Prologue
Quelle horreur !
Ce fichu miroir de salle de bain est tout sauf complaisant. Avec cette lumière juste au dessus de mon crâne, je les vois : ces longs filaments blancs. Désormais, je ne peux même plus les compter, ils sont bien trop nombreux. J'ai pu y échapper jusque-là, mais à trente-quatre ans je ne vais pas y louper. Lors de notre prochain rendez-vous, j'entends déjà mon coiffeur dire : " Là, il n’y a plus d’option, je vais devoir recouvrir tous ces cheveux blancs. "
Je soupire, m'éloigne de mon reflet et regagne ma chambre. Assise sur le lit, je fais face à ma commode, là où sont posées quelques photos : nos mains l'une sur l'autre, eux riant aux éclats et elle, mon miracle. Je ferme les yeux en me disant que la vie m'a finalement emmené au bon endroit.
Ma rêverie est de courte durée avec la réception d'un sms : c'est mon père. Il arrive dans vingt minutes. Le temps pour moi de finir de me préparer et de dissimuler les quelques traces du temps qui passe.
Vingt minutes plus tard, pas une de plus : il est là. Assis en face de moi, un café froid à la main gauche. Nous sommes à un mètre de distance et même là, il ne me regarde pas dans les yeux. Voûté, un peu maladroit, il me raconte ses vacances. Il me parle d'endroits que je ne connais pas, je l'écoute mais pense à la fois à ce que je m'appréte à lui dire.
Un silence.
C'est à moi.
— J'écris un livre.
Nouveau silence.
— C'est une histoire sur ma vie. Sur nous. Sur toi.
— Ah ! me dit-il, tout en levant le menton.
— Je ne l'ai pas encore terminé. Tout ce que je peux te dire, c'est que je ne suis pas tendre avec toi. C'est MA - j'accentue - vérité. Je veux simplement que tu saches que cela m'a aidé à te comprendre. Cette quête que j'ai mené c'était peut-être pour nous rapprocher.
Il ne dit rien comme à chaque fois qu'il est gêné et intérieurement, je le plains de ne pas pouvoir s'exprimer. Moi, j'y suis arrivée grâce à l'écriture. Pour lui, il est désormais trop tard.
Il se racle la gorge, avale une gorgée de café et commence :
— Tu sais ça n'a pas été facile pour moi...
À cet instant précis, je me tais car je sais que mon père va me raconter sa vérité.
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