12-6 Temple sous la mer

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  Sonia observait l’extérieur par le hublot. Les phares, émergeant pour moitié hors de l‘eau, éclairaient une berge rocailleuse formant l’assise d’une poche souterraine sombre. Elle entendit un déclic et l’écoutille se débloqua. Henry souleva la trappe. Lorsqu'elle heurta son support, un choc de métal résonna longtemps dans la grotte. Il considéra ses compagnons avant d’empoigner l’échelle et se hissa hors du sous-marin. Un à un, tous les membres le suivirent. Une fois à l’air libre, Sonia vit Laura, devant elle, prendre son élan et bondir sur la terre ferme. Elle l’imita et atterrit avec succès sur le rebord. Elle souffla de soulagement. Elle n’aurait pas voulu être la seule du groupe à manquer son saut et tomber à l’eau.

« C’est là » dit Henry. Le « là » en question était une excroissance rocheuse à quelques mètres devant eux et sur laquelle le faisceau de lumière avait jeté son dévolu. Il pointait droit sur le haut de la pierre. Sonia ne reconnaissait pas dans ce rocher grossier la forme d’un socle. Pourtant, en s’approchant de plus près, elle réalisa que le haut de la roche était sculpté. Les lampes torches balayaient les environs à la recherche de quelques traces humaines, mais seul ce morceau de pierre traduisait l’existence de la civilisation qui avait construit le temple sous-marin. Après inspection, Henry confirma que la partie supérieure contenait bien l’encoche propre aux socles des temples. Sans plus attendre, il posa le prisme au sommet de la pierre.

  Le cristal s’illumina dans un halo blanc intense, qui se propagea peu à peu à la roche même. Henry recula d’un pas alors que la lumière descendait le long de la pierre et s’étendait lentement sur la surface du sol. Un grondement sourd s’éleva et se répercuta en échos graves sur les parois rocheuses. La caverne se mit à trembler.

« Qu’est-ce qui se passe ? » chuchota Laura d’une voix hésitante.

  La lumière blanche continuait à s’étendre inexorablement et bientôt ils marchèrent sur un sol entièrement luminescent. Les vibrations se firent plus fortes et des morceaux de roches commencèrent à tomber du plafond.

« Qu’est-ce qui se passe ? » répéta Laura.

  Le grondement augmenta encore en intensité et les vibrations devinrent si aigües que Sonia faillit perdre l’équilibre, seule dans son salon. La roche s’effritait de partout en laissant échapper de la vapeur, des fissures se propageaient dans toutes les directions. Les parois semblaient littéralement se liquéfier, puis s’évaporer. Leurs avatars n’étaient pas sujet à la douleur, mais Sonia s’imaginait que l’air ambiant devait atteindre des températures extrêmes. Sous l’effet de la vapeur, la cavité fut entièrement enveloppée d’un brouillard si épais que Sonia, nonobstant la lumière intense, n’apercevait plus que deux de ses compagnons.

  Lentement, les vibrations s’amenuisèrent et le brouillard se dissipa. La lumière s’affaiblit comme si l’alchimie avait atteint son résultat. Le silence réinvestit bientôt les lieux et la brume laissa place à un spectacle inédit. La grotte qu’ils foulaient il y a encore un instant, avait fait place à une pièce sculptée de la main de l’homme. À présent, ils marchaient sur un sol lisse en carreaux de pierre alors que les murs, polis eux aussi et parfaitement d’aplomb, conservaient encore les reliquats de l’empreinte phosphorescente qui avait rayonné un peu plus tôt. Droit devant eux, au bout d’un couloir aux contours géométriques, se dressait la forme rectangulaire d’une porte massive en pierre, couverte de gravures et de motifs colorés.

« Les amis, je crois que notre chasse au trésor touche à son terme… »

Avec précautions, ils avancèrent dans cette nouvelle pièce finement architecturée que la roche volcanique dissimulait jusque-là.

  La porte était une monumentale stèle de pierre, sculptée de bas-reliefs et de runes où prédominaient les couleurs blanche, rouge et or. Au centre de la structure saillait la moulure d’une roue à sept branches entre chacune desquelles était gravé un animal mythologique. Sonia reconnut le loup, le serpent, le cygne, le dragon, le bélier, le dauphin et le cheval ailé. C’était la première fois qu’elle voyait un tel emblème. La roue était flanquée de chaque côté d’un cercle barré : à gauche, un cercle coupé par une ligne horizontale et à droite le même cercle coupé par une ligne verticale. Le centre de la roue était cavée d’un renfoncement carré qui correspondait exactement à la base des cristaux. Le prisme du soleil était resté sur le socle et elle pensa qu’Henry allait retourner le prendre, mais à la place, il s’adressa à elle : « Xena, tu veux bien essayer ton prisme, ici ? »

