Chapitre 25 : Yohan
Steeve quitte la chambre, m’envoie une bise avec ses mains et referme la porte derrière lui. J’ai le cœur brisé de le laisser s’en aller, mais je dois absolument reprendre les cours. J’enfile un jean et un sweat-shirt sans même prendre le temps de les assortir, avant de passer un coup de brosse dans mes cheveux qui se dressent en frisettes avec l’humidité. Quelques gouttes d'après-shampoing et les voilà coiffés.
Je jette mon sac sur une épaule et quitte la chambre. Julio se tient devant moi, les yeux humides et le regard triste.
« Putain… Mickaël ! »
Je suis pétrifié, je ne sais pas quoi dire. Il attrape son smartphone.
— Pourquoi tu me fais ça ?
— Pardonne-moi, j’aurais dû me montrer plus sincère avec toi…
Son visage s’inonde de larmes, ses yeux rivés sur son téléphone.
— Je pensais que tu étais différent…
« Différent de quoi ? Il se moque de moi ? »
— J’te demande pardon ?
Ce n'est qu'un texto, mais j'ai l'impression de lui avoir crié dessus.
— On ne sort ensemble que depuis quelques jours et tu me trompes avec le premier venu !
Je crispe les lèvres, son regard se durcit. La tension s’accentue d’un cran.
— C’est toi qui oses dire ça ? Tu veux qu’on parle de ce que tu as fait avec Kevin et Karim ?
Il se fige, la surprise remplace soudain la tristesse.
— Comment tu sais ça ?
Inutile d'ajouter de l'huile sur le feu, j'élude sa question.
— Je le sais, c’est tout ! Alors, tu serais gentil de garder tes reproches pour toi !
Ses lèvres tremblent, ses yeux me transpercent.
— J'étais tellement frustré quand on s'est quitté l'autre soir que j'ai pas pu résister…
— Ravi d'apprendre que c'est ta bite qui te dicte ta conduite…
Je m'emporte, je ne sais pas pourquoi. C'est peut-être plus simple ainsi ?
— Parce que tu es un modèle de vertu ? Mickaël nous a tout raconté !
— Avec lui, c'est différent !
Je hurle si fort que d'autres étudiants nous dévisagent. Julio me scrute, la bouche ouverte, ébahi par ma ferveur. Il secoue la tête et s'éloigne. Je l'arrête.
— Non, attend, Julio ! Excuse-moi je… c'est compliqué. Je traverse quelque chose de… bizarre… j’ai besoin de me recentrer sur mes sentiments, d’y mettre de l’ordre, tu comprends ?
Il soupire et me lance un regard assassin.
— Et pour ça, t'avais besoin de baiser avec lui ? Va te faire foutre, Yohan !
J'explose.
— Toi aussi, va te faire foutre !
Il s'éloigne et donne un coup de pied dans une poubelle au passage. J'ai le visage en feu, un profond sentiment d'injustice me tiraille.
« Connard de ritale ! »
—
La sonnerie met enfin un terme à cette éprouvante journée de cours, je suis inquiet, Steeve n’a répondu à aucun de mes messages. Mickaël se penche vers moi.
— Alors ?
— Non, toujours pas…
Il passe un bras sur mon épaule et m’attire vers lui avant de déposer une bise sur mon front.
— Ne t’en fais pas, il répondra.
Son clin d’œil me fait du bien, mais je ne peux m’empêcher d’être soucieux.
Tandis que nous nous dirigeons vers le distributeur pour une collation méritée, Lucia nous rejoint, vraisemblablement énervée.
— Salut, Yohan, lâche-t-elle avec virulence.
— Laisse-moi deviner, ton frère est venu chouiner dans tes jambes ?
Nous échangeons un regard exaspéré qui enflamme aussitôt le sujet.
— Comment tu peux te montrer aussi égoïste ? lance-t-elle en secouant la tête.
— Égoïste ? J'aurais tout entendu ! Il t'a parlé des deux gars qu'il s'est tapé le soir où on est sortie ensemble, hein ?
Elle écarquille les yeux, Julio semble avoir volontairement omis ce détail. Je jubile de l'avoir mouchée.
— Il se permet une crise de jalousie sans raison, mais c'est moi le méchant de l'histoire !
— T'avais pas à draguer ce mec devant lui !
Je tourne la tête en soupirant et remarque un attroupement autour de nous. Mickaël recul, hésitant à prendre parti.
— Mais quelle drague ? Tu m'as bien regardé ? J'ai jamais dragué de ma vie !
— Oh, arrête ton baratin de p'tit prude de la campagne ! Ça crevait les yeux que tu voulais lui sauter sur la braguette, à ce type !
À mon tour d'être mouché. Je ne m'étais pas rendu compte que mon émoi face à Steeve s'était vu aussi bien.
— Et voilà que le lendemain matin, Mickaël te surprend avec sa bite dans la bouche ! Quelle coïncidence !
Je me fige, le dévisage. Il sourit bêtement.
— Mais qu'est-ce que t'as raconté, bordel ?
Il baisse la tête et hausse les épaules, un sourire gêné sur le visage. je m'en veux aussitôt de l'avoir mêlé à tout ça.
— Avoue-le, Yohan ! Tu voulais juste profiter de mon frère handicapé parce que t'es qu'une p'tite pute.
Le public entonne un « OH » de surprise tandis que je manque de m'étouffer.
— T'ouvres ta grande gueule alors que tu sais rien ! Ta parole vaut pas mieux que celle de ton frangin ! Et c'est pas parce qu'il est muet que ça l'empêche de sucer toutes les bites qui passent !
Elle me gifle, éclate en sanglot.
— T'es qu'un enfoiré ! Tu sais rien de ce qu'on a traversé, alors ferme ta gueule, t'entend ?
Je pose une main sur ma joue endolorie et la regarde s'éloigner en pleurant, écartant la foule d'étudiants qui me dévisagent d'incompréhension. Mickaël s'approche et pose sa main sur mon épaule. Je le repousse et lui lance un regard assassin.
— Excuse-moi, mon pote… je pensais pas que…
— Ouais, c'est exactement ça, Mickaël ! Tu pensais pas !
Furieux, j'attrape mon sac et me précipite vers les portes de l'établissement, l'abandonnant avec sa conscience.
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