12-4 Au large

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  Le Clairvoyance filait sur l’eau en direction du soleil couchant. Au loin, le ciel avait pris des teintes roses alors que l’astre fatigué s’était drapé d’un duvet orangé. À la proue du navire, Xena scrutait la mer avec ses compagnons. Le vent du large faisait onduler sa chevelure comme les vagues de l’océan. Henry avait posé le prisme dans la paume de sa main ; le faisceau qui s’en échappait pointait droit vers la lumière rasante qui brûlait l’horizon. Le bateau suivait le cap indiqué. Ils avaient quitté Palo Alto depuis plusieurs minutes. Sonia n’avait pas imaginé que le prisme les mènerait si loin au large. L’archipel était composé de sept îles principales et une trentaine d’îles mineures, Palo alto se situant à l’extrême sud du complexe îlien. Henry avait d’abord pensé que le faisceau les mènerait vers un petit îlot, mais lorsqu’il traça la ligne directionnelle sur la carte, elle ne menait nulle part ; ou du moins, nulle part de proche. La terre connue la plus proche sur leur trajectoire était en fait le continent, à plus de trois cents kilomètres. Quelqu’un avait proposé de se téléporter directement là-bas, mais Henry avait écarté l’idée. Selon lui, il y avait près de zéro chance que leur destination soit sur le continent. Il pensait plutôt à une île secrète non répertoriée. Les îles secrètes étaient légion sur Autremonde. C’étaient souvent des îles privées accessibles à leurs seuls propriétaires ou à des initiés. Les gens très riches pouvaient s’en payer. « Le faisceau s’abaisse, dit soudain le capitaine du navire. Alfred, ralentis s’il-te-plait ».

Tous se rapprochèrent du garde-corps pour scruter la mer. Sonia ne vit aucune trace de terre.

« Ton île est bien cachée, dit Mona.

— Regardez » dit-il.

Le faisceau s’abaissait rapidement et pointa bientôt vers un endroit précis, immobile dans la mer. Le navire s’approchait lentement d’un point sur lequel le prisme avait verrouillé son rayon. « On ne va quand même pas télescoper un rocher invisible ? demanda Laura.

— On va bientôt le savoir. Alfred, coupe les moteurs ! »

La cible n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres. Le navire avançait invariablement vers lui, emporté par sa lancée initiale. Sonia retint son souffle lorsqu’ils atteignirent le point de jonction. Le faisceau pointait maintenant sous le bateau.

« C’est confirmé, il va falloir plonger » conclut Henry.

***

  Le petit groupe rassemblé dans le poste de pilotage écoutait les explications du capitaine devant les écrans de contrôle. Le navire utilisait son sonar pour cartographier les fonds marins. « Comme on s’y attendait, l’eau est moins profonde à notre verticale. On voit qu’il y a un promontoire rocheux à 150 mètres de profondeur, juste à côté d’une fosse de plus d’un kilomètre. Dans cette région d’Autremonde, le sol marin est très irrégulier. C’est pourquoi il y a beaucoup de spots de plongée et d’endroits assez sympas à explorer.

— On peut y aller en nageant ? demanda Sandra.

— Je ne pense pas, répondit Henry. En théorie, c’est possible, j’ai du matos de plongée, mais ça risque de prendre trop de temps car plus on descend, plus la pression nous ralentit et il se peut qu’elle en bloque certains. Dans le doute, et pour aller plus vite, je propose de prendre le sous-marin.

— Quel sous-marin ? réagit-elle. Tu as un sous-marin ?

— Tu ne le savais pas ? »

Sonia ne le savait pas non plus, mais elle ne s’en offusquait pas. Sandra, elle, parut contrariée.

« Non, apparemment, je ne fais pas partie du club de plongée, répondit-elle.

— Ne le prend pas mal, ce n’était pas voulu. On va y remédier tout de suite ! »

  Henry invita le groupe à le suivre dans la cale du bateau. Sonia découvrait enfin les étages inférieurs du navire. Après avoir ouvert une écoutille vissée au sol, ils descendirent le long d’une échelle dans un boyau métallique évoquant l’intérieur d’un navire de guerre. En bas se trouvait une petite salle au centre de laquelle trônait un engin orange suspendu par un système de câbles reliés à des rails. L’avant était formé d’une grande fenêtre en demi-sphère qui devait donner une visibilité très grande sur l’environnement extérieur. L’arrière était muni d’une hélice protégée dans une gangue de métal. Sonia s’étonna un peu du manque d’audace dans le design du véhicule aquatique. Elle ne l’aurait pas imaginé différemment dans la vraie vie, bien qu’Autremonde offrait toutes les libertés en la matière. « Voici le Cousteau, mon petit sous-marin de plaisance. Ça doit faire un an que je n’y ai pas mis les pieds. Il n’est pas très grand, mais on devrait pouvoir se serrer. »

  Ils entrèrent tous dans le véhicule marin par une écoutille accessible par une échelle. Une fois dedans, Henry invita ses amis à s’installer sur les banquettes en vis-à-vis dans le ventre de l’engin. Il n’y avait que deux sièges de pilotage. Henry prit celui de gauche et Joe celui de droite.

« C’est rustique ici, dit Sandra en inspectant les lieux.

— Je ne cherche pas à jouer à l’agent secret, rétorqua Henry. Et j’ai des bons souvenirs avec ce sous-marin ».

  Le sous-marin était peut-être rustique selon les critères d’Autremonde, mais il était muni d’écrans de contrôles holographiques similaire à ceux du Clairvoyance. « Ouverture du sas ! » lança Henry. Sonia entendit alors le grincement sourd d’une porte métallique qui glisse. Puis, une secousse ébranla le sous-marin qui se déplaça vers la gauche, puis vers l’avant en se balançant. Le système rappelait à Sonia ces vieilles machines où, petite fille, elle commandait, moyennant une pièce de monnaie, une grue qu’elle lâchait sur des nounours qui refusaient invariablement de se laisser attraper. « Vous êtes prêts ? » Il n’attendit pas la réponse et cria : « C’est parti ! ». Sonia vit alors la salle filer vers le haut, tandis que le sous-marin tombait. Il plongea dans un bruit sourd et une seconde plus tard, il s’enfonçait sous la surface de la mer. L’eau était encore claire et lumineuse, mais très vite elle s’assombrit. L’appareil descendait à toute allure dans le bleu monochrome.

  Henry alluma les phares avant et toute une vie se révéla devant leurs yeux. Des poissons de toutes les couleurs vivaient dans ces eaux. « C’est joli par ici » commenta le pilote. Des reflets d’argents et d’or filèrent devant eux. Plus loin, ils croisèrent un banc de poissons aux rayures bleue et blanches aussi linéaires qu’un diagramme de la bourse et dont tête et queue étaient à ce point symétriques qu’on ne pouvait distinguer le devant du derrière. Plus bas, ils dévièrent leur route pour éviter un gros animal marin de plusieurs mètres. Le rayon lumineux indiquait toujours le plancher.

« On est à cinquante mètres sous la surface, annonça Henry. On approche. Accrochez-vous, on va plonger ».

  Sur ces mots, le sous-marin prit une position verticale et fila rapidement vers les fonds marins. Le faisceau de lumière piquait droit devant eux. Les poissons se faisaient moins nombreux à cette profondeur, mais ceux qu’ils croisèrent étaient beaucoup plus gros. Ils entendirent l’écho d’un son grave qui résonna jusque dans leur cabine.

« C’était quoi, ça ? s’inquiéta Laura.

— Une… baleine ? » tenta Henry.

Il tourna la tête vers Joe.

« Enfin j’espère… »

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