Chapitre dix: ...Et t'es belle!
Lucien entends quelque chose d'étrange. Des cris. Ou plutôt des sanglots. Non, des cris. Une sorte de mélange. Plutôt inquiétant. Une fille semble souffrir. Beaucoup. Il accélère le pas. Il sent qu'elle a besoin d'aide, qu'elle a besoin que quelqu'un pour... Il ne sait pas. Mais elle a besoin de quelqu'un. Il ne veut pas courir de peur de perdre l'endroit d'où provient cette manifestation de profonde souffrance. Il regarde à gauche, à droite, tend l'oreille pour être sur. Cependant, un nœud à l'estomac lui intime d'aller vite. Il faut aider cette fille, parce que quelque chose ne va pas. Vraiment pas. Il regarde à nouveau autour de lui et voit une forme dans l'herbe du parc. Les lamentations viennent d'elle. Il se met à avancer moins rapidement. Peut-être aurait-il affaire à une démente ? Il voulait et devait l'aider mais il aurait été stupide de ne pas être sur ses gardes. Voilà une chose positive qu'apprends la drogue. L'être humain est fait avec un tel esprit qu'il peut rapidement devenir dangereux. Pour lui-même et pour les autres. Aussi, il ne faut pas brusquer quelqu'un dans un état comme celui-ci. Cela ressemblait assez à un violent Bad trip. Même sans drogues, cela arrive souvent chez les gens. Parce qu'ils craquent. Parce que c'est trop dur. Parce qu'ils n'ont personne. Parce que la vie les torture. Il fut auprès d'elle le temps de ces réflexions. A la lumière du clair de lune, il aperçoit une longue tresse, traînant au sol, une tresse rose pâle. Ashoka. C'est d'elle que proviennent ces sanglots déchirants. Son cœur se serre et les larmes lui montent aux yeux. Il s'accroupit, désarmé. Que peut-il lui dire. Elle, ne l'a pas remarquer, elle continue de pleurer comme jamais elle ne l'a fait auparavant. Elle s'étouffe à moitié à certains moments. Il lui semble ressentir toute la tristesse du monde. Elle se sent au bord du désespoir. Elle ne comprends pas pourquoi le monde est si vil. Pourquoi il y a tant d'égoïsme. Pourquoi il y a tant de méchanceté. Pourquoi tant d'indifférence. Pourquoi font-ils de cette terre si riche, si belle, cet enfer d'injustice, de béton, de profit, de violence, de souffrance, de peur, d'angoisse. Il veut la toucher, mais ne le fait pas. Il veut dire quelque chose. Sa bouche reste inerte. Il attend encore une ou deux minutes, paralysé. Il ne sait comment réagir. Il aurait su, si elle avait été une inconnue. Mais ce n'était plus le cas, ils se connaissaient. Mais trop peu, trop peu pour qu'il puisse décemment la voir dans cet état. Il se gifla intérieurement. Cela n'a pas de sens. Il la prend par les épaules, la relève doucement contre lui et la serre fort. Elle ne fit presque pas attention. Elle continua de pleurer comme si on lui avait arracher tout ce qu'elle avait au monde. Ses cris étouffés par le corps de Lucien. Qui se laisser aller aux larmes qu'il retenait encore. Puis elle sent la chaleur. Elle sent la compassion. Elle sent la sécurité. L'affection. L'empathie. Elle se calme. Cela dure un certain temps. Elle pleure moins fort, mais pleure encore. Elle ne cri plus, mais encore secouée de sanglots. Elle respire, mais haletante. Son corps se détend, mais ses mains restent crispées sur son t-shirt trempé de larmes. Tout s'apaise en elle, doucement. Elle pousse plusieurs légers soupirs et elle s'endort, comme ça, contre lui. Harassée par le malheur que lui a donné le monde. Il s'en rend compte. Il ne bouge pas. Surpris par cet assoupissement incongru. Plus que l'ont surpris les larmes et les sanglots. Il ne bouge pas quelques minutes puis il se détends et se met à caresser ses cheveux, en chantant tout doucement. Un murmure à peine audible. Mais il la sent s'apaiser encore. Il veut la protéger. Il ne veut pas qu'on lui fasse du mal. Elle est comme un ange perdue en enfer. Un ange qui verrait le beau dans les flammes. Ca se protège un être pareil. Ils restent là durant une bonne partie de la nuit. Lucien s'est endormit à son tour. Enlacés. Ils sont bien, l'un réchauffant l'autre dans l'herbe humide. Ils échangent leurs énergies pour se renouveler. Se redonner la force qui leur manque. Deux enfants qui se veulent déjà grands. Parce qu'on leur a dit depuis tout petit. Ils savent que la vie n'est pas rose, pas du tout. C'est tout le contraire. C'est pourquoi ça prend des drogues. Parce que sans se l'avouer, ils ont la frousse de ce qu'on veut d'eux. Ils ont la frousse de ce qu'ils doivent faire pour être dans le rang. Même pas. Juste pour