Chapitre 21 : En voiture Simone !

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 Les voitures… Comment dire… S’il y a bien un domaine qui ne m’intéresse guère, c’est bien celui-là. Contrairement à une bonne majorité de personnes que je connais — Audrey en tête. Cet engouement qu’ils ont à parler de tas de ferraille, j’avoue ne pas comprendre. Pour moi, une voiture n’est qu’un moyen de passer du point A au point B. La couleur, la taille, la forme ? Qu’est-ce que ça peut bien me faire ! Mais après tout, chacun ses goûts.

 Pourtant, j’ai une fascination pour les 4x4. Pourquoi ? Je ne saurais dire. Peut-être à cause de mes innombrables visionnages de Jurassic Park, ou d'un goût certain pour l’aventure ! Alors, quand Mimi décide de prendre sa Jeep Cherokee pour partir à la recherche de ce Pradier, j’avoue ressentir une certaine excitation.

 Mimi porte un imperméable kaki et un jean Levi’s. Derrière le volant, j’entends son souffle irrégulier et ressens une tension sourde. Elle tourne la clé, le moteur rugit. Entraînée par ce bruit féroce, elle pose ses mains à 10h10, pas une minute de plus.

— C’est parti mon Kiki !

 La voiture s’élance et je suis violemment projetée au fond de mon siège. Mimi est aussi bonne conductrice que je suis une piètre copilote. Une vraie équipe de choc !

 La carte en main, nous avons surligné le trajet à suivre. C’est à trois rues de chez Mimi, je crois qu’on va s’en sortir.

 Nous empruntons la rue à gauche. Un premier feu. Toujours tout droit. Nous passons sous un petit pont. Mimi klaxonne pour prévenir les voitures d’en face, et nous voilà à côté d’une immense zone laissée totalement à l’abandon.

 Je ne sais pourquoi, mais cet endroit m’a toujours fascinée. À l’intérieur, d’immenses bâtiments d’un autre temps, fatigués par les années. Tout autour, une végétation qui a repris ses droits, s’échappant même par les hautes fenêtres. En y regardant de plus près, je distingue quelques graffitis. Ce qui signifie que certains courageux — ou hors-la-loi — ont réussi à franchir les murs de barbelés et l’imposant portail orné de pointes dangereuses.

 Je les envie presque. Et je me promets d’en parler aux filles… Nous qui adorons avoir peur, une petite visite nocturne pourrait bien s’envisager.

— C’est une ancienne zone militaire ! m’informe Mimi en me jetant un regard.

Nous prenons à droite et nous retrouvons au mileu d'immeubles à quatre étages. Puis elle ajoute :

— Apparemment, ta grand-mère Marie a habité ici. Avec sa sœur et ses parents. Ce sont les cités SNCF. Ton arrière-grand-père travaillait en tant que… .

 Heureusement que Mimi est là pour me faire un cours d’histoire sur ma propre famille…

 La voiture s’engage à gauche, comme indiqué sur le plan. Nous faisons à peine cent mètres et nous voilà sur un parking des plus banals, devant… une concession automobile.

 Nous nous regardons, surprises, et restons stoïques quelques instants.

— Bon… on rentre, non ? On n’est pas venues pour rien ! me dit-elle.

— Euh… oui, allons-y Mimi !

 Côte à côte, nous franchissons les portes automatiques et pénétrons dans le magasin. De grosses voitures flambant neuves trônent dans l’espace. Nous avançons timidement. Tout ici respire la modernité. Aucune trace d’un ancien temps, et surtout pas d’appareils électroménagers.

 Soudain, je me demande si je ne me suis pas trompée d’endroit. Vu ma capacité à me perdre, ce ne serait pas étonnant.

— Bonjour Mesdames, que puis-je faire pour vous ? demande un homme mince qui s’avance droit sur nous.

— Ah… Bonjour Monsieur, commence Mimi. Pourrions-nous voir quelqu’un de la direction ? Nous souhaiterions obtenir des informations concernant l’entreprise qui se trouvait ici avant cette concession.

 Le commercial — à ce que j’en lis sur l’étiquette accrochée à sa chemise — semble surpris, puis nous invite à le suivre. Ce que nous faisons.

— Veuillez patienter ici, s’il vous plaît.

 Nous nous retrouvons derrière un guichet. L’odeur du pneu neuf me chatouille les narines. L’homme franchit une porte vitrée. Quelques minutes plus tard, il revient, accompagné d’un homme imposant.

 Avec un ventre prédominant, ce dernier s’avance vers nous et tend une main généreuse à Mimi. Elle la saisit, puis il commence :

— Monsieur Salinski, Directeur, pour servir vous !

Wow. Un accent russe à couper au couteau. Va falloir que je me concentre pour suivre la conversation.

— Mireille Saint-Claire, enchantée Monsieur. Et voici ma nièce, Marie Horstad.

