7. Aline

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Guillaume éclata de rire. La créature s’immobilisa net au milieu du couloir, faisant la moue. Une voix caverneuse aux relents de merde jaillit de l’apparition :

« Euh, bah non là… T’es censé avoir peur là !

— Ha ha ! Vous vous êtes pris les pieds dans votre robe ! »

Dépité, le fantôme regardait Guillaume qui était mort de rire.

« Oui j’ai trébuché, ça va… Bon tu as fini, on peut passer aux choses sérieuses maintenant ?

— Ben, c’est-à-dire que j'ai plus peur là », dit Guillaume qui reprenait son souffle. « Ça a ruiné votre effet. Oh dis donc ! », dit-il en s’approchant, « Mais vous n’avez carrément plus d’yeux quoi !

— Euh… oui… c’est fait pour rendre les gens… fous », dit la morte, sans grande conviction.

« Ah. Raté, du coup. »

Pas tant que ça, Guillaume était terrifié. Mais il se sentait protégé par sa caméra et l’excitation prenait le dessus. Il s’était préparé pour ça. Il était venu pour ça.

Il s’approcha dans une avide curiosité. La femme au teint cadavérique, déjà âgée, portait les stigmates d’une longue décomposition. Pour autant, l’odeur qu’elle dégageait était supportable. Peut-être que le missile de Palu l’avait immunisé contre elle ? Sa robe était élimée, d’un blanc douteux. Déchirée sur le côté gauche, elle ne tenait plus sur ses épaules que par des fils.

La créature le fixait de ses orbites vides, hagarde et surprise, ignorant pourquoi ce mortel l’était toujours.

« Euh… Comme vous le savez peut-être, mon nom est Guillaume, et…

— Et tu es là parce que j’aurais attenté à la vie de Simone, je sais, je t’ai entendu tout à l’heure. »

Le spectre s’agitât. Sa voix d’outre-tombe était sombre et menaçante.

« C’est ça qui m’a mise en rogne ! Attenté à la vie de Simone ! Non mais qu’est-ce qu’il faut pas entendre ! »

Dans un râle elle regarda autour d’elle :

« Elle m’a vu, elle a sursauté, elle est tombée, d’accord ? On va pas en faire un drame ? »

Elle leva ses orbites vers le plafond.

« D’accord, c’est un drame, mais elle était aussi vieille que moi ! C’est bon là ? »

Elle soupira. Sa tête se percha bizarrement sur le côté et fixa Guillaume.

« Et ? Subitement ? Les gens n’ont plus ? Peur !? »

Un vague mouvement et l’atmosphère redevint naturelle. Les fleurs de la tapisserie ne flottaient plus, les tableaux ne dansaient plus.

Mais la défunte était toujours là, présence illogique alors que le monde redevenait normal. Sa voix restait caverneuse :

« Le décorum ne sert plus à rien on dirait… »

Subjugué par l’apparition, Guillaume en avait presque oublié sa caméra. Alors que la créature était en face de lui, il s’aperçut avec effroi que l’appareil ne filmait qu’un couloir vide.

« Oooh », fit la morte, en redressant la tête. « Tu ne peux pas me filmer. Quel dommage ! Personne ne te croira. C’est peut-être de ça que tu as PEUR !!! »

Elle hurla ce dernier mot. Son visage s’agrandit un bref instant et paru engloutir celui de Guillaume. Il s’effondra dans un cri, tétanisé. L’ambiance redevint immédiatement glauque. Le monstre s’exclama, triomphant et maléfique :

« Aah bah voilà ! Là on y est ! Là, d’accord ! Ah bah quand même, nom de Dieu ! »

Un cône de lumière jaillit soudain du plafond et illumina la créature qui partait en fumeroles. Elle leva une tête horrifiée vers l’origine du halo divin :

« Que, quoi ? Ah, euh, mais non, je ne pensais pas à Vous ! »

La lumière s’intensifia et disparu dans un éclair éblouissant, emportant avec elle le fantôme, n’épargnant que son ultime complainte :

« Je ne pensais pas à Vouuargh… »

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