12-5 Vingt milles lieux sous les mers

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  L’appareil filait vers le sol comme une torpille lancée vers sa cible. Sonia avait du mal à ressentir leur vitesse car l’eau n’offrait que peu de points de repères. L’écho se fit entendre encore une fois, de façon plus audible. « C’est ce truc-là, dit Henry en montrant quelque chose à Joe sur l’écran.

— C’est moi ou c’est grand ?

— C’est grand.

— Une… baleine ? répéta Joe sur le même ton perplexe qu’Henry.

— Si c’est une baleine, alors elle est vraiment très grande… »

« …Et elle est immobile au fond de l’eau »

Sonia comprit le message. À moins qu’Autremonde ait sa propre espèce de baleine à branchies, aucune ne resterait immobile au fond de la mer, qui plus est à l’endroit exact où ils comptaient se rendre. Elle sentit le ralentissement du véhicule qui reprenait sa position horizontale. « On est à environ quarante mètres du fond, annonça Henry. On va y aller doucement.

— Et votre truc immobile, c’est un animal ou un bâtiment ? demanda Sandra sans parvenir à dissimuler sa tension.

— Alors…, commença Henry. J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Vous voulez commencer par laquelle ?

Sonia voulut dire « la bonne », mais elle fut trop lente. « La mauvaise ! s’exclama Laura. Commence par la mauvaise ! ».

« Très bien, dit Henry. Je vois à présent distinctement sur le sonar le fond de la mer et il y a un énorme truc avec sept bras géants qui flotte à une trentaine de mètres de nous. Je vous parie que c’est un genre de poulpe géant ou de Kraken ; et je vous parie qu’il n’est pas là par hasard.

— Génial ! fit Antonio. Et ta bonne nouvelle ?

— Le Kraken est assis sur un bâtiment de forme rectangulaire, et je parie que c’est notre temple.

— Quoi, il est posé dessus ? lança Laura. C’est ça, ta bonne nouvelle ?

— Euh, non, la bonne nouvelle, c’est qu’il y a un temple.

— Qu’est-ce que tu as comme arme dans ce sous-marin ? demanda Antonio

— Des armes ? Tu rigoles ? Il s’appelle Cousteau mon sous-marin, pas Octobre Rouge !

— D’accord, et Cousteau, c’est quoi ? Le nom d’un coquillage ?

— Laisse tomber, j’ai pas d’armes.

— De toute façon on peut pas mourir ? intervint Mona.

— En théorie non, grommela Henry sans conviction.

— Comment ça en théorie ? explosa Sandra. On peut mourir ou on peut pas mourir à la fin ?

— On va vite le savoir... »

L’engin venait d’atteindre le fond. Droit devant se dressait l’ombre de la bâtisse. Et au-dessus, majestueuse se dessinait la forme du gardien avec ses sept bras flottant au gré du courant. « On dirait la déesse Shiva, dit Mona.

— Elle a l’air calme. Elle dort ?

— Depuis le temps que notre rayon doit pointer sur elle, je doute qu’elle ne se soit pas aperçue de notre présence. »

  Henry remit les moteurs en marche et le sous-marin se mit en branle. Un nuage de sable enveloppa la carlingue. Les phares éclairaient l’entrée du bâtiment. Le sol tout autour était jonché de ruines ; des colonnes, des morceaux de murs s’éparpillaient sur le sol entre les algues et les coraux. Le temple sur lequel le prisme pointait son faisceau était une construction d’envergure, à l’origine peut-être même une grande pyramide. Il n’en restait que la base, protégée par le monstre marin immobile.

Sonia perçut une entrée assez large pour permettre le passage du Cousteau. « On va essayer de passer, dit Henry.

— Si elle nous attaque, qu’est-ce qu’on fait ? demanda Laura

— On se téléporte dit Joe, on est plus sur l’île.

— Justement… rectifia Henry.

— Quoi, répondit Joe, j’ai vérifié pendant la descente.

