Chapitre 27 : Steeve

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Je suis tellement épuisé que Tane me supporte jusque chez moi. J'ai mal au crâne et mes yeux me brûlent. Il ouvre la porte, me retire mes chaussures et me soulève en passant un bras dans mon dos et l'autre sous mes genoux. Je suis soulagé de l'avoir à nouveau auprès de moi. J'éclate en sanglots.

— Qui a-t-il ?

— Ma meilleure amie est…

— Je suis désolé, Steeve…

Ses yeux brillent, il a de la peine pour moi, il n'en est que plus beau. Il se penche et me donne un baiser sur la joue. Malgré la tristesse que j'éprouve face à la disparition de Lindsey, sa présence me rassure. Il m'emmène dans la chambre et me pose délicatement sur mon lit. Tandis qu'il m'aide à retirer mon accoutrement, il fronce les sourcils en découvrant mon boxer trop petit, l'air amusé.

— Je ne vais pas pouvoir rester, je bosse dans vingt minutes. Tu crois que ça ira ?

J'acquiesce.

— Maintenant que tu es revenu, oui.

Il me sourit et dépose un autre baiser sur ma joue. Je le retiens et l'embrasse plus passionnément.

— Je reviens à la fin de mon service, d'accord.

— D'accord…

Il se relève et s'apprête à quitter la pièce en me souriant, mais se ravise.

— Je ne t'en voulais pas, Steeve. J'ai juste eu… très peur…

Sans me laisser le temps de répondre, il se retourne et disparait. J'entends la porte d'entrée se refermer. Je soupire et pose ma tête sur l'oreiller, avant de glisser sous la couette duveteuse. Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'arrive, à mettre de l'ordre à mes émotions, à mes sentiments. Tandis que je cherche à y voir plus clair, mes yeux se ferment et un sommeil bienvenu m’enveloppe.

Brusquement, je suis réveillé en sursaut par de violents coups contre la porte d’entrée. Sans prendre le temps de me vêtir, je me lève et me dirige à tâtons dans l'appartement. J'ouvre la porte et découvre Yohan, les yeux humides et le visage figé.

— Yohan ? Qu'est-ce qui se passe ?

Il me tombe aussitôt dans les bras et éclate en sanglots, babillant un charabia inintelligible dans lequel se mélangent des prénoms dont je ne reconnais que « Mickaël ». Je l’entraîne vers le salon et tente de l'installer sur le canapé, mais impossible de lui faire lâcher prise, ses bras m'enserrent comme un boa constrictor prêt à dévorer sa proie.

— Attends, Yohan… doucement… tu m'étouffes !

Il me relâche enfin. Je prends une grande inspiration et secoue la tête.

— Respire un bon coup et dis-moi tout.

Ses sanglots semblent se calmer et son souffle s'apaise.

— Je me suis disputé violemment avec mes amis…

— Disputé ? Ce n'est pas une raison pour te mettre dans un état pareil.

Je me rends compte trop tard de la froideur de ma réponse. Ses magnifiques émeraudes se noient à nouveau et ses lèvres forment un arc de cercle vers là-bas.

— Non, pardon, c'est pas ce que je voulais dire… je suis pas au mieux de ma forme non plus… ma meilleure amie est…

De nouveaux coups à la porte me font sursauter. Je me précipite pour ouvrir et me rends compte que je suis toujours en sous-vêtement. J'attrape mon peignoir dans la salle de bain et me presse pour ouvrir la porte.

— Que tous les dieux du sexe soient loués, tu es là !

Mon corps n'en croit pas ses yeux, Lindsey se tient devant moi, nonchalamment appuyée sur le montant de la porte.

— Quelle histoire ! L'hôpital m'a dit que c'était toi qui avais récupéré mes affaires, t’as mon portable ?

Mes yeux s'embrument, un sourire de soulagement s'étire sur mon visage et je lui saute dans les bras.

— Putain de merde, Lindsey ! J'ai cru que t'étais morte, bordel !

Elle éclate de rire.

— Parce que tu trouves que cette poufiasse me ressemble ?

— Ben… à vrai dire… j'étais dévasté… j'ai surement mal regardé…

— Merci pour le compliment… dit-elle en levant les yeux au ciel.

Elle entre et commence à faire les cent pas, énervée.

