Chap 6-2 Eloïse (1/2)

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  Le téléphone continuait à sonner. Elle voulait couper la communication, mais elle hésitait. Elle n'aurait peut-être plus le courage d'appeler son frère plus tard. A la septième sonnerie, il décrocha.

« Salut petite sœur, lança-t-il d'une traite.

— Salut Adam. »

  La voix de son frère était joviale, légère, comme à l'accoutumée. C'était ce bonjour un peu détaché et amical, prêt à dire une gentillesse ou lancer pique sur le même ton. Pourtant, rien n'était comme avant. La famille était en crise et il le savait. Avait-il hésité à prendre l'appel pour finalement abandonner devant l'insistance de sa sœur ?

« Dis, c'est gentil de m'appeler ! Comment tu vas ?

— Bien »

  Elle attendit, ne sachant plus quoi dire. Le téléphone n'était vraiment pas son truc. Elle avait eu le courage d'insister, elle n'était pas devenue une pipelette pour autant.

« Je suis en vacances pour une semaine.

— Cool, tu pars quelque part ?

Je crois que je vais partir dans un autre monde.

  • Non, je n'ai encore rien prévu. Mais, c'est pas bête, je vais peut-être partir un ou deux jours, si tu as des bonnes idées, n'hésite pas à les partager !

— Ouaah ! Des idées de vacances, j'en ai plein ! Est-ce que t'as jamais pensé à prendre ton baluchon, rabouler à l'aéroport et prendre un vol au hasard ?

— Non, jamais pensé.

— Le pied ! La liberté !

— Et pour le retour ? Tu le prends aussi au hasard ?

— Ouais ! lança-t-il en éclatant de rire. Si t'as pas de bol, tu pourrais même revenir chez toi !

— Je suis pas aussi téméraire que toi, Adam. T'as déjà fait ça, toi ?

— Non. En fait, je viens juste d'y penser. Mais je trouve que c'est une super idée ! »

  Sonia sourit. Elle avait presque oublié que son frère était drôle. Après toutes ces années. Quand elle était petite, il la faisait toujours rire. Et encore maintenant, il avait gardé cette légèreté face la vie. Est-ce qu'il réalisait qu'il allait être papa ? Qu'il avait déclenché un schisme familial et que le mystère entourant les circonstances de sa rupture et de sa nouvelle compagne étaient plutôt inquiétants.

« C'est trop tard pour toi ! Vous serez bientôt trois, il me semble. Les plans solos, c'est que pour les ados rebelles ou les vieilles filles comme moi.

— Vieille fille, vieille fille, c'est dans ta tête ça. Si t'étais moitié moins coincée, tu pourrais te taper tous les mecs que tu veux.

— Ouais ben, désolée d'être coincée. J'ai beau le savoir, ça fait toujours plaisir qu'on me le rappelle ! »

Il la cinglait avec les mêmes gentillesses depuis vingt ans...

« Et en dehors d'essayer de me remonter le moral, qu'est-ce tu fais de beau ?

— Ah... toi, t'arrives même pas à voir un compliment quand on t'en fait un ! Enfin, moi, j'ai pris un nouveau poste, comme tu le sais, et je bosse comme un con.

— Et tu vas être papa.

— Juste. On est plutôt busy, mais on gère.

— C'est pour quand le bébé ?

— Août.

— Bon »

C'était une idée ou les réponses s'écourtaient quand elle abordait un certain sujet ?

« Voilà en gros, conclut-il.

— Et... ». Elle hésita.

Pourquoi est-ce, maintenant, j'imagine sa copine dès que j'entends le mot « gros » ?

« Quand est-ce qu'on se revoit ?

— J'sais pas trop... faudrait que je te présente Eloïse un de ses quatre.

— Oui, ce serait... chouette.

— Ecoute, je lui en parle et on fixe une date.

— D'accord »

Ô mon dieu ! Elle était supposée rafistoler la relation avec son père, et qu'est-ce qu'elle faisait ?

« Au fait, maman m'a dit que toi et papa c'est toujours l'entente parfaite ?

— Oui, si on veut. On est d'accord sur à qui la faute : l'autre.

— C'est dommage. Lui qui rêvait d'être grand-père.

— Apparemment pas de n'importe qui.

— Ça, c'est pas vrai ! Enfin, je veux dire... que je sache, il en veut à toi, pas à ta compagne.

  • J'ai encore le droit de vivre ma vie comme je l'entends, j'ai quitté la maison il y a des années, j'dois plus lui rendre compte de tous mes faits et gestes ! Ou encore lui demander sa bénédiction pour tous mes choix. Que je sache, on est plus au Moyen-Age ! »

Cette fois, le ton jovial avait disparu pour de bon.

« C'est quand même ton père. Je veux dire... si tu étais dans le besoin, il serait là pour toi, non ?

— Je me débrouille 'tit sœur...

— Je sais, je veux dire, s'il t'arrivait quelque chose de grave...

— Ok ! la coupa-t-il. Et moi je serais là pour lui s'il lui arrivait quelque chose de grave. Ça ne veut pas dire que je prétends lui dire comment gérer sa vie. Tout ce que je demande c'est un peu de respect pour mes décisions.

— Je sais, il est un peu borné. Au moins, tu sais de qui tu tiens.

— Oui, je sais. Si maman avait été ne serait-ce que moitié moins têtue que lui, ils auraient divorcé il y a quarante ans. On serait pas né ! Et on n'en serait pas là !

— Finalement, tout ça c'est la faute de maman, alors ?

— Mais c'est ce que j'ai toujours dit ! » Il éclata de rire. « D'ailleurs... »

Il s'interrompit au milieu de sa phrase. Il parlait à quelqu'un. « Attends une seconde » lâcha-t-il. La discussion semblait animée.

« Bon, petite sœur, Eloïse veut absolument te parler, je te la passe une seconde. »

« Allo, Sonia ? C'est Eloïse !

— Bonjour... Eloïse... »

  La voix d'Eloïse était douce et claire. On ressentait de l'énergie positive, de la bonne humeur.

« Sonia, je suis contente de t'avoir au bout du fil, ça fait des semaines que je demande à ton frère qu'on puisse se voir, alors je saute sur l'occasion ! ». S'en suivit un débit de paroles ininterrompu. Vous mettiez Adam aux commandes et au bout de trois semaines, rien n'avait bougé ; vous mettiez Eloïse à sa place et en une minute tout était réglé. Le rendez-vous était pris pour samedi prochain.

Au fond, elle n'était peut-être pas si mal, cette Eloïse... Et elle allait enfin pouvoir juger par elle-même si la nouvelle muse de son frère avait le profil d'une toile de Botero.

***

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