Chapitre 12 : Yohan

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— Tu vas avoir mal pendant plusieurs jours, m'annonce le médecin. Je vais te prescrire une attelle et un anti-inflammatoire, ça devrait te soulager.

Je le remercie. Une chance que l'université ait son propre médecin pour les étudiants. Je quitte son bureau, il est déjà neuf heures quinze. Je suis en retard pour mon premier cours et je n'ai même pas eu le temps de me changer ou d'avaler un petit déjeuner.

Je fonce dans ma chambre pour récupérer mon sac et m'élance en direction de la salle d'économie. En ouvrant la porte, je fais mon possible pour y entrer le plus discrètement possible, mais la professeure se fige et me toise en m'apercevant. Son regard m'intime de m'installer au plus vite et je rejoins Mickaël qui m'accueille avec les sourcils froncés.

— Qu'est-ce que t'as foutu ? J'me suis inquiété, murmure-t-il.

— Désolé, j'me suis pété la gueule pendant mon footing…

Je lui montre mon poignet violacé. Il écarquille les yeux.

— La vache ! Tu t'es pas loupé ! lance-t-il bien trop fort.

Toute la salle se retourne vers nous. Je rougis, je n'ai pas l'habitude d'être autant le centre d'intérêt. Nous nous excusons maladroitement et le cours reprend.

— Je suis passé chez le médecin et il m'a demandé de porter une attelle…

— Ça va, ç'aurait pu être pire. Tu t'es pas fait mal ailleurs ?

Une drôle de sensation ne me quitte pas depuis j'ai recroisé l'inconnu du Trocadéro, mais je ne peux pas appeler ça de la douleur, bien au contraire…

— Non, ça va autrement. Juste une grosse honte pour la deuxième fois de la journée…

— Si tu penses encore à cette histoire de sperme, j'te l'ai dit, ça me gêne pas que t'en mette partout.

La jeune femme devant nous se retourne dramatiquement avec un air dégoutée. Mickaël lui fait un signe de tête et lui répond sans se démonter.

— Bah quoi ? J'ai pas le droit de satisfaire buccalement mon p'tit copain ? lui lance-t-il en m'attrapant par le cou et en m'embrassant sur la joue.

Elle hoche la tête en papillonnant des yeux et en souriant de ses lèvres pincées.

— Tu me crois pas ? reprend Mickaël avec une pointe de défi dans la voix.

Sans prévenir, il m'attrape le visage et m'embrasse sur la bouche. Je me décompose tandis que mon fantasme de la nuit passée se repasse sous mes yeux. Ses lèvres sont douces, mais il est bien trop brusque. La prof se racle la gorge.

— Si vous souhaitez profiter "buccalement" de votre petit copain, monsieur Morel, je vous prie de le faire après les cours ! Et sachez que ce terme n'existe pas dans la langue française !

Il s'excuse vaguement, se lèche les lèvres et ricane de satisfaction, tandis que j'enfile ma capuche pour me cacher le visage, avant de glisser au fond de ma chaise.

À onze heures trente, une mélodie résonne dans l'établissement, nous libérant pour la pause déjeuner. Je quitte la salle en dernier et la professeure m'interpelle.

— Excusez-moi, monsieur Houpert. Comme vous prenez le train en marche, j'ai pensé que vous souhaiteriez rattraper certains de vos retards.

Elle se penche sur son bureau pour attraper une chemise en carton rouge qu'elle me tend.

— C'est très prévenant de votre part, mais j'ai passé tout l'été à réviser et je pense que...

— Jetez-y un œil et n'hésitez pas à venir me voir si vous avez des questions, me coupe-t-elle sans sourciller.

Surpris, j'acquiesce et passe la porte qu'elle referme derrière moi. Mickaël m'attend, les bras croisés, un sourire malicieux aux lèvres.

— Alors, bébé, tu te dépêches, j'ai la dalle ! minaude-t-il sur un ton mielleux.

Je lui lance mon sac dans les parties et il fait un bond en arrière.

— Espèce d'enfoiré ! Arrête tes conneries ! J'ai pas envie que les gens pensent qu'on sort ensemble.

