L'ennui du voyage

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Dans le bus, nous nous asseyons côte à côte et, de ma place près de la vitre, je vois les paysages se succéder. Je ne suis jamais allée plus loin que notre capitale et là, nous fonçons vers le Nord. Le voyage est rythmé par de nombreux arrêts dans différents villages. A chaque fois, des femmes et des enfants plus jeunes que moi viennent crier à nos fenêtres et essaient de nous vendre des fruits ou des plats qu’ils ont préparés. Avec Jojo, nous sommes prudents et n’achetons que le strict nécessaire, quand les prix nous semblent raisonnables. Notre pécule fond lentement au fur et à mesure que nous avançons dans des parties de plus en plus désertiques.

Je m’attendais à la grande aventure, à celle qui donne des frissons ou qui permet de se transcender mais on en est très loin et je suis déçue, même si Jojo me dit qu’il vaut mieux être tranquille et progresser que vivre beaucoup de choses et galérer.

Ce qui caractérise ces voyages en bus, c’est l’ennui. C’est long. Très long. A nos côtés, sur certaines parties du trajet se greffent des personnes qui vont voir leurs familles, d’autres qui voyagent pour le commerce. Et au fur et à mesure que nous allons vers le Nord, je constate que de plus en plus de jeunes comme nous se joignent au voyage. On nous reconnaît facilement car nous sommes principalement silencieux, le regard perdu, anxieux face à cette plongée dans l’inconnu. Et dès qu’il y a un contrôle de police, dès que l’on franchit une frontière, au Mali ou en Algérie, c’est l’effervescence car rares sont ceux qui ont des papiers d’identité. Heureusement que nous sommes dans la société du bakchich et que tous ces fonctionnaires sont sous-payés.

Moi, j’occupe mes pensées, je rêve à cette Europe qui m’attend. Je sais que dès que j’arrive, on me proposera un travail. Il faudra être courageuse, c’est sûr, mais avec ce travail, je pourrai avoir mon petit appartement et mener une vie normale. Je pourrai même envoyer de l’argent à mes parents en espérant qu’ils me pardonnent un jour mon départ. Parfois, je me permets de rêver. Peut-être que je pourrai reprendre mes études et devenir avocate. Je rêve de pouvoir défendre les droits de mes compatriotes qui seraient moins chanceux que moi. Jojo, quand je lui parle de mes projets, se contente de sourire. Il n’a pas l’air convaincu, mais il a la gentillesse de ne rien dire, il sait que c’est ça qui m’aide à tenir.

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