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Abou Saïf lisait avec attention le compte-rendu de la conférence de presse d’EUROGNL. L’idée d’être à l’origine de l’agitation médiatique flattait son orgueil. Il ne doutait pas un instant que l’intérêt des médias n’était que le reflet des remous beaucoup plus discrets que son action provoquait dans les plus hautes sphères de l’état.

« Ainsi », pensa-t-il, « le méthanier avait renforcé sa sécurité avant son arrivée ? Quelle farce ! ».

Et il se remémora la déroutante facilité avec laquelle lui et ses hommes avaient pu monter sur le navire. Ils avaient eu de la chance certes, d’avoir affaire à un officier inexpérimenté. Mais la chance sourit aux audacieux dit un proverbe français.

Christophe s’approcha d’Alexandre pour faire le point sur les retombées presse et les réseaux sociaux. Alexandre rendit compte de la manière dont la conférence de presse avait été dans l’ensemble bien accueillie. Il fit part de sa déception concernant certains articles et des actions qui allaient être mises en œuvre pour limiter leur impact négatif. Il avait ainsi demandé un « droit de réponse » au journal la Victoire. De même, Anne Delaunoy était attendue le lendemain matin à la tour EUROGNL pour une interview exclusive de Baecker.

Pendant qu’il parlait, Alexandre ne put réprimer un bâillement. Il était debout depuis 6 heures du matin et il sentait la fatigue s’installer même s’il refusait de l’admettre.

Celle-ci n’échappa pas à Christophe.

« Tu devrais rentrer chez toi et prendre quelques heures de repos » lui dit-il. « La cellule de crise peut encore durer des jours et j’ai besoin que tu tiennes jusque-là. » fit-il avec un clin d’œil.

Voyant qu’Alexandre n’était pas convaincu, il ajouta : « D’ailleurs je vais faire la même chose. Le directeur adjoint de la cellule prend le relais pendant la nuit. Il nous appellera s’il se passe un évènement important. »

Ce dernier argument acheva de convaincre Alexandre.

Retenant son souffle, Préville souleva la trappe et passa lentement la tête à travers l’orifice. Il accueillit avec plaisir l’air du large sur son visage. Il promena son regard autour de lui et vit que le bateau était plongé dans la nuit noire à cette heure tardive. En temps normal le bateau était puissamment éclairé de toutes parts, comme il est d’usage pour les installations industrielles. Mais les terroristes ne voulaient manifestement pas être trop visibles.

C’était une chance pour Préville qui allait pouvoir se déplacer plus discrètement.

Prenant appui sur le rebord du trou, l’officier se hissa souplement sur le pont du bateau. Il se trouvait en proue du navire. Accroupi, il repéra, à l'horizon, le faible miroitement des lumières côtières.

Tournant les yeux vers la passerelle, il nota des points lumineux trahissant les cabines de l’équipage. Les terroristes n’avaient pas pris la peine d’aveugler les fenêtres. Négligence ou excès de confiance : il n’aurait su le dire.

Se redressant avec précaution, Louis se dirigea vers la proue du bateau, utilisant le garde-corps pour se diriger dans la pénombre. Il n'avait pas de plan précis, si ce n'est celui de se rendre compte par lui-même de la situation, et de satisfaire son besoin irrépressible de secouer la torpeur qui l’envahissait. De quitter la nuit de son ermitage suffocant.

Il avait parcouru environ quarante mètres lorsqu’il s’immobilisa net. Il venait d’apercevoir, à une vingtaine de mètres de distance, le rougeoiement intermittent d’une cigarette. Qui pouvait être assez stupide pour allumer une cigarette sur un réservoir géant de gaz naturel ? Préville savait que nul membre de l’équipage n’aurait jamais enfreint cette règle fondamentale à bord d‘un méthanier : pas de feu.

Le fumeur pivotant légèrement, son visage fut brièvement éclairé par la lumière de son portable. Il était trop loin pour que Louis ne distingue autre chose que sa barbe qu’il portait sans moustache, comme les salafistes. Louis se recroquevilla contre la rambarde et attendit un instant. Après quelques minutes, le terroriste jeta son mégot dans la mer et reprit le chemin des quartiers d’habitation. Louis nota avec soulagement qu’il ne semblait pas avoir remarqué sa présence.

Il attendit encore quelques minutes, immobile, pour s'assurer que le terroriste était bien parti, puis il reprit sa progression.

Tâtonnant dans l’obscurité, Préville se représentait mentalement le plan du bateau qu’il connaissait parfaitement. Après avoir avancé de quelques mètres, c’est sans surprise que ses mains identifièrent la présence d’une porte sur sa gauche. Il saisit le métal froid de la poignée et poussa la lourde porte. Une lumière crue lui mordit les yeux.

L’endroit abritait le subcooler, un équipement qui permettait de reliquéfier les vapeurs de gaz naturel. La salle était déserte, comme l’avait anticipé le marin. Louis s’y engagea résolument et la traversa pour atteindre une autre porte. Poursuivant son exploration, il franchit la deuxième porte qui donnait sur un escalier permettant d’accéder aux moteurs électriques du navire. Préville fut saisi par le bruit qui régnait dans la vaste salle. Elle était également éclairée et vide de toute présence.

Du haut des marches, Préville nota immédiatement la présence d’un détail inhabituel : au milieu de la salle, tapie entre les moteurs, se trouvait une masse sombre qu’il n’arrivait pas à identifier. S’approchant de l’objet, il réalisa avec un frisson d’horreur qu’il s’agissait d’un engin explosif relié à un détonateur.

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