— Vérifie à nouveau. »

Joe ne répondit pas tout de suite, mais lorsqu’il parla, sa réponse fut brève : « Merde ».

« Donc, reprit Laura, on ne peut pas s’échapper. Mais elle ne peut pas nous tuer, juste ? »

Il y eut un long silence. « Soyons positifs, dit Henry. Tu as raison, elle ne peut pas nous tuer.

  • Tu es sûr qu'elle peut pas nous tuer ?
  • Ecoute : elle peut pas nous tuer. Normalement...

— Mais elle peut nous faire prisonnier ou nous avaler, compléta Joe.

— Je disais : soyons positifs !

— Putain de niveau 12… » conclut Antonio.

  Henry décida de jouer leur va-tout, il poussa les moteurs au maximum en espérant prendre le poulpe de vitesse. L’hélice émit un vrombissement et le Cousteau se propulsa droit vers l’entrée. Au-dessus d’eux, la bête bougea. Les tentacules s’agitèrent. « Il va attaquer ! » cria Joe. Un bras gigantesque passa juste devant eux, générant un tourbillon qui fit perdre sa route au sous-marin. Henry redressa la trajectoire d’un coup de poignet. Étonnamment, le tentacule ne fit que passer et ne les attaqua pas. Le Cousteau plongea dans l’entrée et se retrouva au cœur du temple.

« On est passé !

— Incroyable ! clama Laura.

— Non, la corrigea Joe. Il nous a laissé passer... »

Les phares du sous-marin éclairaient une pièce plongée dans une obscurité totale. L’eau était saturée de sable en suspension du fait des remous causés par l’hélice. On y voyait pour ainsi dire rien à deux mètres. Le sous-marin avançait avec mille précautions pour ne pas heurter un mur, ce qui ne l’empêcha pas d’entrer en collision avec un tas d’éboulis.

« Ça va, rassura Henry. Rien de grave ».

« Où va-ton ? demanda Laura.

— On suit le prisme. Il indique la droite ».

Il se dirigèrent dans la direction, mais furent bloqués par un mur. « Dommage pour les armes, glissa Antonio.

— Il doit y avoir un passage quelque part ».

  Le Cousteau pivota sur lui-même, puis repartit dans le sens opposé.

« Attend ! s’écria Joe. Là, sur la droite ! ».

  Il indiqua avoir vu un trou juste à côté du tas de pierres qu’ils avaient heurté plus tôt. Une masse sombre tapissait le sol à l’endroit indiqué.

« Tu as raison, il y a un passage, je le vois sur le sonar à présent. »

  La crevasse était juste assez large pour leur appareil. Ils descendirent prudemment et débouchèrent dans une sorte de large couloir. L’excitation s’empara des passagers car ce corridor menait droit dans la direction du faisceau. Ils avancèrent le long de vieux murs sombres dépourvus de décoration. Vu la distance parcourue, Sonia se dit qu’ils devaient se trouver au-delà du temple à présent.

« Ce monstre n'était pas là pour la déco, fit Joe. Pourquoi il nous a laissé passer?

  • Je ne sais pas, répondit Henry en posant les yeux sur le prisme. Peut-être parce qu'on avait la clé ?
  • Ne la perdons pas alors »

  Bientôt, les murs firent place à de la roche. Le sous-marin naviguait dans une caverne rectiligne. Peu à peu, leur objectif semblait s’élever - ou étaient-ce eux qui descendaient imperceptiblement ? Leurs phares enfin se reflétèrent sur une surface qui éblouit Sonia. Un mur de roche brute bloquait le passage.

« Le faisceau indique de monter » nota Joe.

Henry fit pivoter les phares du Cousteau vers le haut. « Il y a une cheminée ». L’appareil s’éleva lentement le long de la paroi et fit surface au milieu d’un petit lac souterrain.

« Les amis, s’exclama Henry, bienvenue au centre de la terre ! »

***

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