Chapitre 29 : Yohan

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Les minutes qui s’écoulent ne sont qu’un flot d’images flou, de murmures des badauds qui regardent mon visage tuméfié avec dégout ou étonnement. Je m’appuie péniblement contre le mur d’un immeuble et me laisse glisser au sol. Mais une forme mouvante se précipite sur moi, je reconnais la voix de Karim qui m’aide à me relever et m’assoit dans sa voiture. Mes yeux sont lourds, la douleur m’accable.

— Je t’emmène à l’hôpital !

— Non… pas l’hosto… ma mère…

Mes pensées s’embrouillent et je m’évanouis sur le siège passager.

J’ouvre péniblement les yeux et remarque Kevin penché sur moi, les yeux humides.

— Karim ! Il se réveille !

La force de son appel me vrille les tympans et une grimace de douleur me déforme le visage lorsque j’essaye de me relever.

— Ne bouge pas, reste bien allongé, m’intime Kevin en posant sa main sur mon front.

Karim le rejoint et soupir de soulagement.

— Bordel, tu nous as fait une de ces peurs, Yohan.

J’ai le souffle court et la tête en compote. Une barre douloureuse me traverse le front. Je me redresse tant bien que mal et Kevin ajuste les oreillers dans mon dos tandis que Karim m’apporte un verre d’eau et du paracétamol. La fraicheur du liquide me donne l’impression d’éteindre un feu dans ma gorge sèche. Je retrouve doucement mes esprits.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? me demande Kevin en posant une main sur la mienne.

Karim fait le tour du lit et s’assoit en tailleur à côté de moi avant de poser une poche de glaçon sur ma tête. La sensation glacée m’arrache un frisson, mais elle est plus que bienvenue.

— Steeve est… un putain de connard !

— Ne me dis pas que vous vous êtes battus ? demande Kevin avec appréhension.

— Nan, j’ai traité un mec de fils de pute et il m’a dérouillé.

Ils échangent un regard désolé puis se tournent à nouveau vers moi.

— Je croyais que Steeve avait des sentiments pour moi, mais j’étais juste le reflet de son ex… il voulait juste me baiser, comme les autres…

— Steeve à un ex ? Genre, relation sérieuse ? me demande Karim avec étonnement.

— Son premier amour… Éric…

Je déglutis et avale une autre gorgée d’eau.

— Le mec est décédé d’un accident con et Steeve s’en voulait.

Les informations font plusieurs fois le tour de mon cerveau avant de les analyser concrètement.

— Tu sais, reprend Kevin, de tous les mecs qu’on connait et qui ont eu affaire à Steeve, tu es le premier à qui il a parlé…

— Comment ça ?

— Il ne s’est jamais confié à aucun autre, ajoute Karim. Je ne veux pas prendre sa défense, mais crois en mon expérience, il y a quelque chose entre vous.

Leurs paroles me ramènent à une réalité que je n’avais pas envisagée. La lueur que j’avais vu dans les yeux de Steeve, cette étincelle de fragilité, de peur quand il me regardait, c’est ça qui m’a séduit chez lui. Exactement comme lui a été séduit par le souvenir d’Éric que je lui rappelais. Mais lorsqu’il s’est confié, cette lueur avait disparu de son regard. Il semblait plus apaisé, plus serein. Je réalise que grâce à moi, Steeve est parvenu à chasser une bonne fois pour toutes le fantôme de son premier amour qui le hantait depuis si longtemps. Je me sens pathétique d’avoir réagi aussi égoïstement.

— Oh merde, j’suis trop con ! Je dois retourner le voir !

Je tire précipitamment la couette et tente de me redresser, mais une douleur aiguë dans les côtes me rappelle à l’ordre. Je fais de mon mieux pour l’ignorer et me relève. Kevin est Karim ont compris l’importance de ma réaction et ne cherchent pas à m’empêcher, au contraire, ils s’empressent de m’aider à enfiler mes baskets et ma veste.

Nous montons tous les trois dans la voiture et Karim me conduit jusque chez Steeve, mais au moment de descendre, j’aperçois le barman du Cubana Café qui pénètre dans son immeuble. Un incontrôlable sentiment de jalousie me tiraille soudain l’estomac. Kevin, assis à l’arrière, pose une main sur mon épaule.

— Est-ce que ça va, Yohan ?

Ils ne peuvent pas comprendre, ils ne savent rien de l’histoire entre Steeve et le barman. J’élude leurs interrogations.

— Oui, mais j’suis épuisé, ça vous dérange de me déposer à l’université ? J’irais voir Steeve demain.

— D’accord, pas de soucis, répond Karim qui redémarre aussitôt.

Je fais de mon mieux pour leur cacher mon état, mais je suis au bord de la crise de nerfs. Je regarde le plus nonchalamment possible mon smartphone et observe des dizaines de notifications d’appels de Steeve et Mickaël. Je l’éteins en soupirant et le glisse dans la poche intérieure de ma veste. Ma décision est prise.

« Qu’ils aillent se faire foutre ! »

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