Chapitre 14 : Le secret de Saint-Hilaire

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 Sur le chemin du retour, nous passons devant le petit village de Saint-Hilaire-La-Croix. L'endroit où nous avions une maison dite de campagne. Mais ça n'y ressemblait en rien. Il s'agissait plutôt d'un entrepôt pour tout le bazar qui ne rentrait pas dans notre garage.

 Après son décés, ma grand-mère nous a laissé, en plus de notre chagrin, un tas de dettes. Adieu les projets pour la maison-entrepôt. Mon père a signé la vente pour rembourser les crédits et nous avons débarassé tout ce fourbis.
À l'intérieur logeait tout de même quelques trésors : des têtes à coiffer, des jeux vintage et des livres par centaine.

 Et en y repensant, un souvenir me revient. Pas si lointain.

 Celui de ma soeur Nathalie qui deux ans et demi auparant, était revenu habitait avec nous, suite à une rupture avec son copain. 2

 La mort de notre frére l'avait pas mal amochée. Elle était tout de même sa vraie soeur, sa grande soeur. Ils ont grandi ensemble, partageant leur enfance et leur adolescence, entourés de la même bande de copains. Alors, après son chagrin d'amour, elle avait naturellement prit la chambre en face de la mienne — celle de Sébastien. À ma grande chance, elle n'est pas venue les mains vides ! À son bras : Nosfé, son adorable labrador, devenu le temps de quelques mois, mon chien.

 Je crois que c'est à partir de ce moment là qu'on est vraiment devenues soeur. Qu'on a commencé à se parler pour de vrai, à se comprendre.

 C’est à cette époque, au détour d’une discussion sur notre grand-mère, qu’elle m’a révélé quelque chose d’étonnant : le nom de mon grand-père serait inscrit dans un vieux livre de cuisine appartenant à notre grand-mère — plutôt bizarre comme cachette.
Un livre qui, à l’époque, se trouvait à Saint-Hilaire-La-Croix.

Bon sang… j’ai une piste !
Où est passé ce fichu livre ?

 Puis... un flashback : celui de la Gaby.

 Punaise, l'endorphine me fait retrouver la mémoire. Je devrais courir avant les cours, ça m'aiderait.

 Gaby, de son prénom Gabrielle, c’est la cousine un peu à part de ma grand-mère. Ce n’est pas méchant, mais il se dit qu’elle est "simplette". En vérité, personne ne sait vraiment ce qu’elle a. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’est pas très dégourdie.

 En plus de cela, un phyique ingrat : un oeil paresseux, des rides tel un Shar-Pei, un dos courbé et une bouche sans dents. Si je ne la connaissais pas depuis l'enfance, je pense qu'elle me ferait peur. Surtout la nuit, quand j'apercevais son ombre dans la pénombre de notre chambrée. " Vieille avant l'heure ", se moquait Mémé Marie à son sujet. En attendant, c'est elle qui est partie la première...

 À soixante ans, plus personne ne voulait s’occuper d’elle. Alors ma grand-mère l’a prise chez elle, et la Gaby a vécu avec elle jusqu’à son décès. Après ça, elle est venue vivre chez nous. Sa pension a permis de rembourser une partie des dettes laissées par ma mémé. On s’occupait d’elle, et elle nous le rendait. Échange de bons procédés en quelque sorte.

 Sauf qu’elle a atterri dans ma chambre… et elle ronflait comme pas possible. Il lui arrivait même de se faire dessus, sur la moquette et l'odeur restée pendant des jours. Malgré tout, elle était gentille. Mais dans le dos de mes parents, elle fouillait les placards et descendait les bouteilles d’alcool.
Je ne compte plus les fois où nous l’avons retrouvée paumée en ville, ou même en sang, étalée par terre. Et ça foutait une sacrée honte à mon père, lui qui voulait paraître parfait aux yeux des voisins — moi, ça me faisait marrer.

 Après la mort de Sébastien, je crois que mon père n’a plus eu d'intérêt à la garder. Les dettes étaient réglées, alors il l’a placée en maison de retraite.

 Aujourd'hui, nous allons la voir une fois par mois. Enfin… mes parents y vont. Moi, je déserte un peu. Elle commence à perdre la tête, et je n’aime pas voir ça.

 Ce qui est étrange, c’est qu’elle ne se souvient que de moi. Et quand j’y pense, c’est peut-être la dernière personne encore en vie qui a vraiment connu ma grand-mère. Peut-être qu’elle sait quelque chose…

 Subitement, après un trajet des plus silencieux, je demande à mon père :

 — Quand est-ce-que vous allez voir la Gaby ?

 — Ça t’intéresse d’y aller maintenant ? Je sais pas… peut-être dans deux semaines, répond-il sans trop d’enthousiasme.

 — OK, je viens avec vous !

 — Si ça te chante.

 Quel humeur de chien ! Même après avoir couru il est toujours aussi...glacial.

 Arrivée à la maison, je le laisse monsieur grognon et file me laver — toujours dans un bain brûlant qui me crame littéralement la peau. J'adore ! Puis je file retrouver mon seul véritable ami, celui qui ne m'a jamais trahi : mon journal.

Samedi 6 novembre

Mon cher journal,

Je ne sais plus où donner de la tête. OK je parle comme une vieille, mais ça n'a jamais été aussi vrai. Andréa qui me trahit. La lettre de ma grand-mère. Un grand-père sorti de nulle part. Une piste à creuser. Des parents qui se détestent. Et Sabrina… qui devient cool. Trop de choses d’un coup. Franchement, je suis submergée et je t'avoue que la course d'aujourd'hui m'a fait un bien fou. Depuis le bowling, je n'ai pas revu Andréa...Mais lundi je ne pourrais pas y louper. Elle sera sûrement revenue. Et tu vas me prendre pour une folle : j'ai décidé de lui pardonner. Oui, je sais et je te vois venir : je suis bête. Mais pas tellement. Voici ma théorie : si je continue à lui en vouloir et ne plus lui parler, Thomas va finir par se rendre compte de quelque chose. Ça me tuerait qu'il l'apprenne. Alors j'ai décidé d'utiliser le prétexte de ce qu'il se passe à la maison, de mes parents quoi — faut bien qu'ils servent à quelque chose — pour lui dire que je n'ai pas eu la tête à la rappeler et que je n'ai pas le temps de penser aux garçons. Face à cela, je ne pense pas qu'Andréa pipe mot. Bien fait ! Je mens OK, mais elle m'a trahit aussi ! Ma mère n'a peut-être pas tort quand elle dit que je suis une peste...

 Je glisse mon marque-page dans mon journal, jette un regard à la photo de ma grand-mère et l’embrasse, comme à mon habitude. Il est onze heures. Je sais déjà ce que je vais faire ce week-end : rendre visite à ma sœur Nathalie et à son copain, celui avec qui elle a finalement recollé les morceaux. Parfois, les choses finissent bien.

 Je saisis mon téléphone et tape un texto à la va-vite :

Moi : j'peux venir chez vous ce we ?

J'attends ce qui me semble une éternité.

Nathalie : OK, mais ce week-end c'est fiesta avec les copains !

 Autrement dit, il n’y aura pas que de l’eau, et je risque de tomber sur des choses que je ne suis pas censée voir. Mais peu importe. À ce stade, plus rien ne me choque. Ce qui compte, c’est de mettre la main sur ce satané livre.

Moi : je demande à papa s'il peut m'emmener et j'arrive !

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