2-10
Sébastien observait ses hommes embarquer en file indienne dans les flancs de l’Hercules C-130, par la large rampe arrière abaissée comme un pont-levis.
Ils portaient tous leur barda sur le dos : sac à dos, armement individuel et équipements de protection, soit une bonne quarantaine de kilos.
L’enseigne de vaisseau connaissait chacun d’entre eux, leur parcours militaire, leur situation familiale, leurs points forts et leurs faiblesses. Ils avaient tous été choisis au terme d’un processus impitoyable pour leurs aptitudes physiques, leurs connaissances techniques et leur capacité psychologique à résister au stress et à la fatigue. Dans ce parcours de sélection, l’individualisme et la témérité étaient éliminatoires. Le commando travaillait en équipe et ne pouvait se permettre d’y accueillir les têtes brûlées.
Emboîtant le pas de ses hommes, Sébastien pénétra dans l’appareil.
Chaque militaire avait pris place sur une des rangées de sièges placées le long des parois de l’avion. Sébastien nota que le matériel nécessaire à l’opération avait bien été chargé, solidement arrimé entre les deux rangées de sièges.
Chacun affichait un visage concentré, conscient de l’importance et de la dangerosité de leur mission.
Sébastien vit la porte arrière se refermer, sentit l’appareil vibrer au rythme des hélices puis se déplacer sur la piste avant de s’élancer lourdement dans les airs.
Ils seraient à Djibouti le lendemain matin après deux escales en Crète et en Egypte pour se ravitailler en carburant.
Il ferma les yeux et essaya de se détendre.
Le Surcouf naviguait désormais au large de Sûr d’où étaient partis les terroristes. Le bateau poursuivait sa route vers le détroit d’Ormuz.
La frégate Languedoc arrivait dans la zone qui lui était assignée. Le Surcouf était désormais à portée de jumelles, éloigné seulement de quelques kilomètres du bâtiment français. La nuit était tombée et l’obscurité cachait la présence respective des deux bateaux qui avançaient tous feux éteints.
Un négociateur du GIGN avait été hélitreuillé sur le Languedoc quelques heures plus tôt.
En accord avec ses supérieurs à Paris, il décida d’essayer de prendre contact avec le Surcouf.
« Ici la frégate française Languedoc pour le navire méthanier Surcouf. Répondez. » Le message était diffusé par radio, en anglais. Après cinq tentatives sans réponse, le négociateur décida de reporter la prise de contact.
Abou Saïf était assis dans le poste de pilotage où il venait d’écouter les messages du Langedoc à la radio. Il entendit soudain des cris. Bientôt, la porte du poste s’ouvrit et les deux frères tchétchènes poussèrent sans ménagement un matelot philippin devant lui. C’est ce dernier qui poussait des cris à moitié indignés, à moitié plaintifs.
“I didn’t do it ! I didn’t do it !”
Abou Saïf sentit la tension augmenter d’un cran dans le poste de pilotage. Les deux officiers aux commandes du bateau levèrent la tête de leurs instruments. Abdul, qu’Abou Saïf avait chargé de surveiller les deux marins, se redressa de sa chaise en agrippant son arme.
Il se tourna vers Aslan Kadyrov avec un regard interrogateur.
Le Tchétchène lui dit en arabe : « Ce chien a jeté un Saint Coran par terre. Il doit être châtié ».
Le chef des terroristes regarda sévèrement le matelot devant lui.
« As-tu vraiment commis ce sacrilège ? Réponds !» demanda-t-il en anglais.
« Non ce n’est pas vrai. Je ne voulais pas lire ce livre que ces messieurs voulaient me donner » répondit-il d’une voix aiguë dans la même langue. « Ce sont eux qui ont voulu me le mettre dans la main. Je n’ai pas pris leur livre. Il est tombé… »
« Donc tu as jeté le Saint Coran au sol » l’interrompit le djihadiste.
« Je suis chrétien. Je ne suis pas intéressé par le livre de vos amis. Ils peuvent le garder. Je n’ai rien fait de mal. Je n’en veux pas. Je n’en veux pas » répéta le pauvre matelot qui, apparemment, ne comprenait pas ce qu’on pouvait bien lui reprocher.
Abou Saïf ordonna aux deux Tchétchènes de l’enfermer dans une cabine en attendant qu’il décide de son sort.

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