  Elle ne voyait pas pourquoi le prisme utilisé dans la montagne servirait sous l’océan. D’un autre côté, quelque chose lui disait que cette porte étrange scellait un mystère qui lui était propre. Elle sortit le cristal de son inventaire et le plaça dans le petit creux : il s’emboîta à merveille. Le prisme réagit immédiatement : il s’illumina d’une lueur bleue. La lumière se propagea alors autour de la roue comme si un dessinateur en repassait les contours à l’aide d’un feutre magique. Lorsque le cercle de lumière fut complet, une nouvelle ligne nitescente partit depuis la base de la roue et descendit en ligne droite jusqu’au pied de la stèle où elle se sépara en deux lignes opposées courant le long d’une glissière invisible comme l’eau dans un canal d’irrigation. Les deux rivières luisantes dessinèrent en parallèle le contour de la porte. Les traits d’énergie opérèrent leur jonction au sommet du rectangle et repiquèrent ensuite vers la roue en suivant une rainure que l’œil humain ne pouvait discerner. Au terme de sa course autour de la structure, deux grands battants rectangulaires parfaitement dessinés brillaient à la surface du mur. Sonia sentit son cœur battre plus vite. Le trésor de la lune - ou celui du soleil - les attendait de l’autre côté. Le sol gronda et les deux battants s’écartèrent sur une lumière blanche éblouissante.

La lumière faiblit. Sonia entendit un grondement sourd.

Puis ce fut l’explosion.

  Dans un vacarme assourdissant, elle fut balayée comme un fétu de paille, emportée par un flux d’énergie bleue dévastateur. Elle percevait à peine les cris de ses compagnons distordus dans les échos de l’onde de choc. Elle tourbillonnait à présent dans la mer et remonta avec difficulté à la surface. En sortant la tête hors de l’eau, elle comprit enfin ce qui s’était passé. Des massives portes entre-ouvertes s’engouffrait un torrent d’eau dans la cavité d’où avait émergé le Cousteau. Ce n’était pas une explosion d’énergie qui l’avait projetée dans le lagon mais un puissant torrent d’eau de mer échappé d’un barrage qu’ils venaient d’ouvrir.

« Bordel de bordel ! » jurait Henry. Sonia repéra, un à un, ses compagnons éparpillés autours d’elle. Seule Mona était restée debout, accrochée au socle sur lequel le prisme du couchant avait été posé. Elle avait résisté.

« Je ramasse le prisme » informa-t-elle. Elle avait l’eau juste en dessous des genoux. Le niveau du lagon était monté en un instant. L’eau continuait de se déverser depuis les portes mais dans un débit plus faible.

« Qu’est-ce que c’est encore que ce piège ! gronda Henry qui était ressorti du lagon.

— Je récupère aussi le prisme sur la porte ? demanda Mona.

— Essaie d’abord de voir ce qu’il y a de l’autre côté ! » conseilla Joe accroché à une paroi.

  Sonia nagea vers la rive submergée et se releva à son tour. Elle se releva, mais fut à deux doigt de retomber dans l’eau sous la pression du courant contraire. Elle persévéra mais Xena ne répondait pas normalement. Sa guerrière se battait contre une force implacable. Elle entendit Sandra crier et se tourna juste à temps pour voir la jeune fille replonger dans l’eau après une tentative ratée de s’en extraire. La latina gronda puis jura tout haut avant de capituler : « Moi, j’attends ici ! ».

Entre-temps, Mona s’était portée à hauteur de l’embrasure. Agrippée à la porte, derrière laquelle elle abritait son corps du torrent, elle passa la tête dans l’ouverture.

« Alors ? ne put s’empêcher de demander Henry avec hargne.

— Il y a… dit-elle, il y a une faille dans le plafond. L’eau s’engouffre par-là !

— Autre chose ? insista-t-il.

— Il y a… il y a une vasque ! Comme l’autre ! Et au-dessus est suspendu un magnifique cristal blanc qui brille comme… comme un diamant ! »

Henry soupira bruyamment. « Merde ! grommela-t-il. Il faut qu’on y aille ! ». Il se retourna pour évaluer la position de chacun. « Mona ! Tu peux rentrer dedans ? Il faut essayer d’atteindre cette vasque avant que…

— Henry ! cria Joe. Tu es sûr ? Le niveau monte à vue d’œil !

— Il nous reste assez de temps ! » trancha-t-il.

  Sonia ne comprenait rien à la discussion. Pourtant la tension était palpable entre les deux hommes. Ils étaient hors d’Elisor, ils étaient immortels. Il ne pouvait rien leur arriver. « Assez de temps avant quoi ? cria-t-elle à son tour. Un long silence, couvert par le grondement de l’eau pénétrant la grotte, couvait une réponse difficile à articuler.

« On doit retourner dans le sous-marin avant que la grotte ne soit sous eau, lâcha Henry à contre-coeur. Si le sous-marin prend l’eau, il est HS et ceux qui ne seront pas dedans auront cinq minutes pour faire le chemin inverse à la nage.

— Qu’est-ce qui se passe après cinq minutes ? insista Sonia au-dessus du tumulte.

— Les avatars, cria Henry, ont une durée d’apnée de cinq minutes. Après ce délai, ils se noyent et perdent leurs capacités de mouvement. On doit retourner dans le sous-marin avant que la grotte ne soit sous eau. Parce qu'à la nage... »

Sonia réfléchit en vitesse au chemin parcourru avec le Cousteau depuis l'entrée du temple jusqu'à la chambre sous-marine. 

Parce qu'à la nage, on y arrivera pas ...

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