23. Alexandre

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Les trois notes les plus dramatiques de l'histoire de la musique résonnèrent dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes. Un ton grave, terrible qui s'échappait des doigts d'Alexandre. Le silence était tel que la mélodie aurait pu recouvrir la France entière. Le rythme était lent, les accords complexes, larges. Un prélude inspiré d'un rêve : des funérailles, un cercueil. Rachmaninoff se trouvait dans la foule à observer l'enterrement, mais il se sentait approcher, approcher toujours plus du mort. Les notes devinrent plus insistantes et soulevèrent l'obscurité avec elles. Le rythme devint cadencé, telle une chute fatale. Alexandre ne respirait plus, il ne vivait que pour la musique, cet air à la beauté glaçante. Il y déversa tout ce qu'il n'arrivait jamais à exprimer. Son creux dans le cœur ne s'en trouva que plus élargi. Ses doigts s'agitèrent, son buste se pencha en avant comme s'il voulait se confondre au piano et ne faire qu'un avec la musique. Il en oublia le public, les vieux murs de l'édifice, les étoiles suspendues dans le ciel. Les notes tombèrent en cascade, il se sentit tomber avec elles.

Puis les accords terribles de l'apothéose. Rachmaninoff, de trop s'être approché du cercueil se trouvait à présent à l'intérieur. La mort le recouvrait et ses proches observaient son corps ˆetre mis sous terre. Il aurait voulu hurler, leur faire comprendre qu'il était vivant, mais rien n'y fit. Ses membres étaient immobilisés. Il était condamné.

La musique s'évanouit dans la nuit. Le silence se posa de nouveau dans la Cour d'Honneur. Il y eut quelques secondes d'hésitation, puis un tonnerre d'applaudissement envahit l'amphithéâtre. Alexandre n'y fit pas attention. Il fixait encore le piano comme si celui-ci venait de le frapper. Une autre partition l'attendait. Une pièce de Manuel de Falla, beaucoup plus douce et lente. Son cœur frappait ses côtes à un rythme insoutenable, ce serait impossible de la jouer correctement. Les applaudissements continuaient mais il sentit une main se poser sur son épaule.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda son père, l'expression inquiète.

— Rien, fit-il en essuyant le plat de sa main sur son pantalon. Ça va, c'est bon.

— Il faut que tu enchaînes.

— Ouais, je sais.

Des membres du Conservatoire National de Musique étaient présents, il devait se reprendre. Il s'agissait de sa plus grande opportunité. Ses propres émotions ne devaient pas interférer avec la musique.

Il se repositionna sur son tabouret et plaça les partitions suivantes face à lui. Le calme s'installa à nouveau. Alexandre attendit qu'il fût le plus total possible pour commencer.

La mélancolie du morceau l'attrapa. Il ne vit même plus ses doigts bouger, ni même la blancheur des touches.
Son esprit divagua, s'enfuit. Ce fut comme un gouffre noir qui l'enrobait et l'attirait dans le fond. Des rayons du soleil transperçaient ces ténèbres, puis des doigts qui s'effleuraient. Leurs fronts collés, leurs corps s'emboîtant l'un dans l'autre. Il n'y eut rien de net, mais les émotions le submergèrent. Les lèvres de William s'étirèrent et ses pupilles se plissèrent. Son visage était empreint de joie, illuminé de lumière. S'il s'agissait d'un fantôme, Alexandre aurait voulu être mort pour lui tenir à jamais compagnie. Mais le morceau était court et le silence effaça son rêve. Ses mains tremblaient sur le clavier. Il ne sut s'il avait bien joué ou non. Il ne voulait pas savoir.

Le public se leva pour l'applaudir. Alexandre balaya les sièges du regard. Deux étaient vides. Il n'avait pas dit à William qu'il l'avait invité, mais il avait demandé à son père de lui réserver une place. C'était absurde.

Il salua rapidement et se réfugia dans les coulisses. Le personnel de l'organisation qu'il croisa le félicita. Il leur répondit par un sourire poli et continua son chemin. Il trouva le recoin le plus sombre et le plus isolé pour s'arrêter et prendre une inspiration. Il se tint à la paroi et ferma un bref instant les yeux. Leurs doigts entortillés, les rayons du soleil s'infiltrant par la fenêtre, les particules de poussière qui volaient tout autour d'eux. Ses lèvres, son rire, sa malice, le mouvement de sa bouche quand il recrachait la fumée blanche. Alexandre rouvrit les yeux et plongea son regard dans la peinture noire du mur. Il avait le front appuyé contre, la respiration saccadée.

— Alex ?

