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Alexandre poussa avec agacement la porte tambour de la tour EUROGNL. Il avait mis une bonne heure et demie à faire un trajet qui lui prenait habituellement vingt-cinq minutes et il était d’une humeur exécrable.

Il avait pourtant été soulagé quand la rame de métro dans laquelle il s’était installé avait démarré malgré la grève annoncée. Mais la chance avait été de courte durée : son voyage avait été interrompu à la sixième station et il avait dû regagner la lumière du soleil au niveau du rond-point des Champs-Elysées. Il avait continué son périple vers La Défense en bus : la ligne 73 ne semblait pas affectée par la grève et lui offrait une liaison directe depuis les Champs-Elysées.

La circulation était étrangement fluide en ce lundi matin et il avait rattrapé une partie de son retard lorsque le bus fut lui aussi stoppé au niveau de la Porte Maillot. Il s’agissait cette fois d’une manifestation qui l’obligea à descendre du bus et à trouver un autre moyen de transport. D’après les slogans qu’il entendait, les manifestants dénonçaient leur niveau d’imposition. « Le choix du parcours est bien choisi », pensa Alexandre « Il doit croiser le chemin des contribuables les plus aisés de la région parisienne. »

Après plusieurs tentatives infructueuses, Alexandre avait fini par trouver une station Vélib avec une bicyclette disponible. Il l’inspecta sous toutes ses coutures pour vérifier que les pneus n’étaient pas crevés, que la chaîne était en place et que selle et guidon étaient bien fixés. Satisfait par son examen, il avait enfourché le Vélib et pris la direction de La Défense où il était arrivé sans plus d’encombre. Mais c’était sans compter sur la disponibilité des stations Vélib qui étaient apparemment toutes déconnectées du réseau. Après une autre demi-heure d’exploration, il avait réussi à déposer son vélo à La Garenne Colombes, avant de regagner la tour EUROGNL à pied.

L’atmosphère était orageuse. De lourds nuages noirs obscurcissaient le ciel entre les tours. La chaleur était difficilement supportable et les vêtements d’Alexandre étaient trempés par la transpiration.

Les abords de la tour étaient anormalement paisibles. Le parvis était dépeuplé et il était frappé par le silence qui y régnait : il avait l’impression d’être encore en weekend. Les journalistes au pied de la tour étaient toujours là, mais beaucoup moins nombreux que la semaine passée. La crise du Surcouf faisait certes toujours la une de l’actualité. Mais elle partageait désormais cette une avec les tensions internationales et les troubles sociaux.

Alexandre ne prit pas immédiatement la direction de la cellule de crise. Il voulait d’abord avoir une explication avec son chef.

Celui-ci était assis derrière son bureau et lui fit signe d’entrer quand il l’aperçut.

« Tu n’es pas très matinal aujourd’hui » lui dit Alain en guise de salutation.

« Peu importe. J’ai été informé hier par l’armée française qu’une personne dans le management d’EUROGNL transmet des informations confidentielles à la presse. » lui répondit Alexandre sans se fatiguer à saluer son chef pour lequel il éprouvait un sentiment d’antipathie croissante.

« Des informations confidentielles ? » répéta Alain en fronçant les sourcils.

« Oui dans La Victoire. Un article de Laurent Dupont. »

Alain eut un moment de gêne, puis marmonna « Ça ne me dit rien. »

Puis, regardant ses papiers sur son bureau, il fit un signe de la main pour congédier Alexandre.

« Je suis assez occupé. On verra ça plus tard. »

Christophe attendait Alexandre pour faire le point de situation.

Alexandre n’apprit pas grand-chose qu’il ne sut déjà. La principale information était l’annulation de l’intervention des forces spéciales en raison des orages et sa reprogrammation prévue la nuit suivante.

Par ailleurs, les otages libérés la veille devaient faire aujourd’hui l’objet d’un bilan médical et psychologique complet. La société EUROGNL avait mis des psychologues à leur disposition ainsi qu’à celle de leurs proches. Ils seraient ensuite rapatriés dans leur pays dans des vols civils.

Victoria le rejoignit alors qu’il était encore en briefing. Elle avait choisi un pantalon tailleur bleu marine qui lui donnait un air sérieux, atténué par son éternel sourire « C’est encore le weekend chez EUROGNL ? » demanda-t-elle avec un clin d’œil. Puis elle ajouta : « As-tu pu parler avec ton chef ? »

Alexandre lui expliqua en quelques mots l’échec de sa tentative quelques instants plus tôt et ses scrupules à en référer à Baecker. « Alain est mon chef direct, si je le balance il ne me laissera pas en paix. » marmonna-t-il avec un air de découragement.

Victoria était outrée. « Alain n’est pas mon chef et je représente ici le gouvernement. Je vais voir Baecker. »

Et avant que le jeune homme ait pu répondre, la conseillère élyséenne se dirigeait déjà vers le dernier étage de la tour.

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