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« Bonjour Monsieur Guillebot. Madame Proust est à la réception pour vous. Est-ce que je dois la faire monter ? » Arrivé quelques minutes plus tôt dans la cellule de crise, Alexandre avait vu le numéro de l’accueil de la tour EUROGNL s’afficher sur son téléphone. Il s’attendait à l’arrivée de Victoria qui l’avait informé un peu plus tôt de la décision de la détacher dans la cellule de crise de l’entreprise pour assurer la liaison avec l’Elysée et le Quai d’Orsay. Alexandre avait accueilli la nouvelle avec plaisir. Le contact avec Victoria passait bien.

Il sentait une certaine proximité avec la jeune fille qui, comme lui, se trouvait mêlée à des évènements dont l’ampleur la dépassait. Il était impressionné par son aisance dans les lieux de pouvoir de la république.

Lorsque la porte de l’ascenseur s’ouvrit, il aperçut Victoria dont le regard semblait chercher un visage familier. Ses traits s’illuminèrent quand elle reconnut Alexandre. Le jeune homme ressentit une certaine gêne devant ce sourire sans qu’il ne puisse se l’expliquer.

Victoria avait les cheveux détachés. Elle était vêtue d’un simple jeans et d’un chemisier de couleur camel, sobre et élégant, qu’elle portait sous un blouson de cuir souple brun. Elle avait aux pieds des bottines en cuir de la même couleur que le blouson.

Victoria embrassa spontanément Alexandre sur les deux joues, comme le font les Parisiennes avec leurs amis.

Alexandre entraîna Victoria dans la cellule de crise. Après avoir fait les présentations, il proposa à la jeune femme de s’installer à côté de lui.

Dans l’atmosphère bourdonnante de la cellule de crise, les sonneries du téléphone se succédaient sans interruption. Alexandre observait ses collègues concentrés et méthodiques, les uns au téléphone, les autres plongés dans leurs écrans. Tous tendus vers un seul objectif : sortir de la crise au plus vite et dans les meilleures conditions pour l’équipage, l’entreprise et toutes les parties prenantes.

L’une des personnes se levait à intervalles réguliers pour aller interroger chacun des participants. Elle occupait la fonction « d’event logger ». Son rôle consistait à tenir un registre de tous les évènements survenus pendant la cellule de crise : en particulier, tous les échanges (emails, appels téléphoniques, réunions…) devaient être enregistrés avec leur date et heure. Cette fonction permettait de reconstituer exactement le déroulé de la crise et des actions entreprises, même plusieurs mois ou années après celle-ci. Ce travail était indispensable dans la mesure où ces évènements étaient susceptibles de faire l’objet d’actions juridictionnelles par la suite.

L’event logger passait donc régulièrement auprès de chaque membre de la cellule de crise vérifier qu’aucun échange n’avait été omis dans son registre.

Christophe, le responsable de la cellule de crise, annonça un nouveau « time out ». Chacun releva la tête et mis son téléphone en mode avion.

« Peut-on faire le point sur le risque de roll-over ? »

« Le risque est en train d’être modélisé. En attendant d’avoir le résultat, nous étudions la possibilité d’un transshipment. Nous avons un bateau en ballast à moins d’une journée de navigation qui pourrait être un bon candidat. » lui répondit l’ingénieur en charge de cet aspect de la crise.

Tout le monde sentait bien que le transshipment, qui consistait à placer un autre bateau le long de la coque du premier afin de transférer tout ou partie de sa cargaison, était difficile à mettre en œuvre. D’un point de vue technique, c’était une opération bien maîtrisée, même si en haute mer la taille des vagues et la houle pouvaient rendre sa mise en œuvre difficile. En revanche, quel équipage accepterait de s’amarrer coque à coque avec un méthanier chargé de GNL et à la merci de terroristes islamistes ? En temps normal c’est une entreprise risquée, mais quand un méthanier détourné par des terroristes venait d’être annihilé au large de Boston, c’est tout simplement une opération suicide.

« Okay merci. Je veux qu’on creuse le scénario du transshipment, même s’il est peu crédible. »

Christophe passa ensuite en revue les différentes actions listées dans le plan d’actions.

« J’ai du nouveau de la cellule de crise de l’Elysée ». Alexandre interrompit ce qu’il faisait pour écouter Victoria avec attention.

Victoria poursuivit « L’armée a déployé un relais 4G à proximité du LNG Surcouf ».

« Quel est le but de l’opération ? » interrogea Alexandre qui ne comprenait pas en quoi ça pouvait améliorer la situation.

« Il est double : permettre à des membres de l’équipage de communiquer avec nous s’ils ont pu garder leur portable. Et intercepter toutes les données utilisées par les terroristes qui se connecteront à ce réseau ».

« C’est habile en effet. Mais sans être expert en télécommunications mobiles je ne vois pas comment placer une borne 4G au milieu de nulle part… »

« C’est techniquement assez facile. Ici, c’est le SNA Suffren qui fait flotter en surface une bouée avec le relais à quelques centaines de mètres du navire. Ils utilisent une liaison satellitaire pour assurer un fort débit 4G ».

Alexandre avait du mal à cacher son étonnement.

« Et ce n’est pas tout » ajouta Victoria avec un regard malicieux. « Les terroristes ont déjà mordu à l’hameçon : deux appareils se sont déjà connectés en échangeant des messages en arabe à caractère islamiste. L’un des deux a été utilisé pour surfer sur des sites d’information en langue française. »

Le jeune responsable de la communication était époustouflé par le stratagème et son efficacité. En quelques heures, l’armée française avait placé des pions stratégiques dans leur bras de fer avec les terroristes.

Grâce à cet ingénieux système, les Français avaient en outre déjà collecté une information intéressante : au moins l’un des terroristes est francophone.

« Ça reste entre toi et moi bien entendu » fit la jeune fille avec un clin d’œil. « L’information est classée secret-défense ».

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