5-7
Le bruit de la détonation fit sursauter les spectateurs. Préville était tombé à genoux, tremblant de tous ses membres. Le corps du commandant était allongé devant lui, le regard figé dans une expression d’incompréhension.
Contre toutes attentes, Abou Saïf avait pivoté sur lui-même et tiré dans le cœur du vieux commandant.
Il avait jeté un regard méprisant à sa victime en ajoutant « Vous m’aviez prié de prendre la place de votre matelot philippin. Vous lui passerez le bonjour en enfer. Comme vous me l’avez répété : vous êtes responsable de ce qui se passe sur ce bateau et c’est pourquoi justice vous a été rendue. »
Les larmes ruisselaient sur le visage de Préville.
Se tournant vers lui, Abou Saïf reprit la parole « Vous êtes désormais responsable de ce bateau et de sa cargaison. Inutile de vous dire que je ne tolérerai plus aucun écart de votre part. Commencez par aller vous doucher et mettre des vêtements propres. »
Et s’adressant à Karem : « Retournez dans votre cuisine et contentez-vous de faire votre job de cuistot, ni plus ni moins. »
En enlevant le mode « avion » de son téléphone à l’issue du point de situation, Alexandre avait découvert plusieurs notifications et un appel en absence. Victoria avait essayé de l’appeler quelques minutes plus tôt. Il décida de la rappeler immédiatement.
« Alex ? J’ai peur que la situation se soit clairement dégradée sur le Surcouf. » Victoria parlait d’une voix marquée par l’émotion.
« Tu veux parler de l’avion abattu ? » interrogea Alexandre.
« Non. Enfin pas seulement. On a perdu le contact avec Préville. Je pense que sa présence a été découverte. » Un frisson parcourut l’échine d’Alexandre.
« Et ce n’est pas tout… » le communiquant sentait que Victoria avait du mal à formuler la deuxième nouvelle. Enfin, au bout de quelques secondes, elle articula « les terroristes affirment avoir exécuté le commandant. »
« Mon dieu ! » laissa échapper Alexandre. Il réalisa que Christophe le regardait avec un œil interrogateur.
« Et tu as raison : la destruction de l’avion chinois par les Américains est également particulièrement inquiétante. On est au bord de la guerre mondiale. » continua Victoria après un silence.
Après avoir raccroché, Alexandre mit rapidement Christophe au courant de ce que Victoria lui avait appris.
« Il va falloir appeler la famille du commandant avant qu’ils ne l’apprennent, si ce n’est pas déjà trop tard. » lui dit Christophe. « Peux-tu t’en occuper ? »
Alexandre eut un mouvement de recul. N’était-ce pas le rôle des Ressources Humaines d’annoncer ce genre de nouvelles ? Mais après réflexion, il comprenait que c’était plus simple de le faire directement pour ne pas perdre de temps. A l’ère des réseaux sociaux, ils n’avaient parfois que quelques minutes pour communiquer une annonce avant qu’elle ne soit connue du public.
Alexandre avait échappé à cette obligation pour le matelot philippin : c’était le représentant de EUROGNL aux Philippines qui avait été chargé de transmettre la mauvaise nouvelle : il maitrisait la langue et la culture.
Pour le commandant français c’était différent. Il avait fait toute sa carrière à bord des méthaniers d’EUROGNL. Il allait prendre sa retraite après cet ultime voyage.

Annotations
Versions