s'en sortir. Pour survivre sagement en fermant bien leur gueule pour que les gros poissons du bocal se fasse une belle vie en or et en diamant pendant que les reste du monde crève de faim et de chagrin. Une vie qu'ils croient plus propre que celle des jeunes qui se droguent chaque fin de semaine pour leur échapper. Et leurs vices? Ne sont-ils pas pire que les nôtres? N'ont-ils pas instaurés ce qu'ils méprisent. Ceux qui gouvernent devraient se poser une seule et unique question: comment rendre les gens heureux. Mais n'attendons pas d'eux que cela devienne leur priorité. Parce qu'ils continuent chaque jour de laisser couper les arbres. Ils continuent chaque jours de laisser des gens mourir sous les ponts de leurs cités. Ils continuent chaque jours de remplir l'atmosphère que poisons qui tuent tout sur cette terre. Ils continuent de s'enjailler sur le dos du peuple. Ils continuent chaque jours de laisser des hommes et des femmes crever d'angoisse parce qu'ils ne peuvent payer leurs factures. Ils n'ont pas le droit. Ils n'ont le droit de faire ça. Mais tout le monde les laisse faire. Et dans le parc, deux petites âmes victimes se trouvent pour se soulager l'une l'autre. Ca se donne du courage. Ça se donne du baume au cœur. Ça se donne un peu d'espoir. Puis elle remue doucement. Il se réveil. Lentement ils s'écartent l'un de l'autre pour se regarder. Elle est rougissante. Il lui sourit.
« Salut.
- Salut…
- Tu te sens mieux? Elle baisse les yeux, puis les relève.
- Oui… Merci… J'ai eut… J'étais… Elle a un sourire gêné.
- J'espère que ce n'étais rien de grave. Il lui prend délicatement la main. Elle regarde leurs mains s'accrocher l'une à l'autre, comme par réflexe. Ses grands yeux d'ambre et d'eau brillent dans la nuit. Un sourire de reconnaissance étire ses petites lèvres en cœur.
- J'ai juste eut… C'est le monde. J'ai ressentie toute sa tristesse… Enfin, je veux dire…
- Oui? Des larmes remplissent de nouveau ses yeux, elle respire profondément et les chasse de quelques battements de cils.
- Je n'ai pas très envie de le faire revenir. C'est un peu trop. Je ne peux pas le contenir quand ça vient. - Parfait. Il lui sourit encore pour faire venir le sien. Ça fonctionne. Je te ramène chez toi?
- Oh! Quelle heure est-il? Elle sort une montre gousset. Bien sur. Il sourit. Il commence à la connaître. Même si c'est minime, il ne peut s'empêcher de sourire.
- Alors?
- Quatre heure dix du matin. Il me faudra être très discrète en rentrant.
- Ah oui, effectivement, moi aussi. Alors, je te ramène? Elle le regarde, la tête penchée, comme à son habitude.
- Oui. C'est gentil. » Ses yeux sourient avec ses lèvres. Ils s'aident mutuellement à se relever. Ils marchent le long de la route qui mène loin en haut du village. Leurs mains restent accrochées. Ils ne se parlent pas, parce que ce n'est pas la peine. Ils se regardent de temps en temps et se sourient. N'empêche. Lucien aurait aimé savoir ce qui l'avait mise dans cet état. Il espérait qu'elle lui expliquerait. Par e-mail si en face elle trouvait ça trop difficile. Peut-être qu'il aurait pu y faire quelque chose. Il veut l'aider. Même un peu. La soulager. Elle, elle a un peu honte qu'il l'ai trouvé dans cet état. Elle se demande ce qu'il pense d'elle maintenant. Elle s'en fiche d'habitude de ce qu'on pense d'elle. Mais sa pensée à lui, ça ne la laisse pas indifférente. Non. Ça lui fait peur même. Elle voit qu'il est différent. Elle croit bien qu'elle l'estime. Et c'est réciproque. Et ça pourrait se casser la gueule à tout moment. Alors elle se demande... Mais elle ne dit rien. Elle a peur qu'il la trouve stupide.
« C'est là. Ils sont arrivés devant chez elle. Du moins devant l'allée bordée de platane qui mène à la maison en bois qui ressemble plus à une cabane dans les arbres qu'à une maison, illuminée par quelques guirlandes jaunes, comme des lucioles.
- Ouah! C'est assez féérique ! Elle est à vous cette maison?
- Elle est à mère concrètement, elle a vendue une maison qu'elle avait hérité de sa tutrice ainsi qu'une petite fortune. Nous avons vécut un temps dans l'ancienne maison, mais maman voulait quelque chose qui soit vraiment à nous. Elle rêvait de retrouver une cabane dans les bois, comme lorsque nous étions petite et que Papa était avec nous. Alors elle a vendu et acheté ce terrain immense, qui n'est qu'une petite partie de la forêt environnante, et a décidé de construire notre maison petit à petit, comme elle l'avait fait avant... Désolée, je parle trop non ?
