1. Commande

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Kevin était un jeune homme heureux. Ses horaires étaient libres et il passait ses journées à vélo en écoutant du bon son. Un livreur comme Uber Eat les adorait. Lui se moquait bien d'Uber. Cette boite ou une autre c’était pareil. Tant qu’il pouvait traverser la ville en bécane, ça lui allait.

La journée avait été fructueuse et les commandes s’étaient enchainées. Les clients pas relous et la bouffe sentait bon. Même les chauffards avaient levé le pied. C'était une belle soirée d'été et il commençait à avoir faim.

Il avait bien le temps pour une dernière livraison.

Cette commande n’avait rien de spécial. Des pizzas pour deux personnes, une Savoyarde, et une Alto supplément œuf. Une commande normale qui donnait faim. C’était l’adresse qui était bizarre. C'était celle de la vieille mégère du quartier ouest, Simone. Et Simone ne commandait pas de pizza. Simone détestait quiconque passait devant chez elle, y compris ces cons de livreurs à vélo.

Ainsi la rumeur était vraie et la vieille peau avait cassé sa pipe. Ça devait être les nouveaux proprios de la baraque qui venaient d’emménager et qui étaient en galère de bouffe.

Kevin prit les cartons à pizza que le vendeur lui tendait, et le salua. La chanson qu’il écoutait prit fin et un morceau qu’il ne reconnut pas lui fut proposé. Une contrebasse, des violons… Wow, c’est rock ! Un coup d’œil sur son smartphone pour voir le titre : Tribute for Aline C. Inconnue au bataillon pour Kevin. Pas grave, bienvenue dans la playlist. Il cala les cartons dans la sacoche, desserra les freins, et d’un coup de hanche parti à l’assaut du quartier ouest, sur un son de cordes endiablées.

Sur la route, Kevin pensait à Simone et à l’histoire étrange qu’on racontait sur sa mort. La vieille Simone qui avait fini par lâcher l’affaire. La vieille Simone qui serait morte de peur, car sa maison était hantée. Les plus crédules lui avait assuré que des bruits inexplicables provenaient de la baraque, alors qu'elle est inhabitée.

Kevin ne croyait pas en ces choses-là, et ce sentiment ne l'avait pas quitté en arrivant devant chez elle.

Il avait toujours trouvé la façade plutôt jolie. Habilement agencée, elle lui faisait son effet, et le gros heurtoir en fer forgé sur la porte d’entrée contribuait clairement à la chose. Il avait longtemps voulu l’actionner, ce qu’avait fait tous les gamins du quartier. C’était peut-être pour ça que Simone détestait les gens.

D'habitude, une ombre se tenait voutée dans l'une des fenêtres du rez-de-chaussée. Guettant la rue, à portée de voix suffisante pour dégager les petits cons qui s'en prenaient à son entrée. Ce jour-là le rideau était tiré et ne tremblait pas.

Désolé la vieille, je vais toucher à ta maison. Repose en paix.

Dans un haussement d’épaules, Kevin frappa le heurtoir contre le bois.

La porte émit un cri strident. La poignée claqua une fois, puis deux. Le battant s’ouvrit en tremblant sur un homme affublé d’une caméra. Au-dessus de l’objectif, une paire d’yeux effrayés atterrissait sur Kevin.

Une odeur infecte s’échappait de la maison.

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