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« Les canalisations marquées en bleu transportent le gaz liquide à -162° Celsius. Vous pouvez voir des formations de glace autour de certaines valves malgré la chaleur ambiante. Les canalisations marquées en jaune contiennent le gaz sous forme de vapeur. »
Sébastien écoutait attentivement les explications du commandant du LNG Jacques Cartier. C’était la première fois qu’il visitait un méthanier et il commençait à prendre conscience des dimensions du bateau. Il notait que la forêt de tuyaux emmêlés offrait un terrain propice à une progression à l’abri des regards de l’ennemi.
Accompagné de ses hommes, Sébastien visitait méthodiquement le méthanier dont il essayait de comprendre le plan et le fonctionnement.
Le commandant poursuivait son cours théorique. « Le gaz liquide est chargé sur le navire par les bras de chargement que vous pouvez voir au centre du navire. Le GNL est ensuite réparti dans les quatre réservoirs qui ont été refroidis au préalable pour éviter un réchauffement et une évaporation du liquide. »
« Merci pour vos explications. » interrompit poliment le militaire. « Ce que j’essaie de comprendre, c’est dans quelle mesure votre bateau est différent du LNG Surcouf ? » poursuivit l’officier.
« Le LNG Jacques Cartier et le LNG Surcouf sont absolument identiques. Ils ont été construits en même temps sur le même chantier en Corée. » lui répondit le commandant.
« Donc les coursives sont les mêmes, ainsi que les portes, les escaliers, l’échelle de coupée… »
« Le plan du bateau est strictement le même, tout comme les équipements, tuyaux, valves, réservoirs, etc. »
« Pouvez-vous me montrer les différentes caméras à bord et leur champ de vision ? »
Le chef des terroristes écoutait la radio grésiller. « Ici la frégate Languedoc, pour le LNG Surcouf, répondez ». Après trois appels, de la frégate, il prit le combiné de la radio et répondit avec lenteur « Ici le LNG Surcouf, je vous écoute ».
« Ici le colonel Drian, je souhaite parler à la personne en charge du navire. » grésilla la radio.
« Je suis la personne en charge, cheikh Abou Saïf al Faransi ».
« Je voulais revenir vers vous à propos de vos exigences. »
« Bien. Quand seront-elles mises en œuvre ? »
« Nous sommes prêts à accéder à certaines demandes dans la mesure où elles sont raisonnables. Votre troisième demande concernant les détenus en Europe peut facilement être mise en œuvre, notamment en France. Mais comprenez que tout ce qui dépend d’autres états, comme vos demandes numéro 1 et numéro 2, est plus compliqué à mettre en œuvre. En outre… »
« En outre ? » répéta le terroriste sur un ton interrogateur.
« En outre » poursuivit la radio, « nous avons besoin de nous assurer de votre bonne foi et pour cela nous vous demandons de libérer des otages. »
Victoria se pencha vers Alexandre qui tendit l’oreille. « Je ne comprends pas le lien entre l’attaque aux Etats-Unis et l’attaque du Surcouf. »
« Tu veux dire que tu ne vois pas le lien entre deux méthaniers détournés à vingt-quatre heures d’intervalle par des terroristes islamistes ? » répondit Alexandre un brin moqueur.
« Bien sûr qu’il y a un lien entre les deux » fit Victoria levant les yeux au ciel. « Mais j’ai du mal à comprendre comment ces deux détournements s’articulent dans un plan d’ensemble. »
« Je t’accorde qu’on ne sait pas encore très bien l’objectif des terroristes sur le Surcouf. En revanche, on peut comprendre l’objectif de l’équipe de Boston. Le terminal d’Everett est situé dans une zone urbaine dense. S’ils avaient réussi à faire exploser le bateau à proximité immédiate du terminal, le nombre de victimes aurait été énorme. Le terminal d’Everett est l’un des plus anciens dans le monde. Il a été construit au cœur de la ville de Boston, à moins de trois kilomètres du centre-ville et du campus d’Harvard. Symboliquement, l’attaque aurait été un coup très rude porté à l’Amérique. »
« Mais les terroristes savaient que les Américains ne les laisseraient jamais s’approcher, non ? »
« Oui, c’est vrai que chaque opération de déchargement à Everett est effectuée sous la surveillance de la police et de l’armée. Il faut voir les soldats postés sur les ponts le long du parcours ou escortant les méthaniers en zodiacs : c’est impressionnant. » ajouta Alexandre.
« Donc, l’objectif n’était pas vraiment le terminal lui-même. » dit Victoria avec l’air de réfléchir. « L’intention des terroristes était avant tout de marquer les esprits. »
« …et d’amplifier les effets du détournement en mer d’Arabie » compléta Alexandre. « Tu as probablement raison. Le détournement du Surcouf dans une zone aussi sensible que la proximité de la mer Rouge et surtout le Golfe Persique a un impact très fort sur les marchés. Il suffit de regarder les chaînes d’information continue pour constater que les deux détournements ont engendré un véritable krach boursier. »
Le portable de Victoria se mit à vibrer, l’écran affichant le prénom « Arnaud ». Alexandre nota que la jeune fille refusait l’appel avant de replacer son portable devant elle, face contre la table. Victoria avait perdu son sourire.

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