Chap 5-3 Baya Malaya (2/2)

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  Elle n'avait pas de balise, chaque parcelle de terrain parcouru s'enregistrait dans sa base de données de sorte qu'elle puisse se téléporter plus tard aux endroits qu'elle avait déjà visités. Son avatar faisait le travail des cartographes des temps jadis, avec la précision en plus. Quant au risque de se perdre, il n'existait pas puisqu'elle pouvait se rapatrier à tout moment au point de départ.

  Le couvert végétal était intense et la jungle exhalait une atmosphère de luxuriance humide et oppressante. Des plantes aux feuilles gigantesques côtoyaient des entrelacements d'arbres géants aux racines colonisées par la mousse ; des faisceaux de lumière traversaient çà et là l'épaisse couronne de la forêt, éclairant des essaims d'insectes vibrionnant dans la clarté. Elle en ressentait presque des démangeaisons. D'extravagantes fleurs étaient suspendues dans les airs depuis les plus hautes frondaisons et, plus loin, une forêt de bambous majestueux formait une palissade impénétrable. Un singe sauta d'une branche et dévala un tronc. Incroyable...

  Bientôt, la végétation s'éclaircit et la forêt s'ouvrit sur une grande clairière. Des bâtiments sur pilotis s'organisaient autour d'une estrade posée au milieu d'une place herbeuse. Plusieurs petits groupes de moines en bure blanche occupaient les lieux. Le volcan dominait le hameau de toute sa présence tel un Dieu endormi. Lorsqu'elle fit mine d'avancer, un moine vint à sa rencontre.

« Bonjour, je peux vous aider ? lui dit une voix masculine à la tonalité grave.

— Bonjour, je visite seulement.

— Vous être libre d'aller et venir, mais la place sera fermée d'ici une heure. L'île est réservée pour une soirée privée ce soir. Par contre, vous serez la bienvenue pour la fête du Grand Pardon, demain soir. »

  Décidément, Autremonde ne valait pas mieux que la vraie vie ! Même ici, on pouvait louer des îles pour faire ses petites soirées de jet-setters. Encore qu'avec leurs accoutrements, ils n'avaient pas l'air de grands fêtards. Elle déambula dans le village encore quelques minutes pour profiter de la vue dégagée sur le volcan, sous le regard inquisiteur des moines. Elle doutait que sa tenue iconoclaste soit du goût des autochtones. Pourtant, elle aimait l'atmosphère de ce lieu : cette forêt tropicale, bruissante, au pied de cette masse de roche aussi immobile qu'inquiétante et ces prêtres énigmatiques qui semblaient cacher un lourd secret...

  Quand enfin le silence des regards s'appesantit sur elle, elle décida de se téléporter en ville. Quelle ne fut pas sa surprise en constatant que l'option avait été désactivée ! Elle n'avait pas le droit de se téléporter ! Elle se sentit prise au piège, puis elle réfléchit : au pire, elle pouvait se déconnecter, elle n'était prisonnière de rien du tout. Elle en éprouva néanmoins une étrange sensation. Elle s'était crue libre d'aller et venir où bon lui semblait, mais il n'en était rien. Elle hésita à interroger un des moines, mais se ravisa et reprit le sentier par où elle était venue. Durant tout le trajet de retour, l'option de téléportation resta grisée et ce jusqu'à ce que le rideau des arbres ne s'ouvre à nouveau sur la mer.

  Sur la plage lumineuse, un moine se tenait immobile. L'attendait-il ? Voulaient-ils s'assurer que la femme de peu de vertu quitte l'île ? L'homme s'adressa à elle et elle reconnut d'emblée la voix légère et amicale.

« Re-bonjour Xena, vous avez fini votre visite de l'île.

— Oculus Long ! »

  C'était étonnant de le retrouver là. Elle ne l'avait vu, ni arriver, ni sortir du village. Ceci dit, ces moines blancs se ressemblaient tous. Elle profita de sa présence pour lui conter ses déboires de transport. « Je sais, dit-il, c'est normal. L'ile est en location par le comité d'organisation de la fête. Ils ont donc pris l'option de désactiver la téléportation pour contrôler les allées et venues sur l'ile. Et donc contrôler les fauteurs de troubles éventuels. »

  Sonia essaya de s'imager les implications du terme « contrôler ». Pouvait-on contrôler un avatar ? L'éjecter d'une fête comme d'une boite de nuit ?

« Ce qui ne m'arrange pas, pour être honnête, continua-t-il. Je vais rater la cérémonie de ce soir.

— Vous ne faites pas partie du groupe ?

— Et non ! Je suis venu en repérage. »

  Le moine saisit alors sa capuche et la rejeta en arrière, laissant apparaitre le visage d'un beau jeune homme brun au visage carré et aux pommettes fines. Il avait un cou épais et faisait penser à un de ces quarterbacks d'équipe universitaire de football américain.

« Je suis journaliste pour l'hebdomadaire le Reflet du Temps. J'espérais pouvoir infiltrer la cérémonie pour un reportage spécial. J'avais reçu des infos comme quoi une célébration secrète aurait lieu. Mais là, je ne vois pas comment je vais passer. Ce soir, il faudra montrer patte blanche pour entrer. Il y aura cinq cents invités triés sur le volet. Être membre de la secte ne suffit pas.

— De la secte ?

— Oui, enfin... religion, secte, c'est tout un débat ! »

Il se tourna vers l'océan en silence. Il devait réfléchir à une solution.

  « J'ai fait plusieurs essais, dit-il. A chaque fois que je me téléporte, j'arrive sur la plage au même endroit. Les personnes avec qui j'ai discuté m'ont affirmé qu'il y aura des détecteurs tout autour de la zone et des patrouilles avec chiens de garde.

— Des chiens ?

— Oui, ils courent vite, ils aboient. Ils mordent. Bon ça, on s'en fiche ici, on n'est pas en zone de combat. Mais ils peuvent vous immobiliser un avatar. Je ne vois pas de solution.

— C'est tellement important cette cérémonie ?

— Apparemment, dit-il songeur. Entre nous, ça m'étonne... »

  Xena et Oculus restèrent un moment à contempler l'océan infini. Le soleil brillait avec une intensité telle que Sonia préférait ne pas le fixer du regard. Pourtant, il ne pouvait pas lui brûler la rétine, mais l'atmosphère reproduite était si réaliste que quelque part son cerveau lui intimait de ne pas fixer l'astre, qui sait pour ne pas gâcher l'instant de réalisme absolu auquel il voulait croire.

« Je vais y aller » dit enfin Oculus.

Sonia observa son visage de beau garçon sportif. « Je pensais à une chose, dit-elle. Vous n'avez pas pensé à demander à une agence de voyage ?

— Une agence de voyage ? »

  Sonia tenta de se rappeler ce qu'Alphonse, ce charmant vendeur un peu présomptueux lui avait baratiné sur sa capacité à l'envoyer un peu partout. Ça ne fonctionnerait surement pas dans le cas présent, mais ça valait peut-être le coup de demander.

« Oui, répondit-elle. C'est ça, une agence de voyage »

***

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