Jojo, seul recours ?

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C’est la catastrophe, je ne veux absolument pas épouser Mamadou qui a déjà deux épouses et près d’une dizaine d’enfants et qui est plus âgé que Pa pour ne rien arranger. En plus, j’ai entendu Ma et Tatie en parler récemment, il fait partie de ceux qui excisent encore toutes leurs filles, ce que je ne veux pas pour mes enfants. Depuis que l’ONG nous a présenté les risques, je me suis dit que jamais, je ne ferai ça à mes filles.

J’essaie de plaider ma cause auprès de ma mère qui refuse de m’écouter. Il faut respecter les décisions de Pa, il n’y a rien d’autre à faire. Aller contre, ce serait défier son autorité et ça, personne ne peut se le permettre. Elle essaie de me rassurer en me disant que ses autres épouses seront comme des sœurs pour moi, que je serai heureuse avec lui, mais je refuse de l’entendre et, dès que j’en ai l’occasion, je me précipite chez Jojo, mon meilleur ami avec qui j’ai grandi et qui habite pas très loin de chez nous.

— Jojo, c’est horrible, je vais me marier.

— C’est une bonne nouvelle, non ? C’est que, finalement, tu n’es pas si laide que ça, si quelqu’un veut bien t’épouser. Ou alors, c’est par charité ? se moque-t-il doucement, comme il a l’habitude de le faire.

— Arrête, ce n’est pas une blague. Pa veut que j’épouse Mamadou le Barbu. Tu te rends compte ? Je ne veux pas, moi. Mais… Que puis-je faire ?

Jojo me regarde et comprend enfin la gravité de la situation. Il me fait signe de m’asseoir en face de lui et me tend une petite coupelle de lait de chèvre. Je le vois réfléchir et se concentrer. Je respecte son silence et déguste le délicieux breuvage qui me réchauffe un peu le cœur.

— Tu connais les conséquences de ne pas obéir à ton père ? finit-il par me demander en chuchotant presque. Tu ne peux pas le défier sans qu’il y ait de terribles répercussions.

— Je sais, Jojo. Je pense que ma seule solution, c’est de faire comme Thérèse. Je ne vois pas ce que je peux faire d’autre.

La mention du nom de la jeune femme semble le pétrifier sur place. Il me regarde effaré.

— Non, n’y pense même pas, Mina. Si tu pars en Europe, chez les blancs, on ne te reverra plus ici. Et personne ne parlera plus de toi. Ton nom sera oublié !

— Tu vois bien que je me souviens de celui de Thérèse, bougonné-je avant de me taire.

Il a raison sur le fond, je ne pense pas avoir le courage de la jeune femme qui a fui le village et qui est partie vers la France. On n’a plus aucune nouvelle d’elle depuis qu’elle a pris un bateau en Libye. Certains disent qu’elle a péri en mer, d’autres qu’elle a réussi mais ne veut plus nous parler du fait de la sentence prononcée par Pa à son encontre. Moi, je me dis que tout vaut mieux que de finir mariée à ce vieux pervers afin de lui faire encore plus d’enfants et finir ma vie à son service.

— Jojo, il faut que tu m’aides… Sinon, dans dix jours, je me tue. Je… Je ne peux pas épouser Mamadou, je suis trop jeune pour ça. Aide-moi à partir, s’il te plait.

Je m'agenouille devant lui et je le supplie. Il semble tellement terrifié à l’idée de ce que je lui propose que je me relève et abandonne l’espoir de le convaincre. Je vais devoir me débrouiller seule.

— Attends, Mina. Je vais partir avec toi. A deux, on aura plus de chances d’arriver à destination. Sinon, Dieu sait ce qui peut t’arriver.

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