Il se redressa pour identifier la personne qui venait d'arriver. Au son de la voix, il supposa que c'était un des jumeaux. En effet, Erwin émergea de l'étroit couloir pour le rejoindre dans son recoin.

— Tu fais quoi ? Tout le monde t'attends dehors.

— Je me ressource.

Il esquissa un sourire discret mais Alexandre vit la préoccupation percer son regard.

— Comment j'ai joué la dernière pièce ? demanda-t-il pour combler le silence.

— Merveilleusement bien. Ta mère a pleuré.

— Je pourrais jouer le morceau le plus allègre de Mozart qu'elle pleurerait autant.

Erwin échappa un petit rire. Il continua de le scruter, mais Alexandre se sentait déjà beaucoup plus calme. Ça lui arrivait parfois. Jouer du piano n'était pas seulement appuyer sur des notes. Beaucoup de pièces musicales étaient simples mais requéraient une charge émotionnelle énorme. Retenir en soi toutes ces émotions était parfois difficile.

— Tu as de la chance tu sais, fit enfin Erwin.

— Pourquoi ?

— Avoir un moyen d'expression si puissant. La plupart des gens accumulent jusqu'à exploser. Toi, tu joues. C'est juste... j'aimerais avoir le même talent juste pour pouvoir me libérer de ce qui me pèse.

Alexandre le dévisagea. Il n'avait jamais pensé à ça. Il jouait depuis tellement longtemps qu'il avait appris à vivre avec. Mais parviendrait-il à gérer autant ses émotions s'il n'avait pas la possibilité de les exprimer par la musique ?

— Je suppose que j'ai de la chance, en effet.

— Bon allez, on va te croire mort.

Erwin le mena dans la salle de réception du Palais. Des plateaux en argent remplis de mets étaient posés à côté des tapisseries anciennes. Des petits groupes d'adultes s'étaient formés et discutaient activement. Dès qu'il apparut, sa mère se jeta sur lui telle une lionne enragée.

— Où étais-tu passé ? Les représentants du Conservatoire veulent te voir.

— Oui oui, j'arrive, fit-il avec agacement.

Une chose qu'il détestait, c'était qu'on l'étouffe. Erwin hésita entre le suivre et rejoindre leur groupe, mais Alexandre lui fit signe d'aller avec lui. S'ils lui annonçaient un refus, il aurait un ami en guise d'appui. Entrer au Conservatoire National signifiait faire de la musique sa vocation. Et il le voulait. Il le voulait vraiment. Les deux représentants l'accueillirent avec un sourire bienveillant. Alexandre leur tendit la main pour se présenter, puis Erwin fit de même, se déclarant comme son ami.

— Votre interprétation était merveilleuse, déclara le dénommé Mr Lander. Vous êtes un véritable prodige Mr Voseire. Depuis combien de temps jouez-vous ?

— Mes cinq ans.

— Et qui vous a appris ? demanda la femme.

— Mon grand-père. C'était un ancien pianiste.

— Et avez-vous pris des cours ?

— Non.

Les deux semblaient surpris. Pourquoi prendre des cours quand un virtuose du piano faisait partie de sa famille ?

— Vous avoir dans notre Conservatoire serait un honneur, déclara Mr Lander.

Une vague de soulagement le traversa. Il avait réussi. Il l'avait fait.

— Merci, dit-il joyeusement. Merci beaucoup.

— Nous devrons en parler avec plus de détail bien évidemment, ajouta la femme. Mais nous vous faisons part de notre décision afin que vous puissiez la partager avec vos proches.

Elle dévia son regard sur Erwin qui arborait un immense sourire. Alexandre les remercia une nouvelle fois, puis, une fois qu'il fut assez loin, céda à l'accolade de son ami.

— Bien joué. Je suis fier de toi.

Ses parents le rejoignirent aussitôt et Erwin se chargea de leur annoncer la nouvelle. Sa mère l'étrangla dans un câlin mais Alexandre préféra savourer la fierté dans les yeux de son père.

— Mais pour Memphis, commença-t-il, je...

— On verra ça plus tard, le coupa son père. Profite de ta soirée.

Erwin le poussa vers leur groupe d'amis. Il y eut tellement de sourires, de félicitations et de joie qu'Alexandre se sentit un peu perdu. Il n'avait pas l'habitude d'être le centre de l'attention, mais pour une fois... ça faisait du bien. Il grava ce moment dans sa mémoire et se promit de ne jamais l'oublier. Alors que Lucas racontait comment il avait failli abattre son poing dans la face de son voisin de droite pendant le concert, un homme s'approcha d'eux. Alexandre se retourna au dernier moment pour reconnaître Mr Korel, leur professeur d'économie. La surprise l'empêcha un court instant de parler. Madden, à côté, ouvrit grand les yeux.