— Da ! Partagé le plaisir. Alors, vous vouloir savoir… qu’est-ce qui était ici avant nous ? Da ? C’est pas très commun, ça…

— En effet, nous savons de source sûre qu’il s’agissait de l’entreprise Pradier-Gillette, une entreprise d’électroménager.

— Da, bien votre source. Moi avoir racheté les locaux il y a vingtaine d’années. Tout raser et reconstruire. Pas mal, hein ?

— Oui, nous avons eu peur de ne pas être au bon endroit. On a du mal à imaginer un four à micro-ondes dans votre belle concession.

— Dame intelligente, Madame Sainte-Claire, dit-il en tapotant son ventre. Mais n’allez pas croire, belle société qu’était Pradier-Gillette. Le monsieur d’avant avait une bonne dizaine de sociétés. Un filou, l’ami. Même à l’étranger. C’est comme ça que moi connaître lui.

 Mimi saute sur l’occasion. Moi, je reste muette comme une carpe, prête à saisir le moindre indice.

— Vous connaissiez personnellement Monsieur Pradier ?

— Bien sûr, Madame. Avoir fait belle affaire avec ui! Un monsieur intelligent. Pas facile la négociation, mais finir par se mettre d’accord. Depuis, pas trop de nouvelles. Ne pas savoir s’il est mort ou vivant.

— Avez-vous son prénom ?

— B’sûr. Jean-Louis qu’il s’appelait. Lui avoir une fille, je crois : la Jeannine. Belle femme celle-là, mais pas revue depuis longtemps. Même pas savoir si habite ici ces gens.

Jean-Louis, je connais enfin son prénom.

— Une Marie-Antoinette Horstad, est-ce que ce nom vous dit quelque chose ?

L’homme fait une moue dubitative, réfléchit quelques instants. Mon pouls s’accélère. Puis il finit par répondre par la négative. Mes épaules se relâchent. Il s’attarde sur moi :

— Toi, belle jeune fille… mais pas le savoir !

Je le regarde, surprise, et lui adresse un minuscule :

— Merci, Monsieur…

 Punaise, je suis à deux doigts de choper son accent. Une minute de plus dans cet endroit et je finissais avec le même accent jusqu’à la fin de mes jours.

 Nous regagnons le 4x4. Mimi semble changée. Elle paraît avoir gagné dix ans, soudainement en pleine forme.

— J’ai une idée. Avec ces nouveaux indices, je vais éplucher les pages blanches.

— Mais Mimi, on ne sait même pas s’ils habitent encore la région…

— Je sais, mais j’ai une bonne intuition sur ce coup !

 En rentrant chez Mimi cet après-midi, nous retrouvons Alain, le nez plongé dans une pile de copies à corriger. Il relève la tête, ses lunettes glissent légèrement sur son nez, et nous lui racontons notre aventure.

 Plus mesuré que Mimi — sans doute à cause de son métier d’instituteur — Alain n’en reste pas moins intrigué. Il écoute attentivement, ponctue notre récit de quelques hochements de tête, puis propose son aide pour les recherches dans les pages blanches.

— Si vous me donnez quelques noms, je peux jeter un œil ce soir. J’ai encore deux dictées à corriger, mais ça me changera les idées.

 Super ! Un nouvel allié. Et pas des moindres. Alain a ce calme rassurant, cette logique implacable, et surtout… une passion secrète pour les enquêtes. Mimi lui lance un regard complice, et moi, je sens que les choses commencent à s’accélérer. 

 Les jours passent et le froid de décembre s’installe peu à peu. Sur mon dos et mes épaules, une veste beaucoup trop légère pour la saison. C’est toujours mieux que cette affreuse parka orange dont j’ai hérité de mes sœurs. Apparemment, ma mère n’a pas compris que les vêtements, ce n’est pas comme le vin : ça ne se bonifie pas avec le temps.

 Et pourtant, chaque matin, elle ne se lasse pas de me tanner pour que je mette cette horreur. Bon sang, quand va-t-elle me lâcher la grappe ?

 Et comme si ça ne suffisait pas, dès qu’elle prononce mon prénom, elle ne peut s’empêcher de l’écorcher, en commençant par celui de ma sœur Sabrina. Ce qui donne : Sab’… euh, Marie. Ça reflète assez bien la place que j’ai dans son cœur : bien après celle de Sabrina.

 À cette pensée, je ne risque pas de l’écouter. Je préfère encore choper la mort. Même si, soyons honnête, je sais que je ne tomberai pas malade. Depuis que je suis née, j’ai une immunité de fer !

 Au collége, j'évite tout de même la cour - car bon sang ça péle - et enfreint le réglement pour traîner dans les couloirs ou les toilettes. Laura et Sarah, deux camarades de classe m'accompagnent. Avec elles, je passe le plus clair de mon temps à rigoler et à faire quelques bêtises. Rien de grave, juste assez pour m'amuser et à me sentir vivante. Ces derniers temps, j'ai l'impression de devenir... rebelle. Une version de moi qui ne me déplaît pas. Est-cela le début de la crise d'adolescence ?

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