qu'ils restent dans leur abri sous-terrain, juste pour se préserver de la vision d'eux ensemble. Raven joignit son petit-ami et inséra sa main dans la sienne, prenant de l'autre son téléphone.


— Laisse ça, ils savent que c'est votre anniversaire. S'ils veulent venir, ils viendront.


Simon se sentait gêné entre les deux couples, alors il recula pour se tourner vers Alexandre. Celui-ci buvait tranquillement son verre de vin, les jambes croisées et le bras posé sur le dossier du canapé. Il choisit de s'asseoir à ses côtés, même s'il sentit que son arrivée était tout sauf bienvenue.


— Qu'est-ce que tu veux Beaulait ?


— Ils nous ont tous les deux planté comme des merdes, je pensais qu'on aurait un point commun à partager.


Alexandre tendit lentement son bras pour poser le verre sur la table. Tous ses gestes reflétaient son goût pour la délicatesse. Il trouva cela stressant.


— Je n'ai rien à partager avec toi.


Il analysa son costume marron, sa chaîne en or et ses cheveux roux. Ses traits étaient durs, sculptés dans de la glace. Il ne doutait pas qu'envers les gens qu'il aimait il se montrait bien plus agréable, mais Simon ne faisait pas partie de ceux qui méritaient sa sympathie.


— On pourrait être amis, non ?


Il échappa un rire moqueur.


— Pourquoi, tu te sens seul ?


— Non, c'est juste que je m'entends bien avec les autres alors j'aimerais te connaitre un peu plus. Maintenant que toute tension a disparu.


Il décroisa ses jambes et se pencha un peu en avant, de sorte que personne ne puisse entendre ce qu'il avait à dire.


— Écoute-moi bien Beaulait. Les personnes qu'il y a derrière toi, je les estime et je les aime parce qu'ils font partie depuis toujours de ma vie. Mais toi ? Juste parce qu'Emma t'a utilisé de bouche-trou pendant quelques mois, tu crois déjà faire partie de notre groupe. Mais en réalité, tu ne sais rien de ce qu'il y a entre nous. Tu ne comprendras pas. Tu ne comprendras sûrement jamais. Alors un conseil : trouve-toi d'autres amis. De préférence des amis qui ne profiteront pas de tes conquêtes pour essayer de les violer.


Puis il se leva, lissa les plis de son pantalon et alla retrouver les autres.


Simon fixa le vide face à lui. Il ne pouvait pas réagir. Sa respiration s'était coupée et il n'arrivait pas à la reprendre. Parce que le pire dans tout ça, c'était qu'il avait raison. Et il était sûrement le seul à pouvoir dire la vérité avec autant de sincérité. Peut-être un peu de rancœur en passant, mais ça restait une constatation même.


Un bouche-trou. C'est ce qu'il avait été.


Il sursauta quand il sentit une main se poser sur son épaule.


— Hey, ça va ? lui demanda doucement Raven.


— Oui, répondit-il un peu trop rapidement.


Elle fixa la place qu'avait occupé Alexandre juste avant.


— Ne donne pas trop d'importance à ce qu'il te dit. Il est devenu aigri depuis que William l'a quitté. Se montrer froid et rejeter les autres, c'est sa manière à lui d'avoir mal.


Soudain, la sonnette retentit. Toutes les conversations s'évanouirent dans le silence. Simon n'eut pas le temps de répondre à Raven, ni même la volonté. Il fixait la porte. Les talons de Madden frappèrent le carrelage et s'éloignèrent dans les couloirs de la villa. Des voix. D'autres paires de talons.


Quelques secondes plus tard, Emma et William apparurent dans l'encadrement. Maquillée. Coiffée. Bien habillée.


Mais les apparences ne trompaient pas. Le mascara n'avait pas réussi à masquer la fissure de son regard.


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