Chapitre 17 : La boîte Massily a parlé

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Dimanche 14 novembre : le jour J !

 Ma visite chez les vieux ! Je me lève un peu plus tôt que d'habitude, prête à découvrir... quoi au juste ? J'attends ça avec impatience, alors que la Gaby perd la boule ! Elle risque de ne peut-être rien me révéler du tout et ce sera chou blan.
Enfin, ça me fera tout de même plaisir de la voir.

 Ce matin, je profite de la chambre déserte des parents, pour me connecter sur MSN. Depuis que Thomas et moi sommes "amis", je me connecte plus que de raison. Mon père en grince des dents. Qu'est-ce qu'il paraît ridicule avec cette tête !

 Belle surprise : il est connecté !

 J'attends qu'il vienne me parler... N'oublions pas : le premier pas ? Très peu pour moi. Deux, trois... dix minutes plus tard. Bon sang ! Il fout quoi ! D'en bas, ma mère commence à me presser pour partir.

xX_ThomXx — [ A.N.D.R.E.A :((( ] dit :
Coucou toOooa !

Oula c'est quoi ce statut de dépressif !

Marie dit :
Salut :)

xX_ThomXx — [ A.N.D.R.E.A :((( ] dit :

T'as des nouvelles d'Andréa ? On s'est prit la tête sévère, j'suis triste... Tu peux essayer d'arranger le truc ?

Comme d'habitude : la bonne copine qui arrange les coups...

Marie dit :
Je dois partir, mais j'appelle Andréa dans l'après-midi. Tkt ça va s'arranger.

xX_ThomXx — [ A.N.D.R.E.A :((( ] dit :

Oh merci ma p'tite Marie, t'es trop chOoOu. Je t'appelle ce soir.

 Je me déconnecte. Je suis blasée, mais d'un autre côté c'est moi qui ai accepté cette situation : celle de la bonne copine pour toujours être à ses côtés. C'est déjà ça. Je ne peux pas espérer mieux avec cette tête-là.

 La maison de retraite, c'est pas la porte à côté. Trente minutes de trajet à cogiter sur comment aborder le sujet avec ma vieille cousine qui déclafte de la cafetière — déjà qu’à la base, c’était pas fameux…

 Ma mère et moi emptuntons un petit chemin bordé de fleurs menant à une porte double battant vitrée. Le hall d'entrée est grand et accueille de nombreuses plantes en tout genre. Plus loin, nous pouvons déjà apercevoir quelques résidents assis ici et là, sur des fauteuils confortables. Nous commençons à avancer et une odeur d'eau de cologne s'invite dans mes narines. Ce n'est pas désagréable, bien moins que l'hôpital, mais ça y ressemble tout de même. Nous longeons un long couloir et arrivons à sa chambre, la numéro 32. Ma mère frappe trois coups : toc, toc, toc.

Pas un mot, mais un son — un souffle rauque, hésitant :

— Hhhhnn...

Ça promet !

 Nous entrons et je la vois : la Gaby. Assise sur un fauteuil roulant, l'oeil droit complétement fermé, la bouche entrouverte, une langue qui pend à moitié : ma Gaby a bien vieillie... Quel choc ! La dernière fois que je l'ai laissé, elle marchait, avec une canne certes, mais elle tenait debout. Là, ce n'est plus que l'ombre d'elle même. J'ai du mal à croire qu'elle puisse encore parlementer. La voir comme ça me donne mal au ventre. Je culpabilise. Culpabilise d'être venue par intérêt et de l'avoir délaissé tout ce temps.

 Heureusement pour moi, ma mère comble le vide en tapant la causette. En face d'elle, il n'y a quasiment pas de répondant, si ce n'est des sons lansinants. Ça me fout encore plus le cafard, car je sais que je ne pourrais lui poser aucune question.

 Sa chambre, enfin son logis, n'est pas si mal, il y a : une kitchinette, un semblant de salon avec une fenêtre et une porte entrouverte qui dissumule une salle d'eau. La décoration est plus que banal — ça ressemble à une chambre d'hôtel en presque moins bien.

 Et puis du coin de son oeil gauche, je sens qu'elle me scrupte. Je la regarde à mon tour, elle me sourit comme une enfant. Je lui retourne.

Comme une évidence, je le sens : elle m'a reconnu. Dans ce regard, je ressens toutes ces années que nous avons vécues ensemble, et celles qu’elle a partagé avec ma grand-mère, dix ans plus tôt. Je ne saurais le dire avec des mots, mais je sais qu’elle comprend pourquoi je suis là. Sans un son, elle roule difficilement jusqu'à son placard à portes coulissantes et en sort une boîte métallique au décor Breton. Elle me l'apporte et la pousse vers moi pour dire, je pense : c'est à toi. Je la prends, elle est lourde et je lui dis merci. Après ça, j'ai comme l'impression que son oeil gauche est humide.

 Plus tard dans la matinée, j'ai troqué la boîte métallique contre une promenade au parc de l'Ehpad avec ma mère et Gaby. C'est même moi qui est poussé le fauteuil. Puis nous avons laissé la Gaby retrouver le réfectoire pour le déjeuner. J'ai repris la boîte et nous sommes parties.

Plus tard dans la journée

Mon cher journal,

Tu ne vas pas le croire. Ma grand-mère était mariée bien avant la naissance de mon père — en 1948, alors que lui est né en 1955 ! Si c’est une découverte, elle complique sérieusement ma tâche. Je ne comprends plus rien. Elle était mariée à un certain Pierre Bony, et leur union n’a duré que six mois ! Aujourd’hui, ce serait déjà mal vu, alors à l’époque, j’imagine même pas…

Une chose est sûre : ce n’était ni le fameux "Husson", ni le dénommé "Hanoteau". Mais punaise, combien y en a eu ? Je suis complètement paumée. Et puis, ce "Pierre", franchement… pas jojo. Des lunettes en cul de bouteille, un sourire niais. Finalement, je comprends mieux le divorce.

Mais ce n’est pas la seule trouvaille. Et celle-là m’a encore plus laissée perplexe. J’ai mis la main sur une vieille photo de mon père, allongé sur un lit d’hôpital. Au dos, une annotation : Patrick, alité – 1963. Aucun doute, c’est l’écriture de ma grand-mère. Mais… c’est quoi ce bordel ? Mon père a été malade ? Pourquoi personne n’en a jamais parlé ?

Autant te dire que la boîte que Gaby m’a donnée aujourd’hui est un vrai coffre aux trésors. Mais ces deux photos-là… ce sont clairement celles qui m’ont le plus secouée.

Cependant, plus j'avance dans ma quête, plus je m'y perds.

Toujours plus tard dans la journée

Re cher journal,

Cet après-midi, j’ai appelé Andrea. Elle était brouillée avec Thomas… pour une raison franchement ridicule : il a oublié de lui envoyer un message de "bonjour" ce matin. Mon Dieu, c’est tellement pathétique. Enfin bon, j’ai essayé de lui dire que ce n’était pas si grave. Elle a râlé pendant dix bonnes minutes, puis s’est calmée. Depuis qu’elle a ses règles, elle part en vrille pour un rien ! Moi, je ne les ai toujours pas — je suis la seule de mes copines d’ailleurs — et je me demande bien ce que ça chamboule dans la tête.

Après mon coup de fil avec Andie, j’ai appelé Thomas. Et là, accroche-toi : plus de deux heures au téléphone. Je n’ai jamais aussi bien parlé avec un garçon. On est plus proches que jamais. Ma situation ? Le cul entre deux chaises. Pas franchement confortable…

Je file me coucher. Demain, école. La barbe.

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