Chapitre 5 : Yohan

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— Bienvenu à l’université Paris-Panthéon-Assas, lance avec entrain la jeune femme de l’accueil.

— Merci. Je m’appelle Yohan Houpert et…

— Tu es un peu en retard pour la rentrée, me coupe-t-elle en souriant.

Je me gratte la nuque, gêné.

— J’ai dû suivre une session de rattrapage tout l’été, mais je suis là, maintenant.

— Très bien. Je vais te donner les codes d’accès et vérifier qui est ton camarade de chambre.

Un frisson me parcourt la colonne vertébrale, j’avais complètement oublié ce détail. J’espère ne pas me retrouver avec un lourd dingue ou pire, un homophobe.

— Oh oh, il semble que tu n’aies pas encore fourni tous les documents concernant ta bourse d’études.

Je me fige, réfléchis.

— Pourtant, nous avons tout transmis il y a plusieurs semaines déjà…

— Il manque des documents bancaires, mais pas de panique, cela ne t’empêche pas de commencer les cours et de t’installer sur le campus. Il faudra juste que tu t’en occupes avant la fin de l’année.

— D’accord, je vais voir ça avec ma mère.

Elle me jette soudain un regard en biais, les sourcils levés. Oui, j’ai dix-neuf ans et ma mère m’aide à gérer mes affaires, il est où le problème ? Je rougis.

Elle me tend une série de documents et m’indique les différents codes permettant de déverrouiller les portes des bâtiments.

— Tu loges dans la chambre 102 avec un certain Mickaël Morel. Vous devriez vous entendre, vous avez le même âge et vous suivez le même cursus.

Malgré son ton sympathique et avenant, je ne peux m’empêcher d’être inquiet. Les relations amicales n’ont jamais été mon fort.

— OK…

— Je t’invite à aller déposer tes affaires dans ta chambre et à te familiariser avec l’établissement.

Elle m’indique un ascenseur et m’invite à y monter. Peu rassuré, je m’exécute tout même.

Arrivé devant la porte de ma chambre, la mélodie d’une chanson de Phil Collins – Sussudio – me parvient aux oreilles depuis l’intérieur.

« On dirait qu’il a bon gout, c’est bon signe. »

Je frappe doucement, pas de réponse. Je retente avec plus de fermeté, mais toujours rien. Je vérifie le code avant de le taper sur le petit pavé numérique de la serrure qui se déverrouille avec un tintement métallique. Je passe la tête et découvre un jeune homme, seulement vêtu d’un caleçon large blanc à rayures noires et de chaussettes de sport blanches, qui se déhanche dos à moi.

— Salut, lancé-je avec un sourire gêné sur le visage.

Il se retourne, faisant virevolter ses longs cheveux noirs et lisses qu’il repousse d’un geste. Il m’observe une seconde de ses fins yeux foncés, puis son visage se fend d’un sourire amical.

— Oh, tu dois être Yohan ! s’exclame-t-il en tirant la porte pour l’ouvrir en grand. Je m’appelle Mickaël.

— J’suis enchanté de te connaitre, réponds-je avec soulagement.

Une odeur de jeune mâle en rut plane dans la pièce, ce qui éveille aussitôt mes sens. Je pénètre et il s’empresse de retirer une pile de linge de mon lit.

— Désolé pour le désordre, je savais pas que tu débarquerais aujourd’hui.

Tandis qu’il lève le bras pour se frotter l’arrière de la tête, je remarque son corps mince et élancé, juste dessiné. Sa peau est légèrement dorée, probablement des origines asiatiques, si l'on combine à la forme de ses yeux et de son visage. Il est à peine plus grand que moi, un mètre soixante-quinze, tout au plus. Il est plutôt mignon et dans cette tenue, il ne me laisse pas indifférent.

Je prends soudain conscience que je scrute son corps avec insistance. Je détourne le regard et me concentre sur notre chambre. Un logement étudiant ce qu’il y a de plus ordinaire. Deux lit une place, deux bureaux avec étagères intégrées, une petite fenêtre entre les deux. Il a choisi le côté droit qu’il a anarchiquement orné de posters musicaux. Mariah Carey, Phil Collins, Michael Jackson et j’en passe.

— Tu aimes la musique des années 1980 ? articulé-je enfin.

— J’adore les artistes de cette période. J’ai grandi avec, mes parents travaillaient dans le milieu.

— Woaw ! T’en as de la chance.

— Pas vraiment… ils sont morts…

Je me fige.

— Oh… je suis désolé…

— T’inquiète, tu pouvais pas savoir, reprend-il avec un large sourire en me tapant dans le dos. Tu viens, je vais te faire visiter.

Il enfile un jeans large et un sweat à capuche rouge avant de m’inviter à le suivre.

Nous finissons notre visite guidée par la cafétéria. Il est déjà dix-neuf heures trente et je sens la faim me tirailler les entrailles. Le menu est succinct, mais les portions sont généreuses, de quoi largement me rassasier. Alors que nous déambulons dans le réfectoire à la recherche d’une table libre, une jeune femme interpelle Mickaël. Il sourit aussitôt et m’invite à le suivre d’un signe de tête. Arrivé à sa hauteur, elle lui saute dans les bras et l’embrasse sur les lèvres, manquant de renverser son plateau.

— Doucement, ma belle, s’amuse-t-il.

Elle s’excuse et me dévisage, attendant que Mickaël fasse les présentations. Il pose son repas et m’attrape par les épaules.

— C’est Yohan, mon colloc, lance-t-il, tout sourire.

— Trop cool ! Depuis le temps qu’on attend de te rencontrer, lâche la jeune femme en me faisant la bise. Je m’appelle Lucia et lui c’est mon frère, Julio.

Le ténébreux ritale toujours attablé me fait un signe de tête sans piper mot.

— C’est sympa, merci pour cet accueil…

Malgré mon soulagement, je ne peux cacher ma gêne. Lucia saute sur l’occasion.

— T’inquiète pas, beau gosse, on va bien prendre soin de toi, ajoute-t-elle avec un clin d’œil.

— Hey ! Je suis le seul beau gosse à tes yeux, OK ? lance Mickaël d’un air faussement sérieux.

Lucia se redresse et dépose un autre baiser sur ses lèvres. Ils sont attendrissants.

Je pose mon plateau en face de Julio et m’installe. Je sens son regard me scruter.

— Julio est muet, annonce Lucia.

— Oh… désolé pour toi...

Je lui offre un regard compatissant. Il me scrute de ses grands yeux marron et me lance un sourire charmeur. Je rougis aussitôt.

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