— Pourquoi ? J'suis pas assez bien pour toi ? Je pourrais te faire grimper aux rideaux, mon minou.

Le souvenir de cette nuit agitée me revient à nouveau. Je déglutis.

— Non, évidemment ! Tu n'as plus d'yeux que pour ce bellâtre de Julio, mime-t-il tel un véritable tragédien. Comment puis-je seulement rêver de faire le poids face à ce rital au corps de braise, moi, piètre asiatique maigrichon ? Qu'importe mon chibre délicieux ! Je vois bien que je suis de trop, lance-t-il en levant une main devant ma bouche. Je saurai me contenter de sa délicieuse sœur gironde et de ses fesses à damner un pape !

Nous éclatons de rire, à tel point que je me retiens de ne pas uriner dans mon pantalon.

— Tu devrais faire du théâtre, t'es drôlement doué !

— Qui te dit que ce n'est pas déjà le cas ?

Je n'ai pas le temps d'approfondir qu'il me prend la main et m'attire en direction de la cafétéria devant laquelle nous apercevons Julio qui patiente. Mes lèvres s'étirent à mesure que nous le rejoignons. À sa hauteur, je me fige en souriant niaisement. Il prend délicatement mes mains et dépose un baiser sur ma joue. Je fonds.

— Sur la bouche ! Sur la bouche ! Sur la bouche ! scande Mickaël en sautillant autour de nous.

Je remarque plusieurs élèves qui nous regardent, l'air amusé. Julio lève les yeux au ciel en voyant la bouche en cul de poule de Mickaël, puis il me sourit, se rapproche et m'embrasse avec fougue. Je suis sur un nuage.

— Avec la langue ! Avec la langue ! Avec la langue !

Julio ressert son étreinte puis me bascule sur sa cuisse.

— T'embrasse super bien, p'tit gars !

La voix grave et sensuelle de l'inconnu du Trocadéro résonne à mes oreilles. J'écarquille les yeux et en crispant la mâchoire, mords involontairement la langue de Julio. Il me repousse en portant ses mains à sa bouche.

— Du calme, les mecs ! Y a des hôtels pour ça !

Je me confonds en excuses.

— Je suis désolé, Julio, je sais pas ce qui m'a pris !

Alors que je me penche sur lui, il me repousse d'un geste de la main avant de partir à toute vitesse, bousculant Lucia au passage.

— Qu'est-ce qui se passe ? nous demande-t-elle.

Mickaël se penche à son oreille et lui murmure quelque chose, elle glousse.

— C'est ce que je disais : notre petit Yohan est affamé, me lance-t-elle avec un regard coquin à peine dissimulé. T'inquiète pas, beau gosse. T'aura l'occasion de te retrouver seul avec lui et vous pourrez faire tout ce qui vous chante.

Elle m'attrape par le cou et dépose son rouge à lèvre bon marché sur ma joue. Mickaël se bidonne en passant ses bras autour de nos épaules pour nous guider vers le self.

— Je devrais peut-être aller voir s'il va bien ?

— T'inquiète pas, il en a vu d'autre, ajoute Lucia avec un clin d'œil bourré de sous-entendus.

J'ai mal au ventre, une boule monstrueuse fait des va-et-vient dans mon œsophage. Je me noie dans un flot de questions et de sentiments sans queue ni tête qui embrouille mon esprit. Je sens pointer une migraine. Je revois Mickaël, nu devant moi, le sexe de Julio pulsant sa sève dans ma bouche. Tous ces acteurs pornos qui nous observent, se tripotent en riant de la scène. Une chaude lumière m'enveloppe tandis que je partage avec Julio ce merveilleux baiser au pied du Sacré-Cœur.

Mais soudain, c'est mon inconnu qui apparait, une image claire, nette, beaucoup trop nette. Je revois son visage, sa mâchoire carré, ses yeux bleu magnifiques, sa bouche délicate. Sa voix viril me soumet, je frôle son corps aux arêtes aiguisées, salive devant son short de sport suggestif…

Enfin, se surprenant mélange d'odeurs masculines se rappelle à mes narines.

« Bordel de merde ! Je bande ! »

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