Chap 3-5 La Bonne Nouvelle (1/2)

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  Il marqua un temps d'arrêt devant les visages de ses parents, figés dans un masque d'incompréhension, les yeux ronds comme des assiettes.

« On s'est quitté il y a quatre mois... environ. »

Sonia sentit la température ambiante plonger brusquement.

« La raison...

— Attends ! bredouilla son père. Je... vous alliez... tu...

— Depuis quand ? articula sa mère la gorge sèche.

— Tu adorais cette fille ! lança son père. Tu avais enfin... Tu avais trouvé quelqu'un qui... quelqu'un qui... Vous aviez des projets !

— Ce n'était pas la femme qui me convenait, p'pa. Mais j'ai trouvé la femme qui me convient. Elle s'appelle Eloïse.

— Eloïse ?

— Eloïse ? répéta sa mère. C'est qui ça ? »

  Adam respira profondément avant de parler. Il avait dû se préparer à ce moment.

« Eloise travaille comme secrétaire chez nous depuis deux ans, on se connaissait comme ça, de vue. J'ai toujours aimé sa personnalité même si j'envisageais rien avec elle. De toute façon, j'étais pris... Comme elle habitait sur mon chemin, il nous arrivait de temps en temps de faire du co-voiturage.

— Pourquoi... ? »

  C'est sa mère qui avait parlé. C'était presqu'inaudible et c'était davantage un reproche qu'une question. N'ayant pas l'expérience de sa soeur dans l'art de décoder les reproches, Adam n'y vit qu'une question.

« La vérité, c'est que ça n'allait pas depuis très longtemps avec Géraldine. J'étouffais. Elle m'étouffait. J'étais malheureux. On se disputait tout le temps. Ces voyages en voiture avec Eloise, c'était ma bouffée d'oxygène. J'en arrivais à espérer qu'on reste coincé dans le trafic. Eloise avait vécu des relations compliquées elle aussi, elle me comprenait. Puis un jour ça a peté pour de bon avec Géraldine parce que j'ai compris qu'elle n'accepterait jamais qui je suis. Elle s'était fait un film de notre vie et moi je n'étais qu'un acteur.

  Adam fit une pause. Il attendait des questions. Son père ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit comme si l'air de la pièce avait été aspiré dans le néant. Sonia réfléchissait à mille choses, elle tentait de retisser le quipu calendaire de cette dernière année. Quels indices n'avait-elle pas vus ? Mais pourquoi aurait-elle décelé le moindre indice alors qu'elle-même souffrait d'une dyslexie patente quand il fallait déchiffrer le texte de sa propre vie.

« Adam... murmura sa mère. Elle observait son fils avec une intensité qui mit Sonia mal à l'aise.

— Je sais ce que tu vas dire maman...

— Tu n'as toujours pas compris ?

— Maman... justement.

— Non Adam. La femme qui te convient n'existe pas. Elle n'existe que dans tes rêves. »

Adam ouvrit la bouche, mais se retint. Il plissa les yeux.

« Si tu crois, poursuivit-elle, que tu vas trouver une femme qui donne sans rien exiger en retour, tu te trompes ! Que tu l'appelles Eloïse, Gwendoline ou Sophie, aucune ne sera jamais assez bien pour toi si tu ne veux pas faire d'effort. »

  Son père acquiesçait, l'expression sombre derrière ses lunettes.

« Géraldine avait tout ce dont tu avais besoin ! enchaina-t-elle en montant le niveau sonore d'un cran. Sans elle, tu serais encore à vendre des voitures dans un garage et à batifoler avec des minettes sans esprit !

— Maman... tenta-t-il encore une fois.

— Non, c'est vrai ! le coupa-t-elle. Pour une fois que tu avais une relation un peu sérieuse ! Elle t'en demandait trop, c'est ça ? Et tu viens de trouver quelqu'un qui ne te demande rien ? Mais tu rêves, mon grand...

— Ça n'a rien à voir maman.

— Alors c'était quoi le problème, cette fois ? Elle commençait à avoir de la peau d'orange sur les fesses ? Après trente ans, une femme est bonne à jeter, c'est ça ? Elle est périmée ? »

  Les mots avaient été prononcés avec un calme glaçant, cependant Sonia les reçut en pleine poitrine avec la violence de deux pieux enfoncés à bout portant. Sa mère la frappait encore sans même s'en rendre compte. Pourtant, c'était bien son frère qu'elle visait, c'était Adam qui la faisait tant souffrir. Après avoir porté toute sa vie au pinacle un fils inconstant, la déception n'en était que plus grande. Sonia n'avait jamais joué qu'un rôle d'exutoire, elle le savait, à la rigueur de souffre-douleur. (Ou y avait-il autre chose dans cette relation, de plus subtilement enfoui qu'elle n'avait pas vu, là non plus ?) Du moins n'avait-elle jamais porté les rêves de ses parents, ou très tôt les avait-elle enterrés. Son frère jouait dans un autre registre, celui des attentes, celui des espoirs..

« Maman...

— Adam ! La femme parfaite n'existe pas ! Quand le comprendras-tu ?

— Je n'ai jamais demandé la femme parfaite.

— Tu mets la barre trop haut alors... ou beaucoup trop bas ! »

Adam se mordit la lèvre. Pendant que sa mère assenait ses uppercuts, son père marmonnait : « Quand je pense qu'on l'avait accueillie comme notre fille, cette petite... Mais avec toi, Adam, c'est à chaque fois la même chose... On pensait, ta mère et moi... On pensait que tu allais nous annoncer vos... vos... »

« Je me suis trompé avec Géraldine... » Il était tendu, mais s'efforçait de garder son sang-froid. « Mais avec Eloïse c'est différent. Cette fois, c'est la bonne.

— Il me semblait que c'était déjà la bonne avec Noémie, contre-attaqua sa mère d'un ton glacial. Puis avec... Comment s'appelait-elle déjà la fille du garagiste, Clara ? Ensuite Géraldine.... Qu'est-ce qu'elle a de plus cette Eloïse ?

— Elle est enceinte. »

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