— Monsieur, le salua-t-il. Je ne savais pas que vous étiez présent.

Lucas s'arrêta de parler. Tout le monde fixait le professeur qui souriait de toutes ses dents.

— J'aime beaucoup découvrir les talents cachés de mes élèves. Votre concert était passionnant. Je n'ai jamais été autant absorbé par un morceau de musique classique.

— Merci, dit-il avec une once de méfiance.

Ses yeux se posèrent sur l'appareil photo qui pendait à son épaule.

— Vous faisiez partie des photographes ? demanda-t-il.

— Oh non, j'aime juste photographier des événements auxquels j'assiste. Ma manière à moi de ne rien oublier.

— Je ne crois pas que ce soit autorisé.

— Ah non ?

Il semblait embarrassé, mais Alexandre avait l'impression que sa réaction était fausse. Qu'il savait. Mais qu'il avait fait exprès. Il se souvint des clichés d'Emma pris. Il ne les avait jamais vu, mais Erwin lui avait raconté. C'était peut-être bête vu ainsi... cependant, il avait appris à faire confiance à son instinct.

Madden semblait songer à la même chose. Elle s'approcha et posa une main sur son bras.

— Merci pour votre présence, professeur. Maintenant, si vous voulez bien...

— Vous êtes fiancée Mlle Scott ?

Il fixait sa bague de fiançailles. Erwin se tendit derrière lui. Korel se mêlait de ce qui ne le concernait pas. Et ça gênait Alexandre. Grandement.

— Oui, se força-t-elle à répondre.

— J'espère que vos fiançailles ne se termineront pas comme celles des amis de votre père. Vous connaissez la rumeur : les mariages ont mauvaise réputation sur le sol du Flamboyant.

— Il n'existe aucune rumeur de ce genre, déclara froidement Alexandre.

Puis, tout à coup, il se souvint. Une photo qu'il avait trouvé petit, dans le bureau de son père. Un simple hasard. Une fille qui se tenait à côté de Rovel, les cheveux bruns et un sourire innocent. La photo avait été prise devant les terrains encore vides du complexe. Il recula comme si l'enseignant l'avait physiquement blessé. Le regard que lui offrit Korel fut terrifiant. Il lui sourit. L'appareil photo, la remarque sur les fiançailles, son discours sur la vérité qu'il avait donné des semaines auparavant. Il manquait d'air.

— Excusez-moi, souffla-t-il avant de partir à grands pas.

Il essaya de ne pas bousculer les invités, traversa les couloirs du Palais et sortit à l'air libre. Son rythme de marche fut assez rapide pour que personne n'essaie de le rattraper. Il démarra sa voiture au quart de tour et prit la route pour se rendre chez lui. Son téléphone sonna mais il laissa passer l'appel. C'était Erwin. Il lui répondrait après.

Il tapa le code pour entrer dans sa résidence. Sa voiture fut délaissée en vrac sur l'allée de pierres rouges. Il monta à grande vitesse les escaliers menant au bureau de son père. Les tableaux de ses ancêtres le dévisageaient. Une fois dans le bureau, il se précipita vers les tiroirs du grand meuble et les tira tous, un par un, jusqu'à trouver ce qu'il cherchait. Un album photo.

Les années fondatrices, 1980-1999.

Des pages et des pages de clichés des quatre familles fondatrices. Sur toutes, ils apparaissaient grandioses, souriants, fiers. Scott dans son style américain, Layne gorgé d'orgueil, Rovel avec ses cheveux blonds et sa peau pâle puis son père, droit et noble dans son costume. Leurs femmes qui apparaissaient peu à peu, Catherine Layne toujours aussi discrète, Adélaïde avec sa joie débordante. Alice Layne, la sœur de Charles, son sourire sauvage et sa silhouette mince. Ils étaient tous là. Oui, tous. Jusqu'à la personne qu'ils avaient tenté de cacher.

Il trouva la photo qu'il cherchait. La seule et unique où cette fille apparaissait, collée au torse de Philippe. On les avait photographié là où aujourd'hui se dressait l'hôtel. Alexandre retira la photo de sa pochette transparente et la retourna.

Lana et Philippe - 1995

Lana. Il essaya de chercher dans les profondeurs de son esprit pour trouver le nom qui lui correspondait. L'hôtel. Lana. Philippe et Lana. 1995. L'année d'après, il y avait eu un meurtre à Memphis. Alexandre l'avait découvert durant sa première année. Comment était le nom de la victime déjà ? Lana ? Lana, Lana…

— Duvois, échappa-t-il à voix haute.

