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Sur les écrans de la cellule de crise, Alexandre et Victoria pouvaient voir des images d’émeutes mais le son était au minimum. Après avoir augmenté le volumes, les paroles du présentateur devinrent intelligibles.

« …l’actualité internationale menace également la coexistence pacifique entre les différents groupes religieux qui constituent notre communauté nationale. On ne compte plus les mosquées incendiées dans plusieurs villes de France. En parallèle plusieurs agressions à l’encontre de membres de la communauté musulmane ont été signalées ces dernières heures. Par ailleurs, des personnes de confession israélite ont été victimes de véritables chasses à l’homme dans plusieurs villes de province, en Seine-Saint-Denis et dans le XXème arrondissement de Paris. »

Plusieurs personnes interrogées dans la rue donnaient ensuite leur témoignage.

« Ils attendaient les fidèles à la sortie de la prière. Mon mari et mon fils ont été pris à partie et roués de coups. » disait une femme voilée. « J’ai très peur pour ma famille ».

« Ils disent que ce sont des musulmans qui ont attaqué ces bateaux. » protestait un homme d’une cinquantaine d’années d’origine maghrébine. « Mais à qui profitent ces attaques ? Je vais vous le dire : aux Etats-Unis et à Israël qui vont pouvoir envoyer leurs missiles sur l’Iran et maltraiter encore plus les Palestiniens. C’est un complot de la CIA et du Mossad. »

« On note dans certaines manifestations des slogans à caractère antisémite ou hostiles à l’état d’Israël, notamment à Paris. Toutes les compagnies de CRS et de gendarmes mobiles disponibles ont été déployées pour éviter les heurts, en particulier dans les villes où, malgré les interdictions préfectorales, des manifestations de groupes opposés ont lieu. Malgré ces précautions, des débordements ont déjà été observés à Nantes et à Vienne. Des groupes de manifestants antagonistes se sont confrontés à plusieurs endroits. Plusieurs personnes ont été blessées par armes blanches. A Marseille, des tirs à l’arme automatique ont fait plusieurs victimes : une mère de famille touchée par une balle perdue est décédée et plusieurs autres personnes ont été blessées. »

« Mon dieu ! » laissa échapper Victoria. « On a l’impression d’être en guerre civile. »

Le journaliste poursuivait « Au-delà des échauffourées entre manifestants, des groupes de hooligans et de jeunes venus des quartiers sensibles se sont infiltrés dans les cortèges. Extrêmement mobiles, ces éléments étrangers aux manifestants recherchent le contact avec les forces de l’ordre en utilisant des techniques de guérilla. On dénombre plusieurs dizaines de policiers blessés par des jets de pierres et de cocktails molotov. D’autres s’en prennent au mobilier urbain, s’introduisent dans les commerces et s’adonnent à des pillages. Les manifestants réguliers sont également la cible de vols sous la menace. La police étant largement dépassée par l’ampleur des évènements, le premier ministre a sollicité l’armée pour protéger les sites sensibles et les lieux de culte. Au-delà de nos frontières, la situation chez nos voisins n’est pas plus enviable. La plupart des grandes métropoles européennes connaissent des manifestations contre l’inflation. En Angleterre, des émeutes raciales ont éclaté à Manchester et Liverpool. »

Des images de différentes villes européennes défilaient à l’écran, laissant ensuite la place à une déclaration télévisée du premier ministre britannique appelant la population au calme.

De retour en studio, le journaliste reprenait la parole : « Des sources policières semblent indiquer que les services de pays hostiles tenteraient d’amplifier les troubles en inondant les réseaux sociaux de fake news. »

Le journaliste avait fait une pause dans son discours et semblait se concentrer sur son oreillette. « J’apprends à l’instant qu’un individu s’est introduit dans une église à Tours et retiendrait quatre personnes en otage. Il agiterait la menace de tuer ses otages et de faire exploser l’édifice. Le ministère de l’Intérieur a annoncé avoir envoyé le GIGN sur les lieux. Nous vous tiendrons informés de l’évolution de la situation. »

« Tours ? C’est là où habitent mes parents » souffla Victoria.

Et après un rapide coup d’œil sur les réseaux sociaux : « Il s’agit de la basilique Saint Martin » prononça-t-elle avec une pointe d’inquiétude. Mes parents vivent à côté.

Pendant ce temps, le présentateur avait repris le fil de son récit « Le quartier d’affaires de La Défense a été le théâtre de scènes d’émeutes ce weekend, notamment autour du siège de la société EUROGNL qui a affrété le méthanier LNG Surcouf. Celui-ci est toujours occupé par des terroristes qui menacent de le faire exploser dans… »

« C’est le chaos, et il se rapproche de plus en plus de nous » murmura Alexandre en baissant à nouveau de son du téléviseur.

Le portable de Victoria émit un bip et la jeune fille prit machinalement connaissance du message reçu.

Alexandre la vit pâlir et retourner son portable, la face vers la table.

Il lui demanda : « tout va bien ? » La jeune fille fit oui de la tête et se plongea dans la lecture d’un rapport ouvert devant elle. Alexandre n’insista pas.

Le contexte global était particulièrement angoissant. Du point de vue de la communication corporate, Alexandre savait qu’il n’y avait rien à faire. En revanche, il n’était pas certain de saisir l’impact de toutes ces nouvelles sur la valorisation de l’action EUROGNL. Il envoya un message à la responsable de la communication financière pour faire un état des lieux.

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