5-11
Le portable d’Alexandre frémissait à nouveau dans sa poche. Le numéro de son correspondant n’était pas reconnu. Alexandre s’éloigna de quelques pas pour prendre l’appel. Il identifia immédiatement le timbre militaire dans le combiné.
« Monsieur Guillebot ? Ici le général Bertin en charge de la crise sur le Surcouf. »
Alexandre n’eut pas le temps de le saluer que le général avait déjà enchaîné.
« Je croyais que vous vous occupiez de communication ? Pouvez-vous faire en sorte que les informations que nous vous partageons ne soient pas communiquées au public ? Merci de faire votre travail sans nous empêcher de faire le nôtre. Vous mettez en péril l’opération, la sécurité des soldats et de l’équipage du Surcouf. »
Le ton était comminatoire. Alexandre essayait de comprendre de quoi il s’agissait.
« Général, je ne comprends pas. De quoi parlez-vous ? »
« Je parle de cet article du journal La Victoire qui annonce à qui veut l’entendre que l’assaut des forces spéciales est prévu ce soir. »
« Merci pour cette information que j’ignorais. Pourquoi pensez-vous qu’elle vient de chez nous ? » demanda Alexandre en essayant de garder son calme.
« Parce que c’est le journaliste lui-même qui le précise dans son article : ‘Selon une source managériale d’EUROGNL’. »
Alexandre fronça les sourcils en répondant sur un ton ferme : « Je vais faire mon enquête et m’assurer que cela ne se reproduise plus. »
Il raccrocha et se connecta au site du journal. L’article y était mis en avant comme une « breaking news ». Il lut le texte avec une expression soucieuse. Victoria se rapprocha pour lui demander les raisons de sa préoccupation.
« Le journaliste de La Victoire a réussi à obtenir des informations confidentielles de la part d’un cadre d’EUROGNL. Et je pense savoir de qui il s’agit. »
Victoria regardait Alexandre plongé dans la lecture de l’article, attendant qu’il précise ses soupçons.
Le communicant désigna l’écran de l’index.
« Ce sont les éléments que j’ai communiqués à Alain en quittant le bureau tout à l’heure. Il a même répété une erreur sans la corriger : le commando Trépel n’est pas basé à Toulon mais à Lorient. Je l’ai réalisé après coup »
Victoria se mit elle-même à tapoter sur son smartphone. Au bout de quelques secondes, elle laissa échapper un petit cri de victoire.
« Ton chef Alain connaît bien Laurent Dupont, le journaliste de La Victoire : d’après Linkedin, ils sont diplômés de la même université, la même année… »
Alexandre entendit la tonalité se répéter plusieurs fois avant qu’Alain ne réponde à son appel.
« Alain, j’aimerais te parler. C’est impo... » commença Alexandre avant d’être interrompu.
« Alexandre, je ne suis pas disponible. On n’appelle pas les gens le dimanche soir ! »
« Oui, mais il faut que… »
« Ça peut attendre demain matin. Bonne soirée ! »
Le ciel nocturne était zébré par les éclairs. Le vent s’était levé d’un coup et la mer agitée balançait désormais l’énorme vaisseau dans tous les sens. A intervalles irréguliers, les traits de lumière brisée révélaient pendant des fractions de secondes la meute hostile les épiant sans relâche à l’horizon.
Les djihadistes écoutaient leur chef donner le briefing du soir dans l’obscurité de la passerelle. Les visages étaient graves, les traits tirés, éclairés par la pâle lumière des instruments de navigation.
Le sol et les murs se mouvaient autour des djihadistes. Ils étaient prisonniers d’un monstre marin dont les grondements intérieurs trouvaient désormais un écho dans le fracas du tonnerre, comme si l’orage l’avait décidé à se mettre en branle.
« Avec la perte de leur canal de communication et la mort du commandant, l’attaque de nos adversaires n’est désormais plus qu’une question d’heures. » disait Abou Saïf à ses hommes.
« L’heure du martyre approche. Nous sommes dans la main d’Allah. » continua-t-il en regardant chacun de ses hommes dans les yeux, cherchant à y déceler les indices du découragement. Mais la détermination de ses compagnons semblait intacte.
« Allahu Akbar ! » prononça-t-il d’une voix ferme.
« Allahu Akbar ! Allahu Akbar ! » lui répondirent ses hommes à l’unisson.
Abou Saïf attendit quelques secondes avant de donner ses instructions.

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