18 : It's my job and that’s all...

4 minutes de lecture

Appartement Marquance

Rue de la Bretonnerie

Pontoise (95)

Fin janvier 2011

Le premier jour

21:42

Une résonance dans le lointain, quelque chose de diffus, un genre de brouhaha pas très clair. Les voix de Di Caprio et Winslet peut-être... Non, Alex avait mis la VO. Et ce que Marina percevait était une phrase en français...

— M'man ? M'man ! Téléphone pour toi...

La jeune femme émergea difficilement de son sommeil. Ses yeux papillonnèrent. Depuis combien de temps s'était-elle assoupie devant la télé ?

— M'man, t'as pas entendu ton portable sonner, tu pionçais. C'est Le Floch, ça a l'air urgent...

Marina avait la bouche pâteuse, le corps ankylosé par cette posture inconfortable que lui avait imposé sa méridienne. Elle se redressa, une barre compressant son dos, comme si elle venait de faire trois heures de karting d'affilée.

— Alex, tu veux bien m'apporter un verre d'eau s'il te plaît ? Merci...

La commissaire prit la communication.

— Bonsoir Le Floch, qu'est-ce qui se passe ?

— Bonsoir Marina, désolé de vous déranger à cette heure tardive, mais on a un double homicide sur Saint-Ouen, quartier des Chennevières...

— Vous avez bien fait, Le Floch. Vous avez contacté la Scientifique ?

— Oui, ils se rendent sur place...

— Oettinger est au parfum ?

— Il reste injoignable...

— Il commence sérieusement à me gonfler, celui-là ! Vous vous rendez sur les lieux avec l'équipe de garde, et je vous retrouve là-bas. Vous avez l'adresse ?

La fliquette griffonna sur un post-it les renseignements que lui transmettait le brigadier et raccrocha promptement. Elle but son verre d'un seul trait. L'appel de Le Floch l'avait ragaillardie. Au service du citoyen, elle était toujours d'attaque.

— M'man, ne me dis pas que tu vas encore aller bosser ?

— Je suis obligée, Alex, c'est mon job.

— Il fait chier ton boulot, putain ! Job de merde, ouais... Des horaires pourris, un salaire qui l'est encore plus...

— Alex, ne me prends pas la tête, ce n’est vraiment pas le moment !

La sonnerie de la porte d'entrée interrompit leur joute verbale.

— Va ouvrir, je vais me rafraîchir et me donner un coup de brosse...

Ronchon, Alex obéit néanmoins à sa mère et ouvrit la porte. Celle-ci s'effaça sur un grand rouquin coiffé d'une chapka noire, vêtu d'un long manteau en cachemire et ganté de daim sombre.

— Salut gamin ! lança Marc Oettinger en ébouriffant la tignasse de l'adolescent.

— Parrain ? fit le môme interloqué. On n'a pas entendu l'interphone...

— C'est parce qu'une sculpturale donzelle m'a convié à sa suite. Un beau brin de fille, la mignonne ! Si j'avais eu vingt ans de moins... Et toi, t'en es où avec les meufs ?

— Parrain !

— Ben quoi ? Il faut bien que je t'affranchisse sur les subtilités de la gent féminine, parce que si on devait compter sur ta reume pour parfaire ton éducation sentimentale, tu aurais tôt fait de virer séminariste…

Marina surgit sur ces entrefaites.

— Marco ! T'as pas bientôt fini de pervertir mon fils ?

La jeune femme leva la main et fit mine de coller une baffe à son ami, puis reprit le fil de la conversation.

— Qu'est-ce que tu fabriques ici à une heure pareille, d'abord ? Dans un élan de lucidité, tu t'es décidé à consulter ton répondeur ?

— Étant donné que tu m'as laissé près d'une vingtaine de messages sur ma boîte vocale, je me suis dit que c'était peut-être important. Et puis, au lieu de décrocher bêtement mon téléphone, je suis venu direct ici. En passant, j'ai fait un crochet par le vidéoclub pour emprunter quelques DVD qui feront sûrement plaisir au gamin. Que du bon mon Alex, du Melville, du Corneau, du Leone...

L'oreille aguerrie d'Oettinger fut titillée par la BO provenant du salon, signée James Horner.

— Mais bon, comme je savais que ta mère allait nous supplier de mettre un film à l'eau de rose, j'ai également arrêté mon choix sur Nuits blanches à Seattle... Prends-les, petit, prépare le long métrage qui t'inspire le plus.

— Merci parrain...

— C'est très sympa à toi de venir égayer nos soirées d'hiver, Marco, seulement j'ai un double meurtre sur les bras, fit Marina en attrapant sa veste sur la patère du vestibule.

— Et c'était quoi l'urgence dont tu devais me parler ?

— Si tu m'accompagnes, on bavardera en chemin, parce que là, je suis à la bourre...

— Pas de problème.

Les deux flics saluèrent l'ado maussade et quittèrent l'appartement pour prendre l'ascenseur.

— T'as ta bagnole ?

Oettinger acquiesça et farfouilla dans ses poches pour lui tendre un jeu de clés suspendu à un écusson Alfa Roméo bien fatigué.

— Ne me dis pas que t'es venu avec ton tas de ferraille !

— C'est vous, Madame la Commissaire, qui êtes de service ce soir, pas moi...

L'air boudeur, la commissaire s'empara à contrecœur du trousseau.

— Si j'avais su, j'aurais pris les clés de la Lancia.

— Fais pas la gueule, Mari, ça se conduit très bien...

— Ne m'appelle pas comme ça, Marco, il n'y avait que David...

— Et moi, t'as l'air de l'oublier !

— Non, Marco, je n'ai rien oublié. Sauf que toi et moi, c'est du passé. Tu ferais mieux de chouchouter Katia au lieu de te comporter en mufle avec elle…

— Et toi, tu devrais tourner la page. Ça fait plus de huit ans que David est décédé. Tu devrais recommencer à vivre...

Marina leva les yeux au ciel et soupira.

— C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité !

Les deux ex-amants sortirent de l'ascenseur et de l'immeuble pour rejoindre l'antique quatre roues napolitaine, fille légitime de la sportive marque milanaise.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Aventador ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0