1 - Boissons glacées

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  Le ventilateur tournait lentement dans l'air trop chaud ; lentement car il fallait économiser l’énergie des batteries. Si électricité revenait, Masha pourrait brancher le climatiseur. Mais en attendant, mieux valait un léger mouvement d'air que la pesanteur étouffante du début de soirée. Le frigidaire, en revanche, fonctionnait toujours. Alors Masha et sa fille Aricia s’étaient largement servies en boissons glacées.

  Affalées sur le canapé, elles regardent la télévision qui diffusait un jeu télévisé sans importance, bientôt interrompu par une communication politique. Alors les animatrices en tenue de soirée et les cages remplies de boules numérotées cédèrent la place au visage du premier ministre venu annoncer que la crise actuelle était en passe d’être surmontée. C’était devenu une constante de la communication politique. La situation s’améliorait toujours. Et les catastrophes successives étaient autant d’étapes vers des triomphes insoupçonnés. Il y avait dans ces discours quelque chose qui relevait de l'illusion d'optique. A l’écouter parler trop longtemps finissait par venir à l'esprit cette image d'un escalier qui ne fait que monter alors que ceux qui l'empruntent ne peuvent que descendre.


  Le Parti de l'Indépendance et de la Justice était arrivé au pouvoir vingt ans auparavant, lorsque le Gondwana avait secoué le joug d'Atlantis pour se proclamer République. Depuis, il se heurtait aux dures réalités d'un monde que les atlantes avaient organisé pour que rien ne leur survive. Moins d'une générations après son indépendance, le Gondwana était à nouveau au bord de l'explosion. Masha était née en Atlantis, peu de temps avant sa submersion. Mais ses arrière grands-parents avaient connu un Gondwana indépendant. C'est en leur nom que Masha avait combattu dans les rangs du PIJ.

« Pourquoi ils disent qu'ils veulent notre bien, ces voleurs ?»

Masha s'est figée de stupéfaction. Même si ses anciens combats sont maintenant presque oubliés et qu'elle a toujours veillé à ne pas ennuyer sa fille avec ses histoires d'ancienne combattante, entendre sa fille parler en ces termes du parti démocratique qui a conquis l'indépendance la heurte. « - J'en ai marre. Il peuvent même pas rouvrir le lycée et ils nous parlent d'économie mondiale ? Connards. »

«- Ils font ce qu'ils peuvent. Les caisses de l'Etat sont vides. »

Aricia regarde sa mère comme si elle venait de prononcer une incongruité, mais elle ne répond rien. Le premier ministre finit par s'effacer. Autour d'elles, rien n'a bougé. Le ventilateur continue de tourner et l'électricité n'est pas revenue.

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