Lana Duvois était morte en 1995 à Memphis. Il observa de nouveau la photo. Jamais il n'avait fait le lien. Et pourtant, c'était si évident. Les pages de l'album claquèrent entre elles quand il le referma. Il prit la photo avec lui et remonta dans sa voiture après avoir verrouillé la villa. Les phares illuminèrent la route abandonnée qu'il emprunta. Le goudron s'était craquelé à plusieurs endroits. Le portail qui signait l'entrée de la résidence était tordu, ouvert par des forcenés. Il se gara face à l'édifice abandonné.

C'était l'endroit où ils avaient l'habitude de fêter Halloween gamins. Jamais ils n'avaient osé entrer à l'intérieur, mais la cour extérieure leur offrait un beau décor pour une soirée de frissons. Alexandre se servit de son téléphone comme lampe de poche et éclaira le chemin jusqu'à la porte d'entrée. Depuis le temps, elle avait été déjà forcée. Il la poussa. Le bois grinça.

Toute sorte de matériel gisait au sol. Des morceaux de tapisserie recouverts de champignons noirs, des poutres de bois. Le toit était perforé d'un énorme trou. On y apercevait les chambres de l'étage. Il fit attention où mettre les pieds et avança lentement. La lampe de son téléphone survola la salle à manger. Un détail le frappa. Il y avait une large trace sombre sur le rideau. C'était un tissu à moitié rongé par les mites, lourd de crasse, mais cette trace n'avait rien avoir avec le passage du temps. Il s'approcha et le toucha.

Face au doute, il le souleva pour contempler la paroi.

Une immense trace de sang. Des éclaboussures qui avaient pris une teintes marrons au fur et à mesure des années. Il sentit un long frisson parcourir sa colonne vertébrale. La mort planait au-dessus de cette maison. Tous les gamins d'Avignon disaient que cet endroit était hanté, mais personne ne savait vraiment pourquoi.

Maintenant, il comprenait.

Il s'écarta et détourna le regard. Les ténèbres qui occupaient tous les recoins semblaient tout à coup beaucoup plus menaçants. Il se pressa de s'engouffrer dans le couloir pour analyser l'espace. Le plancher grinça sous ses pieds. Des débris jonchaient partout le sol et une odeur affreuse d'humidité le faisait grimacer. Alexandre perçut la présence de lumière dans une pièce du fond. Il s'avança, le cœur bombant à toute vitesse dans sa poitrine.

C'était une bougie. Qui brûlait.

Il fit volte-face, craignant de rencontrer quelqu'un. Une personne était passée ici récemment avant lui. Cette pensée lui donna envie de courir jusqu'à sa voiture pour repartir le plus vite possible, mais il parvint à se contrôler. Pour la simple et bonne raison qu'il y avait une pochette à côté de cette bougie.

Tout était en place pour qu'il y jette un coup d'œil.

Il se rendit compte que c'était voulu. On avait planifié sa venue. Cette bougie brûlait pour lui. Il posa son téléphone sur le bureau et tendit sa main vers la pochette. Il l'ouvrit rapidement, dans sa hâte d'en finir au plus vite. Et ce qu'il découvrit à l'intérieur le glaça.

Leurs photos. Lui, Erwin, Madden, Lucas, Louise, Diego et Thimothée. Les enfants des fondateurs, les héritiers du Flamboyant. Puis les deux derniers. Sasha et Emma.

Tous les deux barrés d'une croix rouge.

Il y avait d'autres choses, des documents. Un article de journal découpé. Meurtre à l'école internationale de Memphis. Une photo du Mur, le Mur actuel, non pas avec des noms peints dessus mais du sang. Le même genre de trace que dans la salle à manger. D'autres articles de journal n'annonçant que la défaite d'une enquête. Le meurtrier qui n'avait jamais été retrouvé. L'assassinat d'une jeune fille jamais vengé. Puis il y avait des documents officiels. Des signatures. L'achat des terres des Duvois par le Flamboyant. La signature de Charles Layne. Ces terres sur lesquelles s'élevaient aujourd'hui les magnifiques suites du complexe.

Enfin, il y eut une dernière photo. Et Alexandre se sentit mourir.

A côté de Lana, il y avait Mr Korel. Mais il supposait que son nom n'était pas Korel. C'était Duvois. La ressemblance était plus qu'évidente.

Il s'empara de son téléphone et appuya sur le contact d'Emma. Les bip s'enchaînèrent à une vitesse désagréable.