- Non. Ils se turent un instant en se regardant dans les yeux et ne purent s'empêcher de rire. Désolé, je ne parle pas beaucoup.
- J'espère que ça viendra... Je veux dire, pas que tu deviennes non plus un moulin à paroles, mais assez pour que nous puissions échanger, communiquer, se comprendre... Elle a un rire gênée. C'est impressionnant en tout cas, je ne vois pas très bien mais il y a une partie dans les arbres non ?
- C'est exacte, c'est là que se trouve la bibliothèque, le bureau de maman et nos chambre à ma sœur et moi. Sisi n'est plus très souvent à la maison mais elle a toujours un endroit à elle qui sera là si elle a besoin. Ma mère est orpheline, elle n'a jamais eut de port d'attache, alors elle tient à ce que se soit différent pour nous.
- Je vois... Je trouve ça chouette. Souffla-t-il rêveusement. Elle l'observa un moment alors qu'il scrutait la maison dans l'obscurité. Elle le vit entrouvrir ses lèvres et tourner légèrement le menton. Elle put détourner les yeux avant qu'il ne la voit le fixer. Je te laisse là alors? T'es sur, tu ne veux pas que je t'accompagne devant la porte? Non, c'est gentil mais j'ai trois chiens. S'ils sentent un inconnu ils vont réveiller la maison et tout le périmètre alentour. Mais merci. » Elle sourit. Il ne se lasse pas de ce sourire. Il ne sait pas comment lui dire au revoir, alors il suit son instinct. Il la prend dans ses bras et la serre un moment. Remuant doucement de gauche à droite, comme une danse subtile. Puis ils se séparent. Se saluant de la main et avec un sourire. Elle rentre dans la maison. Heureusement sa mère n'a pas fermé la porte. Elle caresse ses chiens qui lui font la fête. Tango et Guappa ont le même âge, quatre ans, ils sont tout deux les enfants de Back, qui a onze ans. Ils se demandent ce qu'elle faisait dehors si tard, toute la maison est endormie depuis longtemps. Mais ils sont ravie de la voir. Elle leur sourit gaiement. Avec amour surtout. Elle monte discrètement l'escalier. Marche sur la pointe des pieds dans le couloir. Ouvre et ferme lentement sa porte de chambre. Elle adore sa chambre. Elle aimerait la montrer à Lucien. Sa maison aussi. Elle aimerait savoir où il habite. Elle s'étend sur son lit et ressasse ces moments avec lui. Elle le sent proche. Mais parfois très distant. Elle ne sait ce qu'elle doit penser. Elle se relève, attrape sa plume d'oie et débouche sa bouteille d'encre. Siobhan se moque d'elle à cause de toutes ses "vieilleries". Elle adore ça. Alors elle s'en moque. Elle se sent bien lorsqu'elle se sent ailleurs. Elle commence à écrire. Elle raconte Lucien. Lui qui redescend vers le village. Il rentre dedans. Il marche encore deux-cent mètres. Il est devant la maison. Elle est très vieille. Très grande. Mais ils sont huit à l'intérieur. Il dort dans le grenier, il n'y a que Marie, Oscar et lui pour ne pas avoir les jetons. Lucien est le plus âgé de tous. Il garde sa chambre à lui seul. Marie ne peut décemment pas partager avec un gars. Oscar est un peu trop impulsif pour partager avec un plus jeune. La porte est ouverte. Gloria ne se pose pas de question. Pas trop du moins. Il monte les trois volées d'escaliers qui le sépare de sa chambre. Il est silencieux. Il soulève la trappe qui donne au grenier. Pas un bruit dans les autres chambres. Il se rend sereinement dans la sienne. Sans s'attendre à ce que Oscar soit posé sur son lit. Fumant son herbe. Buvant ses bières planquées sur le toit. Un sourire aux lèvres. Lucien se raidit. Prêt à cogner à vrai dire. Oscar se relève. Assit sur le pieux de Lucien il le dévisage. Ça dure un petit moment.
« Je vais te parler mon gars. Après si tu veux, on pourra descendre se mettre sur la gueule. Mais je crois que t'as besoin d'être au courant de certaines choses. Lucien hésite. Reste un moment immobile. Il réfléchit. Il pense que lui aussi avait à lui parler. Cependant cette intrusion le met mal à l'aise. Sur ses gardes. Mais il se retourne. Ferme la porte. Et se fixe en face du petit rouquin qui sourit.
- Ok.
- Je vais te raconter une histoire. Pas pour t'endormir mais je vais te la raconter, bien au contraire. Après on verra si tu la trouve pertinente. T'es d'accords mon gars? Le surnom fit serrer les points de Lucien. Reflexe. Il crispe la mâchoire. Il ne peut qu'acquiescer lentement. Alors écoute…
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