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L’arrivée de Victoria et d’Alexandre dans la cellule de crise ne passa pas inaperçue. Après leur passage à l’infirmerie de la tour, Victoria avait la main gauche bandée. Le visage d’Alexandre était tuméfié, son œil gauche à moitié fermé. Les participants de la cellule de crise les dévisageaient avec un air étonné. La stupéfaction laissa rapidement place à des réactions indignées.
Alexandre coupa court aux commentaires en relatant les informations qu’ils avaient pu récolter lors de leur entretien avec Kader.
L’indignation générale se transforma en applaudissements. L’impression de progresser dans la bonne direction venait, pendant un instant, de faire oublier le sentiment d’impuissance de ces personnes dédiées à gérer une crise qui leur échappait.
Alexandre et Victoria allaient s’installer à leurs postes de travail quand Alain, le chef d’Alexandre, interpella celui-ci l’index levé.
« Alexandre, je te signale que notre entreprise prohibe strictement les déplacements en deux-roues dans un cadre professionnel. »
Alexandre opina de la tête sans répondre.
Les deux compagnons n’en croyaient pas leurs oreilles. Ils regardèrent Alain sortir de la pièce.
« Il est toujours comme ça ? » demanda Victoria.
Paris, janvier 20**, studio boulevard Raspail
Elle lui avait dit s’appeler Kelly. Il ne savait pas si c’était son vrai nom et à vrai dire cela lui importait peu. Il l’avait sélectionné sur son application parce qu’elle correspondait au type physique qui le faisait bander : grande, blonde, gros seins, taille fine.
Elle était là devant lui à essayer d’imiter les actrices des séries américaines. Mohamed l’observait pendant qu’elle enlevait son manteau de fourrure. Elle devait être légèrement plus âgée que lui. 30 ans peut-être, d’origine magrébine. Les cheveux teints en blond platine, les yeux noyés dans le make-up, les lèvres brillantes de gloss, une poitrine exagérément ronde…
« C’est petit mais c’est mignon chez toi », minauda l’actrice de porno. Le studio de 20 mètres carrés n’avait aucun charme mais Mohamed accepta le compliment sans broncher.
Malgré tout le mépris qu’il pouvait ressentir pour cette prostituée, il ne pouvait s’empêcher d’être intimidé par cette femme. Cette gêne était systématique à chaque fois qu’il se trouvait en présence d’une personne de l’autre sexe. Et elle était encore pire quand il s’agissait d’une étudiante qu’il croisait en cours à l’IEP ou en soirée. Il enviait profondément les autres étudiants qui osaient aborder les filles avec assurance. Lui ne le pouvait pas et il se consolait en se persuadant qu’il les respectait davantage que ses camarades.
« Déshabille-toi » dit Mohamed d’un ton sec qui se voulait assuré à la prostituée.

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