— Réponds, réponds, grinça-t-il.

Il avait encore dans la main sa photo. Une croix. Comme son frère. Il voulait s'assurer qu'elle était encore vivante, il voulait entendre sa voix, ne pas perdre de nouveau quelqu'un de proche. Il lui pardonnerait toutes ses fautes, il se le promit. Pourvu que personne ne lui ait tiré dessus avant.

Il put enfin respirer quand elle décrocha.

— Je suis désolée, dit-elle aussitôt, je n'ai pas pu venir à cause de...

— C'est bon, ça va, lâcha-t-il précipitamment. Est-ce que ça va ? Où est-ce que tu es ?

Un bref silence suivit sa question. Il n'arrivait pas à décrocher la photo du regard. Cette croix. Comme s'il s'agissait d'une simple proie à éliminer.

— Qu'est-ce qui se passe ? répondit-elle finalement.

— Je viens de mettre la main sur quelque chose. Il faut absolument que tu restes dans un endroit où tu es en sécurité et que tu dises tout ce que je m'apprête à te raconter à l'inspecteur de police. Compris ?

— Alex...

— S'il te plaît. Pour une fois, fais ce que je te dis.

Comme elle ne fit aucune nouvelle opposition, il reprit :

— Lana Duvois a été assassinée à Memphis le 13 mai 1996. L'assassin n'a jamais été retrouvé. Elle était fiancée à ton père et leur mariage permettait au Flamboyant de possédait des terres pour construire l'hôtel. C'était sûrement un accord que les deux familles ont passé, un mariage contre des terres. Ça permettait aussi à Lana de garder le contrôle sur ses propres parcelles. C'est quand même Charles qui a signé et qui a acheté les terres, je ne sais pas vraiment pourquoi. Quelque chose dans leur accord a dû changer. Une année après, elle est morte. Et est-ce que tu te souviens de la première fois où les noms apparaissent sur le Mur ?

— En 1997, souffla-t-elle.

— Exactement. C'est le même Mur qui a été taché de son propre sang. Sa famille a disparu du jour au lendemain.

Il observa l'article le journal qui détaillait le soudain abandon de la résidence Duvois et la mystérieuse disparition de la famille.

— Sauf un, continua-t-il. Son frère qui est toujours en vie.

— Qui c'est ?

— Korel.

Un nouveau silence.

— Emma, cet homme veut venger sa sœur. Il y a toutes nos photos. Tous les héritiers du Flamboyant, j'ai même tes frères sous mon nez. Et il y en a deux de barrés. Sasha.

Il déglutit difficilement. Sa gorge était sèche.

— Et toi.

— Moi ?

Sa voix commençait à vriller.

— C'est pour ça que je te dis de rester là où tu es le plus en sécurité. Où est-ce que tu te trouves ?

— Chez Liam.

— Il y a quelqu'un avec toi ?

— William est en haut, son cousin est dans le sous-sol avec d'autres gars.

— Bien. Appelle l'inspecteur, raconte-lui tout. Dis-leur que l'homme qui te traque depuis le début est professeur à Memphis, ils le retrouveront et tu ne risqueras plus rien. Je suis quasiment persuadé que c'est lui qui a mis en place toute cette tradition du Mur. Il voulait attendre notre arrivée pour passer à l'action.

— Ok, je... je le ferai.

Elle était trop hésitante.

— Promet moi que tu le feras vraiment. Ou passe-moi directement le numéro de ton inspecteur.

— Non, non, c'est bon. Je vais le faire.

Puis elle raccrocha. Alexandre fixa l'écran de son téléphone avec les sourcils froncés. Il aurait voulu croire qu'elle avait coupé le fil rapidement pour pouvoir appeler l'inspecteur. Mais il la connaissait trop bien. Elle n'avait pratiquement pas parlé, alors que la panique la faisait dire tout ce qui lui passait par l'esprit. Quelque chose clochait. Il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas ça du tout.

Il rangea tout dans la pochette. Les articles de journal, les photos, les documents. Tout ce qui s'était enfoui dans le passé, tout ce qu'on avait essayé de cacher. Il n'avait pas encore tous les morceaux de l'histoire, mais ça ne tarderait pas à surgir. Pour l'instant, la priorité était Emma. Il avait beau garder de la rancœur à son encontre, il avait passé toute son enfance à ses côtés. Il n'avait jamais souhaité sa mort. Jamais.

La flamme vacilla. Au moment où il se rendit compte qu'il ne restait plus de cire, la bougie s'éteignit.

Ce fut le noir complet.

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