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[ ♪ : Les Quatre Saisons, Concerto pour violon en sol mineur, Op. 8 No. 2, RV 315 "L'Eté": III. Presto ]
Nous avions un excellent chauffeur dans notre école. Il était apprécié des élèves et des professionnels, chaleureux, attentif et respectueux, une guimauve enveloppé d'un corps d'ours. Ce dernier avait atteint l'âge respectable de soixante ans et s'en alla en retraite. Une retraite bien méritée, évidemment.
Après quelques mois sans chauffeur pour transporter les jeunes à leur rendez-vous, après quelques mois à galérer à jouer les taxis à droite et à gauche sans que ce soit notre métier ou dans nos missions, un nouveau conducteur fut embauché.
Alléluia !
Je n'aime pas juger les gens. Surtout lors d'une première rencontre. C'est un réflexe très humain, pourtant. De juger les gens je veux dire. Guy. Je n'ai pas eu le temps de le cerner immédiatement. Les collègues et élèves parlaient entre eux et comme dans une fourmilière, tout allait très vite.
Les jeunes jugeaient : « Il est bizarre ! » Mais dès qu'une nouvelle tête arrivait dans notre établissement, c'était LA phrase la plus citée de nos élèves.
« Il est chelou, il parle mal aux jeunes. » J'étais plutôt stupéfaite d'entendre mes pairs dire ce genre de choses, ils sont loin d'être les plus jugeants, surtout dans notre métier.
Mais que penser concrètement ? Je ne l'ai pas encore rencontré et j'entends déjà tant de négatif sur lui.
Puis, le jour fatidique arriva.
C'est vrai qu'aux premiers abords, il n'est pas forcément très agréable à observer. Son regard m'a transpercé le corps mais pas dans le bon sens. Ce genre de regard qui me met mal à l'aise, qui me dégoûte. Je me suis détestée de penser ainsi. Était-ce dû à tout ce que j'avais pu entendre ou une nouvelle vision, bien à moi ? Quand je le vois, je suis souvent triste. J'ai l'impression que c'est un homme qui se sent seul, je le trouve vraiment très solitaire. Parfois j'ai envie de venir lui parler, de lui apporter un peu de châleur humaine.
Puis mon dégoût revient. Il essai de rigoler avec les jeunes mais de manière peu adaptée. Il se permet de faire des remarques innapropiés. Il se cache dans un coin et nous observe discrètement, tel un espion attendant sa cible, sans être aussi discret. Sans oublier son manque d'engagement dans son métier de chauffeur, c'est bien la première fois que je vois un conducteur qui conduit moins qu'un agent d'entretien !
Alléluia, mon œil.
Regard vicieux, voix désagrable et air anthipathique. Je ne peux pas me le blairer, voilà le jugement dernier. Dès que je le croise, je tourne le regard, je suis loin d'être professionnelle, je le sais, même pas un « bonjour » pour calmer les choses. Faut dire qu'il s'est permis de me faire des remarques inapropriés sur mon travail, ce qui me met vraiment hors de moi ! En plus du physique, c'est tout bonnement un con laxiste dans son métier.
Parfois je me dis que ce n'est pas si idiot, si personne ne lui en fait la remarque, à quoi bon commencer à se mettre au boulot ? Il ne semble pas en danger d'un certain renvoi et il n'a pas autant de pressions que mes collègues et moi-même.
Finalement, c'est peut-être lui qui a le plus raison.
Malgré tout, je ne peux pas me le blairer et lui donner une telle importance comme écrire ces quelques lignes pour lui m'échappe totalement.
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Bonjour,
Voici mon nouveau chapitre. Évidemment pour des raisons d'anonymat le prénom a été changé. Ce texte est sans doute davantage bâclé que le précédent, ce qui correspond bien à toute la sympathie que j'ai pour Guy.
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