Chapitre 3 : Yohan

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Maman se penche sur moi, les larmes aux yeux.

— Je suis si fière de toi, mon chéri.

Je me fais violence pour ne pas pleurer, c’est la première fois que je quitte la maison pour une si longue période depuis la mort de papa.

— Te met pas dans cet état, maman. Je rentrerai régulièrement, dès que j'le pourrai. J’te le promets.

Je dépose un baiser sur sa joue, elle m’enlace, sanglote.

— Je t’aime tellement…

— Je t’aime aussi, maman…

Le sifflet résonne sur le quai de la gare de Saverne. Je monte dans le train, les yeux rougis, glisse mon sac de voyage dans le rack et m’installe. Maman m’envoie des baisers avec les mains. Je suis dévasté de l’abandonner. Je souffle sur la vitre et dessine un cœur avec la buée. Le train démarre, accélère. Elle me suit un instant, puis se fige en faisant un signe de la main. Au revoir l’Alsace. Bonjour Paris.

Mes écouteurs dans les oreilles, j’étudie les documents de ma nouvelle université en me rassurant avec la musique de Céline Dion.

« J’ai compris tous les mots, j’ai bien compris merci… » la préférée de maman.

Une larme perle, je la chasse d’un revers. Le paysage qui défile à toute vitesse m’hypnotise, m’apaise. Des champs à perte de vue, des villages, des villes, des tunnels. Un florilège de panoramas aussi divers que variés, sublimés par le frêle soleil de novembre.

J’effectue ma rentrée en retard. Après avoir échoué mes partiels, j’ai dû réviser une grosse partie de l’été en rattrapage. Heureusement qu’une place s’est libérée à la dernière minute, j’ai pu intégrer le cursus en sciences de l'information et de la communication que je voulais, tout ça en moins d’un mois.

J’observe les plans de l’établissement pour me familiariser avec mon emploi du temps. Un vrai labyrinthe, la grande ville m’angoisse. J’aurais aimé finir mes études à Strasbourg, mais aucune université ne propose la spécialisation qui m’intéresse. Paris était ma dernière option la plus proche. Je ne m’imaginais pas atterrir à Lyon ou Marseille. Je soupire.

Avant que j’en prenne conscience, le TGV entre en gare de Paris Est. Je débarque, un flot de voyageurs aussi. Une marée humaine qui m’étouffe. Je me réfugie dans un coin et attends que ma crise d’angoisse se dissipe. Mon téléphone vibre dans ma poche. Maman.

— Tu es bien arrivé, mon chéri ?

— Oui, maman. Je viens juste de descendre.

— Ta voix tremble, est-ce que tout va bien ?

— Oui, oui ! Ne t’en fais pas, je suis juste essoufflé, la gare est immense.

— D’accord. Tu me rappelles dès que tu es installé au campus ?

— Promis, maman. Je t’aime.

Je range mon téléphone, inspire, puis m’élance en direction de la station de métro la plus proche.

Je suis oppressé. Le moindre endroit de cette ville est bondé de monde. Je sors mon inhalateur et prends une longue bouffée. L’air pollué me chatouille la gorge tandis que le mélange d’effluves agresse mes sens. Je n’attends pas ma destination et sort à la station Trocadéro.

Malgré la foule, l’air frais de l’automne m’apaise instantanément. Tant pis si je dois marcher cinq kilomètres. Je regarde autour de moi et m’immobilise en remarquant la tour Eiffel qui se dresse fièrement entre le musée de l’homme et la cité de l’architecture et du patrimoine. Émerveillé, je m’avance le parvis. Un vendeur à la sauvette me propose des babioles. Je m’excuse, gêné, et continue mon chemin. Je me positionne tant bien que mal au centre du parvis et prends un selfie, la dame de fer en arrière-plan.

Je pose mon sac et m’assois sur les marches humides, tire une cigarette et l’allume. Je sais que ce n’est pas bon pour mon asthme, mais celle-là est primordiale. Un mec m’accoste. Je lui en donne une, il se penche sur moi pour que je l’allume. Il sent la transpiration, le déodorant et le sperme, un mélange d'effluves étonnamment excitant. Je remarque ses longs cheveux châtains qu’il repousse d’un geste de la main, ses grands yeux d'un bleu hypnotique. Il se redresse, son entrejambe à hauteur de mon visage. Je remarque qu'il ne porte pas de sous-vêtement, c'est flagrant. Son odeur m’assaille à nouveau, m'émoustille.

— Merci, p’tit gars, lance-t-il avec nonchalance.

Sa voix grave et assuré me fait rougir. Il sourit, puis s’éloigne sans un mot.

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