— Cette salope m'a piqué mon sac à la sortie du Musée des Confluences ! Tu te rends compte ? Mes papiers, mon portable, ma carte bancaire, tout ! Comme j'ai une mémoire de poisson rouge, impossible de prévenir qui que ce soit et j'ai dû marcher jusqu'à l'hôtel parce que j'avais pas un rond pour un taxi, je t'explique pas la galère.

— Qui a prévenu ton travail, alors ?

— La meuf qui nous fait la formation, elle…

Yohan apparait timidement derrière elle, penaud et intrigué.

— Oh, désolé, Steeve, je ne savais pas que tu avais de la compagnie.

J'avoue l'avoir également oublié un instant.

— Lindsey, j'te présente Yohan.

— Salut, lance-t-il en se dandinant.

— Enchantée de te connaitre, charmant Yohan.

Elle s'avance et lui fait une bise, puis se tourne vers moi.

— Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, ajoute-t-elle en avec un clin d'œil.

Sur la console de l'entrée, j'attrape le petit sac en papier contenant ses affaires et le lui tends. Elle se presse de sortir son smartphone et l'embrasse.

— Je t'appelle plus tard, beau gosse, dit-elle en me lançant un baiser en dévalant les marches.

— OK ! À plus, ma belle.

Je referme la porte et me retourne en soupirant de soulagement. Yohan me sourit.

— C'est ta meilleure amie ?

— Oui.

— Celle qui est morte ?

— Oui…

— Mais si elle est morte, comment ça se fait que...

— C'est une longue histoire, le coupé-je en l'attirant vers le salon

J'attrape deux bières dans le frigo avant de le rejoindre sur le canapé.

— Pour te la faire courte, une nana lui a volé ses papiers et l'hôpital a cru que c'était elle qui était morte. Enfin, c'est moi qui l'ai cru, du coup. J'ai pas voulu la vexer, mais avec ses cheveux gras et sa mine de cadavre ambulant, elle lui ressemblait grave !

Yohan éclate de rire et m'emporte aussitôt dans son hilarité, à tel point que j'en pleure.

— J'ai l'impression que mes problèmes, c'est de la gnognotte comparée aux tiens.

— Gnognotte ? répété-je en haussant les sourcils. Ça fait belle lurette que je n'ai point entendu cette expression désuète.

Je lève le petit doigt en l'air en pinçant les lèvres et Yohan tombe du canapé en se bidonnant. Il pose une main sur ma cuisse pour se relever et ses yeux humides de joie me transpercent. Je lui souris et essuie une larme sur sa joue avec mon pouce. Sa peau douce m'électrise, il est si beau.

« Tu es si beau, Éric. »

Je me fige, mon regard trahit mon émoi et Yohan le remarque.

— C'est qui Éric ?

Mon sang se glace dans mes veines, j’ai cru l’avoir imaginé, mais j’ai bel et bien prononcé cette phrase.

— Tu as déjà parlé de lui ce matin.

Je suis au pied du mur, je ne peux pas m'enfuir, je ne peux pas lui faire ça. Yohan pose sa main sur la mienne. J'ai une furieuse envie de la retirer, mais je me fais violence pour ne pas l'éluder. Je dois être honnête avec lui.

— Éric est mon premier amour…

Il hoche la tête et plisse les yeux, il est attendrissant.

— Il est mort… il y a onze ans…

Il baisse la tête, ému par cette révélation.

— Tu… tu lui ressembles énormément…

Son visage s'illumine et ses joues s’empourprent.

— Je suis désolé… si j'avais su, je n'aurais pas posé la question…

— C'est pas grave, tu n'y es pour rien.

Ces derniers mots résonnent soudain dans ma tête.

« Toi non plus, tu n'y es pour rien ! »

Mes yeux s'écarquillent, s'embrument, mon cœur s'allège, tout est si évident.

« Je n'y suis pour rien et lui non plus ! Ce n'était qu'un accident ! Il ne m'a pas abandonné ! »

Inquiet, Yohan pose sa main sur ma joue. Je ferme les yeux, les larmes roulent dans mon cou, je soupire et pose ma main sur la sienne.

— Merci, Yohan. Tu n'imagines pas à quel point j'avais besoin de ça.

Tous les deux à fleur de peau, il attire délicatement mon visage vers le sien. Mais au moment où ses lèvres effleurent les miennes, une horrible sensation me vrille l'estomac et je le repousse.

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